La pédagogie Montessori aujourd’hui, par Iseult Abelians
Article publiée en version abrégée dans la revue Sub Signo Martini N°67
Iseult Abelians, pédagogue Montessori, témoigne de son expérience éducative auprès d’enfants et de l’actualité de la méthode développée par Maria Montessori.
Jeune pédagogue héritière de cette pédagogie novatrice, je perçois l’enfant dans toute son entité, le considérant comme l’acteur de notre humanité en devenir.
Je m’efforce chaque jour d’unir ma foi chrétienne avec la vision éducative avant-gardiste de Maria Montessori (1870-1952) auprès des enfants du monde actuel. Laissons de côté les livres et les manuels qui expliquent comment éduquer notre enfant, pouvant parfois nous culpabiliser. Oublions l’attitude qui consiste à projeter nos attentes inconscientes et nos peurs du monde sur l’enfant dès sa naissance. Revenons à la source du premier cri du nourrisson qui sort des entrailles de sa mère, celui qui a faim. Faim d’être nourri du lait maternel, faim d’être nourri de tendresse. La qualité de sa nourriture spirituelle dépend du changement radical de l’attitude de l’adulte envers le petit homme. Maria Montessori qualifiait « d’embryonnaire » les différents stades d’évolutions de l’enfant. Embryon d’une poussée lumineuse qui ne cessera de passer par des pertes et des conquêtes de soi vitales. Car pour Maria Montessori, la vie embryonnaire ne s’arrête pas à la gestation du corps physique.
« L’enfant est pour l’humanité, à la fois un espoir et une promesse. En prenant soin de cet embryon comme de notre trésor le plus précieux nous travaillons à faire grandir l’humanité. »
La croissance de l’enfant, morts et résurrections inlassablement rythmées tout le long de son existence, est fondée sur des lois naturelles d’acquisitions, singulièrement puissantes entre 0 et 6 ans, différentes après 7 ans.
Les « périodes sensible*», qualifiées d’irrésistibles et universelles par Maria Montessori, se retrouvent chez tous les enfants. La pédagogue italienne du début du siècle reprit le terme du biologiste hollandais Hugo de Vries qui mit en évidence le phénomène biologique du développement métamorphique de certaines espèces d’insectes pour expliquer les besoins vitaux de l’enfant. La connaissance des potentialités latentes chez l’enfant permet de les accompagner à leur terme sans les entraver. En somme il s’agit de ne pas tuer Mozart au berceau !
*Une période sensible est une période particulière et limitée dans le temps pendant laquelle l’enfant est inconsciemment et irrésistiblement sensible à certains aspects de son environnement, en excluant d’autres.
Maria Montessori (1870-1952)
« L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit mais une source que l’on doit laisser jaillir »
Dans mes ateliers, les enfants que j’accompagne tous les jours dans cette émergence me rappellent sans cesse à ces lois. Avertie de la présence de ces forces inconscientes et latentes chez l’enfant, je me fais gardienne autant que semeuse du grain qui croît. Grande responsabilité de l’adulte, qui consiste, via l’observation, à peser sa présence ou son retrait pour éviter toute entrave à l’autonomie qui se révèle. Par sa petite main qui travaille à se perfectionner, par la manipulation du matériel didactique, l’enfant développe son intelligence. La répétition du geste se met en place. La concentration va se traduire, par la suite, en confiance en soi et en développement de l’esprit mathématique. C’est ce qu’a revendiqué Maria Montessori comme sa « contribution expérimentale », visible dans la vie de tous les jours, si on sait la voir dans les mouvements et les choix du petit enfant. C’est le miracle auquel j’assiste au quotidien auprès des enfants. Provoquer l’émerveillement est une attitude qui se vit à tout moment pour le rayonnement futur de l’enfant : il est en effet le constructeur de l’homme de demain par ses apprentissages dès son plus jeune âge. Il n’est nul besoin d’inscrire son enfant dans une école Montessori hors de prix. Cette attitude qui donne vie est contemplation autant que transmission, elle est accessible à tous. Elle est aussi à distinguer d’autres approches souvent imaginées par des humanistes désireux de donner une place au petit d’homme, mais partant trop souvent de leurs propres théories et non de l’observation de l’enfant lui-même. Sans parler du sacrifice de l’évolution de l’enfant sur la pierre des réformes des remaniements économiques, comme on peut l’observer dans les phénomènes de société actuels concernant l’éducation : beaucoup de questions et de réformes, peu de résultats, faute de connaissances, malgré les efforts de certains enseignants désireux de répondre de leur mieux aux besoins fondamentaux des enfants qu’ils accompagnent. La transmission des savoirs ne peut être abstraite et sans mouvement, au risque d’être vouée à une présélection humaine cruelle et désincarnée, qui ne prend pas en compte le développement global de l’enfant dans ses différentes intelligences.
Que se passe-t-il alors ? Inlassablement je m’efforce de croire que c’est dans la connaissance de ces lois d’acquisitions, dans cette observation assidue de l’enfant, que s’accomplit le miracle de la manifestation de Dieu dans sa vie émergente. À la fois scientifique et sensible, Maria Montessori a su porter, usant d’un langage peu ordinaire, parfois biblique et imagé, un regard global sur l’émergence de la vie humaine : émergence de la vie porteuse d’un grand bien pour la construction humaine, ou au contraire engendrer les pires maux si elle est entravée.
En outre, Maria Montessori mettait en lumière le fait que la paix ne peut se construire uniquement par des réformes politiques. Elle soulignait l’importance de l’éducation de l’enfant au cœur de la société, pour répondre aux conflits, afin de créer une culture de la paix qui soit enracinée dès les premières années de la vie.
Pour toutes ces raisons, je crois intimement que la pédagogie Montessori peut être un outil fabuleux face aux défis actuels. Sans être pour autant exhaustive, c’est une ressource vivante en perpétuelle évolution, qui sait nous apporter un nouveau regard sur l’enfant, et nous donne les outils concrets pour échafauder une nouvelle manière d’aborder l’éducation. Une conversion à l’espérance plutôt que la peur du lendemain. Une sève silencieuse et vivante qui continuera à faire croître les arbres de nos générations à venir.