La pastorale des crèches : entre foi et folklore
Article paru dans la revue Sub Signo Martini – n°65
Les crèches à Arles : Jésus est né en Provence !
Arles est une référence pour l’art de la crèche et des santons. Depuis plus de 60 ans s’y déroule le Salon International des Santonniers. Il met à la fois à l’honneur l’artisanat local, arlésien et provençal, mais aussi chaque année un pays nouveau en est l’invité spécial.
Ce salon se conclut toujours par la messe des santonniers où se retrouve tout ce pays si attaché à ses traditions.
Bien entendu, la crèche fait tellement partie prenante du Noël provençal qu’ici la polémique sur sa présence dans des lieux publics n’a pas court, Dieu merci !
Certes, la municipalité, comme ailleurs souvent, s’ingénie à renouveler l’imaginaire de la fête de Noël, et ici les festivités de fin d’année s’intitulent « drôle de Noël » (et il n’y est pas question d’enfant Jésus). Pourtant nous constatons que les habitants d’Arles, tout comme les visiteurs, recherchent au contraire ce qui est le plus traditionnel : la messe de la nuit avec pastrage (présentation d’un agneau nouveau-né que le prêtre béni au début de l’offertoire), les chants et musiques traditionnelles et locales, et bien entendu la visite en famille des crèches des églises.
Nous prenons soin donc, en collaboration l’équipe du salon des santonniers, de présenter à la primatiale Saint-Trophime une belle crèche, aux santons de cire, avec des Arlésiennes en grande tenue, mais qui soit aussi un lieu d’adoration du mystère de l’Incarnation. Tout le défi consiste à passer de la contemplation naturelle (la scène de la Nativité est émouvante et renvoie chacun à sa propre naissance, à sa propre famille) à la contemplation surnaturelle : ce petit enfant est bien l’Emmanuel, le Dieu avec nous, le Sauveur que le monde et mon âme attendent !
D’autre part, nous nous efforçons d’ouvrir les différentes églises de quartier à la période de Noël pour que partout soit admirée la crèche du lieu, et si possible reconnu et aimé l’Enfant Jésus.
Jean-Yves Urvoy + Curé d’Arles
La crèche : lieu de culture et…d’évangélisation !
En Provence, la crèche a un caractère culturel indéniable. Cette tradition s’est enracinée pendant la Révolution : les églises étant fermées, les gens ont commencé à installer des crèches à leur domicile. « La crèche provençale est le fruit d’un itinéraire unique, mêlant au fil du temps, le profane au religieux » (M. Carbonel, célèbre santonnier). On touche pleinement à la réalité de l’Incarnation (Dieu avec nous, Dieu parmi nous) : les santons sont des personnages typiques ou célèbres de la région qui sont mêlés aux défunts de la famille et surtout à tous les petits métiers du 19ème siècle. S’y ajoutent nécessairement l’ange, l’Arlésienne, l’aveugle et son fils, le tambourinaire, le ravi… Durant le temps de Noël, beaucoup entrent encore dans les églises pour « voir la crèche ». Ce petit rituel est un lieu d’évangélisation : il convient de remettre la Nativité (la Sainte Famille) au centre de la crèche, au sens propre comme au sens figuré ! A Saint-Raphaël, il y a trois types de crèche durant les fêtes :
– La crèche vivante : inspirée modestement par la représentation médiévale des « mystères », elle est donnée sur le parvis de la basilique le samedi précédant Noël avec décors et animaux. Lancée par des paroissiens, elle est actuellement jouée par les jeunes de l’aumônerie. Elle est un évènement public et rappelle aux spectateurs et aux passants, la réalité de ce qui est fêté et de Celui qui est célébré à Noël. Pour les acteurs, elle est plus qu’un bon souvenir, elle permet de s’approprier l’évènement liturgique. A la magie de Noël, on préfère la grâce de l’Incarnation.
– La crèche provençale : elle occupe tout le transept droit de la Basilique ! Elle s’enrichit chaque année de nouveaux sujets en papier mâché, offerts souvent par des inconnus. Plusieurs scènes sont animées. On estime entre 15 et 20.000 personnes qui viennent la contempler en un mois. Emerveillement pour les petits, elle peut être l’occasion d’un recueillement, d’une prière. Elle est une catéchèse à elle toute seule. L’idéal serait que des chrétiens soient présents pour accueillir, expliquer et pourquoi pas…proposer une prière sous forme d’intentions ?
– Les veillées de Noël : jouées par les enfants du catéchisme avant les messes de la Nuit, elles attirent les familles venues voir leur descendance dans un rôle, sur un scénario immuable et connu de tous. Hors d’œuvre de la messe la plus populaire de l’année (dans tous les sens du terme), elles invitent hommes et femmes des périphéries à reconnaitre quel est le vrai cadeau de Noël : le Fils de Dieu, fait homme.
Stéphane Pélissier + Curé de Saint-Raphaël
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