Comment mieux vivre de l’Eucharistie ?
(Dossier Sub Signo Martini n°9)
(Dossier Sub Signo Martini n°9)
Nous pouvons nous interroger sur la manière dont nous nous unissons et vivons, dans la communion, de Jésus-Eucharistie.
Que représente pour nous le mystère de la présence réelle ? Comment communions-nous ? Comment rendons-nous grâce pour un tel don ? Notre réflexion veut nous aider à mieux pénétrer le mystère de Noël, mystère eucharistique par excellence puisque nous y faisons mémoire de la venue de Dieu parmi nous, « l’Emmanuel ». Cette spiritualité se résume bien dans l’expression chère à l’abbé Guérin, fondateur de la Communauté Saint-Martin : « Tout le mystère de Dieu est dans le mystère du Christ, tout le mystère du Christ est dans le mystère de l’Eucharistie ».
Le Christ est là, immolé et ressuscité
L’Eucharistie tire sa nature sacrificielle de l’immolation du Christ qu’elle rend présent en même temps qu’elle préfigure le Banquet céleste qui nous réunira autour de Dieu.
Cette double signification s’explique par le fait que le Christ est présent dans l’Eucharistie tel qu’il est : immolé à son Père pour le salut des hommes et ressuscité dans la gloire.
Le mystère de l’eucharistie, un sacrement
Pour pénétrer dans ce mystère de la présence réelle, il nous faut comprendre ce qu’est un sacrement. C’est un signe sensible (paroles, gestes et matière sensible) par lequel Jésus, par la vertu de l’Esprit, nous communique sa grâce invisible pour nous transformer en lui. Dans un sacrement, on distingue :
1- le signe en lui-même,
2- ce que le signe sacramentel cause en signifiant,
3- la grâce spécifique qui est attachée à ce sacrement, qu’on appelle grâce sacramentelle.
L’Eucharistie contribue à la construction de l’Eglise
Dans l’Eucharistie, le signe est constitué par les espèces du pain et du vin, qu’accompagnent les paroles et les gestes de la consécration ; la réalité qui est causée par ce signe est le Christ lui-même présent dans son corps et son sang, son âme et sa divinité. La grâce spécifique attachée à ce sacrement contribue à la construction de l’Église, infuse la charité du Christ en nous, et se présente comme un gage de la vie éternelle.
Il est grand le mystère de la foi !
Ce qui fait de l’Eucharistie le plus grand des sacrements, c’est que la réalité causée n’est pas simplement une des vertus salvifiques du Christ, comme on les trouve dans les autres sacrements, mais c’est le Christ lui-même, présent réellement. Ce changement de réalité qu’opère la consécration, faisant du pain et du vin le corps, le sang, l’âme et la divinité du Christ, s’appelle la « transsubstantiation ». Après la consécration, ce qui est là, sous les apparences du pain et du vin, c’est le Christ immolé et ressuscité. Ceci est une vérité de la foi que l’Église a reçue de la bouche du Christ : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair » (Jn 6, 51). C’est le mystère de la foi ! Cherchant cependant à comprendre pourquoi Jésus voulut un tel sacrement, nous saisirons mieux les fruits que le Seigneur veut nous y voir recueillir.
La visite au Saint Sacrement
La visite au Saint Sacrement est à la participation au sacrifice eucharistique ce que la lectio divina est à l’écoute de la Parole de Dieu pendant la Messe. La Messe est un tel mystère d’amour et de foi que nous ne saurions en savourer les grâces sans en prendre le temps. Laissons-nous donc aller à cette contemplation amoureuse en présence du Christ qui est au Tabernacle. Brûlons devant lui, à l’image de la lampe du Saint Sacrement. Et laissons-le brûler en nous, comme le Buisson ardent, pour la gloire du Père et le salut des hommes.
Demeurez en mon amour
Le Christ veut être présent à son Église afin de se donner à elle et demeurer vivant en chaque fidèle qui le reçoit avec foi. En accueillant le Seigneur dans notre âme, nous répondons à son invitation : « Demeurez en mon amour » (Jn 15, 9). En assimilant l’hostie, nous rencontrons réellement Jésus se donnant tout entier à notre âme. « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (Jn 6, 54). Saint Paul s’extasiait devant la réalité d’une telle communion : « La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas communion au corps du Christ ?» (1 Co 10, 16). Le Seigneur se donne vraiment à manger. Malgré l’incompréhension de nombre de ses disciples, Jésus affirme avec force : « Ma chair est une vraie nourriture et mon sang une vraie boisson » (Jn 6, 55).
Qui mange ma chair vivra par moi
L’Eucharistie devrait être la nourriture essentielle de notre vie à mendier chaque jour au Père, le pain qui nous unit intimement au Sauveur et nous transforme peu à peu en celui qui a donné sa vie. « Le corps et le sang du Seigneur nous sont donnés afin que nous-mêmes, nous soyons transformés à notre tour. Nous-mêmes, nous devons devenir Corps du Christ, consanguins avec lui », rappelait Benoît XVI lors de sa dernière homélie aux JMJ de Cologne. Cette transformation est si puissante qu’en recevant Jésus nous accroissons son corps qui est l’Église. De cette incorporation toujours plus intense découle notre responsabilité missionnaire. Le Seigneur veut se donner aux hommes à travers nous qui, transformés en lui, l’apportons à nos frères.
Du fiat de Marie à l’amen du communiant
Quel émerveillement devant la bonté du Seigneur et quelle confusion aussi pour la légèreté de nos communions ! Nous devons nous approcher du Christ avec un cœur à la fois rempli de désir et façonné à son image par une vraie vie de foi et d’amour. Amen, telle est l’affirmation de notre cœur désireux de suivre celui qu’il accueille. C’est le sens de l’exhortation de S. Augustin : « tu entends ce mot, le corps du Christ et tu réponds Amen. Sois donc un membre du Christ pour que soit vrai ton Amen ». C’est un acte de foi renouvelé en la présence de Jésus en même temps qu’un acte d’abandon : Que ta volonté soit faite ! On voit ici l’analogie profonde entre le fiat par lequel Marie répond aux paroles de l’ange et l’Amen que chaque fidèle prononce quand il reçoit le corps du Christ.
La communion spirituelle : Restez en moi !
« Je le sais, ô mon Dieu, plus vous voulez vous donner, plus vous vous faites désirer. Je sens en mon cœur des désirs immenses et c’est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. Ah ! je ne puis recevoir la Sainte Communion aussi souvent que je le désire, mais Seigneur, n’êtes-vous pas Tout-Puissant ?… Restez en moi, comme au tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie… Je voudrais vous consoler de l’ingratitude des méchants et je vous supplie de m’ôter la liberté de vous déplaire, si par faiblesse je tombe quelquefois, qu’aussitôt votre Divin Regard purifie mon âme, consumant toutes mes imperfections comme le feu qui transforme toute chose en lui-même » – Extrait de l’offrande à l’amour miséricordieux de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
Une attitude fondamentale de la vie chrétienne
Plus qu’un moment de la liturgie eucharistique, l’action de grâce désigne d’abord une attitude fondamentale de la vie chrétienne : la gratitude envers celui qui nous comble au-delà de toute mesure. En effet, la communion au mystère divin laisse l’âme ravie devant l’immensité du don : il lui est alors nécessaire de prendre du temps pour se laisser habiter par l’Hôte divin.
Entrer dans l’offrande du Fils au Père
Si toute la vie chrétienne est action de grâce, c’est dans le cadre de la Messe, don par excellence, que cette expression trouve son sens plénier. Eucharistie signifie précisément action de grâce. Il s’agit avant tout de l’action de grâce du Christ s’offrant à son Père pour le salut du monde. C’est à ce grand mouvement ascendant que le Christ nous fait participer lors de la Messe. Notre participation, déjà active par notre union au sacrifice de la Croix, est encore renforcée par ce temps que nous prenons après la communion pour nous laisser saisir par celui que nous venons de recevoir. Il s’agit alors moins de chercher à comprendre le mystère que d’en vivre simplement, de goûter la joie de la présence de l’être aimé, du Sauveur.
A la suite de Marie, Femme eucharistique
L’attitude modèle de notre action de grâce est celle de la Vierge Marie auprès de la crèche : silencieuse, elle laisse monter en elle le gloria des anges, émerveillée d’une telle intimité de Dieu avec l’âme. À son exemple, sachons-nous laisser aimer simplement par cette présence de Noël actualisée dans chaque Eucharistie : Emmanuel, Dieu avec nous.
Une vie eucharistique à l’école des saints
Pour la petite Thérèse, l’Eucharistie condense tout l’amour de Dieu : Jésus. « Ce n’est pas pour rester dans le ciboire d’or qu’il descend chaque jour du ciel, c’est afin de trouver un autre ciel qui lui est infiniment plus cher que le premier, le ciel de notre âme, faite à son image, le temple vivant de l’adorable Trinité ».
Cette descente de la vie divine en notre âme appelle en réponse le don de soi à l’être aimé. La vie de sainte Thérèse est ainsi devenue pleinement eucharistique à travers la souffrance de ses derniers mois, jusqu’à l’acte d’offrande à l’amour miséricordieux. L’épreuve de la foi est la réalisation existentielle de la vie eucharistique de Thérèse qui demande « la prise de possession d’elle-même par celui qui ne transforme le pain en son corps que pour transformer le communiant en lui-même ». L’Eucharistie exige donc une vie eucharistique c’est-à-dire dépossédée de soi-même et donnée au Père par le Christ.
L’adoration, passerelle vers la communion
La pratique de l’adoration eucharistique retrouve aujourd’hui une place de choix dans la spiritualité chrétienne. L’adoration, qui relève d’une attitude de louange de la créature pour son Sauveur, ne doit pas être séparée de l’Eucharistie dont elle est issue. En nous ramenant à l’Eucharistie, l’adoration nous fera passer de la contemplation à la communion.
Dossier réalisé par l’abbé Louis-Hervé Guiny