novembre 2024
Chaque début d’année, les séminaristes montent toute une pièce de théâtre, des dialogues à la mise en scène en passant par les décors et les costumes. C’est l’occasion pour eux de travailler en promo pour modeler du début à la fin la scène qui leur est attribuée, avec pour principe que chacun participe. Monter sur les planches n’est pas un exercice facile pour tout le monde et est l’occasion de mieux se former à affronter un public. Les séminaristes ont pu jouer leur pièce à deux reprises : le 11 novembre pour leur famille et habitants d’Evron, ainsi qu’une semaine plus tard devant tous les prêtres de la Communauté lors des Assises
Gauthier, membre du groupe de coordination du théâtre, revient sur cette expérience qui occupe bien les séminaristes pendant les deux premiers mois de leur année.
« C’est un roc, c’est un pic, c’est un cap, que dis-je c’est un cap, c’est une péninsule ! » Mais que se passe-t-il à la maison de formation ?
Au sein d’une maison de formation, le théâtre pourrait passer pour accessoire, voire inapproprié, après tout nous ne sommes pas ici pour former des comédiens, ni des artistes, ni pour nous donner en spectacle. Alors pourquoi faire du théâtre ? Au-delà d’une simple dimension ludique, nous verrons que le théâtre, tel que nous le vivons à Evron, connecte les quatre dimensions de la formation du séminariste : intellectuelle, humaine, spirituelle et pastorale.
Au n°1581, le Catéchisme de l’Église Cathlique écrit : « Par l’ordination l’on est habilité à agir comme représentant du Christ, Tête de l’Église, dans sa triple fonction de prêtre, prophète et roi. » Agir comme représentant du Christ, ça n’est pas être simplement un représentant de commerce. Le prêtre ne vend pas les sacrements ni la parole de Dieu, il les confère au nom du Christ, il rend présent le Christ. Il faut donc qu’il s’y soit préparé, intérieurement et extérieurement. Si le prêtre ne joue pas un rôle, il est constamment « en représentation », c’est un homme public, sa fonction exige une certaine visibilité. Il a le devoir d’enseigner par la prédication, de donner les sacrements, ce qui se fait en public. Or parler et agir en public, cela s’apprend.
Fondamentalement le prêtre donne le Christ, il ne s’annonce pas lui-même, il ne se met pas en scène, mais il montre Jésus-Christ, il proclame non sa parole, mais celle de Dieu. Pour cela, il a besoin de laisser le Christ l’habiter, et vivre en lui, de laisser cette Parole résonner en lui. Cela nécessite tout un effort de travail, non seulement intellectuel mais humain. C’est aussi le cas au théâtre, il faut travailler le texte, souvent d’un autre et le « donner » au public tout en se donnant soi-même. Mystérieusement, Jésus-Christ choisit toujours de passer par des médiations humaines pour proclamer la parole.
Humainement parlant nous l’avons déjà dit, le théâtre prépare le séminariste à être « exposé » en public, comme l’est le prêtre, non pas parce qu’il le veut mais parce qu’il est choisi pour cela. Le travail se fait également dans l’ombre de la préparation du spectacle. Cette préparation suppose un long travail parfois usant et peu gratifiant. Autant d’énergie pour ne dire qu’une réplique ! Pour ne passer que cinq minutes ! … Plus encore, c’est un travail de groupe et non un one man show. En cela nous pouvons dégager, certes en grossissant le trait, deux manières de recevoir et vivre le sacerdoce, pour le prêtre : ilparticipe de l’unique sacerdoce du Christ ; il partage avec tous les autres prêtres le sacerdoce, il ne lui appartient pas en propre. Ce partage est bien souvent source de joie.
Sur le plan intellectuel, outre l’effort fourni lors des travaux de groupe, le théâtre suppose de se faire, au moins ponctuellement une petite culture sur la figure que l’on va jouer. Ensuite, c’est l’effort plus direct d’apprentissage par cœur d’un texte, d’une chorégraphie, d’une chanson et son insertion dans un ensemble plus large, celui de la scène, puis celui de la pièce entière.
Enfin, une dimension plus pastorale du théâtre tel que nous le vivons à la communauté, c’est l’évangélisation. Non seulement pour les familles, les habitants d’Evron et les prêtres, mais aussi pour nous. En travaillant sur des figures de sainteté, nous sommes invités et nous invitons le public à se nourrir de leur vie et de leur exemple. Nous cherchons à transmettre la vie de Dieu à travers la vie d’un saint à tous ceux qui viennent nous voir. Nous nous donnons tout en cherchant à pointer Dieu, comme saint Jean-Baptiste.