L’espérance, la grande force des chrétiens 

 

Don Antoine Barlier

« Vous n’aviez pas espérance, et, dans le monde, vous étiez sans Dieu. » (Ep 2, 12) C’est par ces mots que saint Paul s’adresse aux Éphésiens, pour leur signifier la grandeur du don de Dieu, qui les a fait entrer dans le peuple de l’Alliance. Désormais, ils participent aux promesses de Dieu. L’espérance semble être la marque distinctive de ceux qui cherchent à vivre dans la fidélité à Dieu.  

Grande et petites espérances 

L’espérance appartient-elle aux seuls chrétiens ? Ne siège-t-elle pas au cœur de tout être humain, tant il est vrai que, selon le proverbe, l’espoir fait vivre ? Aristote remarquait déjà que tout homme désire le bonheur, qu’il le place d’ailleurs dans la vertu, la gloire ou le plaisir. Un grand amour, une réussite professionnelle, un progrès dans la connaissance peuvent parfois sembler le combler, mais, au fond, une fois que ces espérances se réalisent, un certain vide demeure toujours. Comme l’exprime saint Augustin, le cœur humain demeure inquiet, c’est-à-dire sans repos, tant qu’il ne demeure en Dieu. À travers toutes les espérances humaines, nous faisons l’expérience du besoin d’une espérance qui va au-delà, la « grande » espérance, qui dépasse les simples espoirs de réalisation humaine (d’ailleurs, le français use de deux mots différents). « Il paraît évident que seul peut suffire [à l’homme] quelque chose d’infini, quelque chose qui sera toujours plus que ce qu’il ne peut jamais l’atteindre. » (Benoît XVI) Cela relativise-t-il nos espérances humaines ? Non, bien au contraire, comme elles, l’espérance théologale s’inscrit dans la dynamique du désir, assume et récapitule en elle tous les espoirs humains, en leur accordant leur juste place.  

Les yeux au Ciel et les pieds sur terre 

C’est précisément en ce sens que saint Paul affirme aux Éphésiens qu’ils étaient sans espérance lorsqu’ils vivaient sans Dieu. Ils croyaient certes en des dieux, mais l’avenir était, pour eux, confus et sombre, comme il l’est pour tant de nos contemporains, habités à la fois par le désir de vivre toujours et l’angoisse de la destruction qui approche. Là, se trouve justement l’espérance chrétienne, celle de pèlerins qui, au baptême, ont commencé leur marche vers la vie éternelle. Nous ne savons pas en détail à quoi ressemblera la vie éternelle, cette vision de Dieu qui nous est promise, mais nous savons que nous allons vers Lui, vers Celui qui a donné sa vie pour nous, vers Celui qui peut nous sauver. En ce sens, la dynamique de l’espérance s’appuie sur l’action de grâces : c’est en regardant les hauts faits de Dieu dans notre vie que se renforce notre espérance qu’Il continue chaque jour à agir pour nous.  

C’est parce que nous sommes sûrs d’aller vers Jésus-Christ, Chemin, Vérité et Vie, que nous pouvons trouver la motivation pour agir, chaque jour, concrètement, en nous appuyant sur son secours, pour améliorer le monde. Il ne s’agit pas de construire le paradis sur terre – tous ceux qui ont tenté, par la révolution, de le faire, ont bien plutôt créé l’enfer sur terre – mais de laisser l’Esprit Saint ouvrir des fenêtres vers le Ciel.  

 

L’espérance de tout un peuple 

L’espérance chrétienne est celle de tout un peuple, l’Église, appelée à en témoigner auprès des hommes de tous les temps et de tous les lieux. En face de la critique contemporaine accusant le christianisme d’avoir une vision individualiste du salut – je cherche à faire mon salut, peu importe le sort des autres ici-bas – toute l’Écriture Sainte nous montre un peuple qui espère. La vie éternelle n’est pas une récompense individuelle mais une réalité communautaire. En ce sens, l’espérance est fondamentalement missionnaire. Espérer la joie du Ciel, c’est entrer dans la pensée de Dieu et désirer ce qu’Il veut lui-même, à savoir « que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ». 

 

Élargissons notre regard aux vues de Dieu, en fuyant le simple optimisme du « ça ira mieux demain » ou le terrible pessimisme des prophètes de malheur, et entrons dans cette magnifique vertu d’espérance, qui nous place dans une attente de l’éternité bienheureuse pleine de vigilance à ce que l’amour triomphe chaque jour.