Vous avez dit synodalité ? 

 

Mgr Grégoire Cador (évêque de Coutances et Avranches) 

« Quand nous parlons de synodalité nous parlons, littéralement, de marche ensemble. La notion de synodalité est perçue par certains esprits chagrins comme une espèce de nouveauté à la mode qui participerait à une redéfinition plus ou moins dangereuse des rapports en Église un peu trop calqués sur le modèle démocratique.  » Mgr Cador revient sur cette notion riche et complexe de synodalité pour nous en expliquer toute sa profondeur.

Quand nous parlons de synodalité nous parlons, littéralement, de marche ensemble. 

La notion de synodalité est perçue par certains esprits chagrins comme une espèce de nouveauté à la mode qui participerait à une redéfinition plus ou moins dangereuse des rapports en Église un peu trop calqués sur le modèle démocratique. 

C’est étonnant chez des gens qui s’inscrivent dans la longue tradition d’Abraham et se prétendent pourtant disciples du Christ lequel se présente lui-même comme « le Chemin » (Jn 14, 6). 

Jésus de Nazareth est le Verbe de Dieu sorti du Père pour venir partager notre condition humaine. Il a voulu apprendre à vivre en fils d’homme sur les genoux de ses parents et de la communauté humaine au sein de laquelle il a grandi pour pouvoir ensuite nous apprendre, dans notre langage, à vivre en fils ou filles de Dieu. 

Toute sa vie, et pas seulement sa vie publique, il n’a cessé de rejoindre ses contemporains, s’intéressant à leurs préoccupations et rejoignant leurs questions. Depuis le « Que cherchez-vous ? » (Jn 1, 38), le « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »(Lc 18, 41), le « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » (Lc 19, 5) en passant par le « Allons ailleurs dans les villages voisins, […] C’est pour cela que je suis sorti » (Mc 1, 38), Jésus n’a jamais cessé de s’approcher de ses frères ou de se laisser approcher par eux pour entrer en communion avec eux et partager avec eux leur quotidien. Au point que, dans la parabole du bon Samaritain, on ne sait pas si Jésus se met en scène dans le Samaritain qui s’approche ou dans l’homme blessé duquel le Samaritain se fait proche… Ils ne font plus qu’un sur le chemin de la vie. (Lc 10, 25-37) 

L’attitude fondamentale du Christ 

 

À peine relevé d’entre les morts, au soir de Pâques, Jésus reprend sa marche avec nous : « tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. » (Lc 24, 15) « De quoi discutiez-vous en chemin ? »  (Lc 24, 17) demande Jésus aux marcheurs. Non parce qu’il ne sait pas, « il serait d’ailleurs bien le seul étranger résidant à Jérusalem à ignorer les événements de ces jours-ci » (cf. Lc 24, 18), mais parce qu’il a besoin, pour continuer la route avec eux de manière fructueuse, de les entendre exprimer eux-mêmes ce qu’ils vivent et ressentent. 

C’est exactement ce à quoi nous invitent le pape François et le synode en nous proposant d’intégrer la synodalité dans notre art de vivre. Le « marcher ensemble » n’est pas d’abord une affaire interne à l’Église. C’est l’attitude fondamentale du Christ avec n’importe lequel de ses frères et sœurs humains. C’est pour vivre au mieux cette attitude auprès de nos contemporains non chrétiens que l’Église, sous l’impulsion de l’Esprit, nous invite à la vivre au sein même de nos communautés, dans un esprit de collégialité qui nous fait avancer en communion avec l’Église tout entière sous la houlette de Pierre, Premier des Apôtres et Serviteur des Serviteurs de Dieu. 

Annoncer l’Évangile 

 

Oui, les dons et les services dans l’Église sont variés (cf. 1 Cor 12, 4-5) mais la mission est la même d’annoncer l’Évangile et la proximité du Royaume (Mt 10, 7 et bien d’autres). Devenus membres vivants du Christ, prêtre, prophète et roi, au jour de notre baptême, Dieu nous invite à marcher ensemble et à ne faire plus qu’un en Lui, au service de la communauté humaine. 

La mission évangélisatrice repose sur le corps des baptisés. Parmi eux, certains ont été appelés au service de la communauté comme « intendants des mystères de Dieu. » (1 Cor 4, 1) L’intendant n’est pas le patron mais celui qui prend soin de la communauté pour qu’elle puisse assurer la mission qui est la sienne. Les baptisés n’ont pas été baptisés « pour aider monsieur le curé à annoncer l’Évangile » mais pour annoncer l’Évangile. 

Il revient donc aux pasteurs que nous sommes, évêques et prêtres, non pas de partager notre responsabilité comme on partagerait les parts d’un gâteau à quelques personnes au risque de les voir s’accaparer cette part et d’en faire leur affaire personnelle, mais de permettre et de servir la participation de tous à la charge pastorale du Christ, au service de laquelle nous avons été ordonnés pour la communauté. Il ne s’agit plus pour chacun de « prendre » sa part, mais « d’apporter » sa part à l’édification de tous. Ainsi, « toute la construction s’élève harmonieusement devenir un temple saint dans le Seigneur. » (Eph 2, 21)