Jésus, pierre d’angle…
Jésus est d’abord la pierre de fondation, ce qu’on appelle dans l’Ecriture « la pierre d’angle », cette première pierre qui constitue le début de la construction et sur laquelle tout le temple, dira saint Paul, va s’élever, tout l’édifice va croître avec les pierres vivantes que nous sommes.
Jésus est d’abord cette pierre d’angle en tant qu’uni au Verbe, Il est le Créateur, « premier-né de toutes les créatures. » Donc l’univers repose sur la pierre qu’est le Christ uni à la deuxième personne de la Trinité « par qui tout a été fait. »
Le Christ est aussi pierre d’angle au niveau de la re-Création, de la Rédemption. Il est, nous rappelle saint Paul : « premier né d’entre les morts » car « c’est par son sang qu’Il a réconcilié les hommes avec Dieu. » Donc là aussi le Christ est à l’origine. Alpha constituant le peuple élu, à l’intérieur même de ce cosmos dont Il est le Créateur.
Le Christ, tête d’angle…
Le Christ est pierre d’angle. Il est fondation.
Mais le Christ est aussi la pierre de faîte. Il est ce que l’on appelle en architecture : tête d’angle, ce que l’on appellera en architecture romane la clef de voûte, cette pierre par laquelle toute la voûte se tient et, au-delà de la voûte, tout l’édifice.
Le Christ se trouve au sommet ; Il se trouve au sommet de la Création parce que, nous rappelle l’Ecriture, « tout subsiste en Lui » et Il fait tenir tout ensemble dans l’unité, en tant qu’Il est le Verbe, en tant qu’il est la Cause finale, en tant qu’Il est ce vers quoi le cosmos est en marche.
Puis au niveau de la re-Création, le Christ est aussi la clef de voûte, la tête d’angle, la pierre de faîte de l’édifice puisque c’est en Lui que : « tout être trouve son accomplissement. » Nous tendons tous, en tant que fils de Dieu, à ressembler au Christ, nous sommes tous attirés par Jésus.
Donc le Christ est à la fois Alpha et Omega, origine du Cosmos et du Peuple qu’Il s’est constitué et finalité de toute la Création, finalité de l’Eglise.
Le Christ-Roi donne Sa vie pour constituer Son peuple !
La différence qu’il y a entre la Royauté de Jésus et la royauté humaine c’est que les rois, pour constituer un peuple, pour cimenter un peuple, de quoi se servent-ils ? Du sang de leurs sujets : c’est très souvent sur les champs de bataille que se fait une nation ! C’est sur les champs de bataille que se cimente un peuple. Nous l’avons vu avec l’origine de la France et aussi dans tous les autres épisodes -malheureusement sanglants- de notre histoire, y compris la Révolution. C’est parce que les sujets donnent leur vie sur le champ de bataille que se constitue une nation, que se constitue un peuple et que ce peuple se cimente.
Pour Jésus c’est tout l’inverse : le Roi qui est le Christ donne Sa vie pour se constituer le peuple comme Il donne Sa vie pour cimenter Son peuple. Sur le champ de bataille qu’est le monde tel que saint Marc nous le présente dans l’Evangile (lorsqu’il décrit, en opposition, le mystère du Christ envoyé par le Père Source de tout bien pour lutter contre le mystère du Mal qui s’origine dans Satan) dans ce grand champ de bataille entre le bien et le mal qu’est le monde et dans ce champ de bataille restreint mais tout aussi violent qu’est notre âme, c’est le Christ qui s’engage, c’est le Christ qui se livre, c’est le Christ qui livre bataille !
Le Peuple constitué par le Baptême et unifié dans l’Eucharistie
Pour constituer Son peuple, Il instaure le Baptême et pour l’unifier dans l’unité, Il offre l’Eucharistie.
Dans le Baptême nous nous conformons à la mort de Jésus. Et dans l’Eucharistie nous formons l’unité de l’Eglise dans la mort de Jésus. Dans le Baptême le peuple nouveau est constitué dans la mort et dans la Résurrection de Jésus : « Nous sommes ensevelis avec Lui pour ressusciter avec Lui d’une vie nouvelle. »
Dans l’Eucharistie nous faisons l’unité en mourant à nous-mêmes, nous les différents grains de blé qui vont être unifiés dans le pain qu’est l’hostie, pour ressusciter avec la Résurrection du Christ vivant dans l’hostie et ne faire qu’un peuple qui est le peuple uni par le Christ-Eucharistie, mort et ressuscité, vivant dans l’Eucharistie, vivant dans l’hostie.
Donc la grande bataille du monde, c’est Jésus qui l’a livrée contre les forces du mal, contre notre péché ; et Il la livre aussi dans notre âme. C’est par cette bataille gagnée qu’Il se constitue Son peuple et c’est le Baptême ; c’est par elle qu’Il unifie son peuple et c’est l’Eucharistie.
« Tout récapituler dans le Christ » !
Voilà ce que nous célébrons aujourd’hui dans la fête du Christ-Roi. Nous célébrons cette royauté théologique du Fils de Dieu « qui a acquis à Dieu son Père, par son sang, un peuple » nous disent les Actes des Apôtres.
La fête du Christ-Roi n’est pas une fête de triomphalisme au sens humain du mot, c’est une fête de contemplation qui résume et récapitule toute notre Année Liturgique.
« Tout récapituler dans le Christ » : nous récapitulons aujourd’hui notre regard d’enfant, notre regard de peuple, notre regard ecclésial, à la fois personnel de chacun de nous, baptisé, et communautaire de peuple de l’Eglise ; nous le récapitulons face au Christ dans Lequel nous nous ‘originons’, Duquel nous sommes nés et vers Lequel nous allons, le tout grâce au sacrifice de Sa vie.
C’est ce que nous dira Jean dans le discours à Nicodème : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils pour sauver le monde », pour re-Créer le monde, pour le remettre en marche vers l’accomplissement de la Béatitude.
« Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils pour sauver le monde »
Aujourd’hui nous célébrons l’Amour invincible de Dieu qui a remporté la victoire ! Nous faisons mémoire de l’Amour invincible de Dieu sur l’homme, pour l’homme, envers l’homme.
Nous ne sonnons pas de la trompette, nous ne défilons pas avec des drapeaux, nous ne faisons pas de triomphalisme ; nous essayons au contraire d’entrer en nous-mêmes et de contempler, comme nous avons voulu le faire pendant cette Année Liturgique, cette Présence aimante, agissante, de Dieu en nous, qui nous enfante chaque fois que nous récitons le Notre Père, chaque fois que nous proclamons notre Credo, chaque fois que nous allons au sacrement de Réconciliation renouveler notre engagement baptismal ; et qui nous unifie dans la constitution de Son et notre peuple qu’est l’Eglise, constituée à chaque fois que nous participons à l’Eucharistie. Voilà ce que représente la fête du Christ-Roi.
Ce qu’il y a de merveilleux lorsque nous contemplons la création de ce Royaume, si c’est cette victoire de l’amour de Dieu qui constitue le peuple et le Royaume, c’est que donc tout le monde peut y entrer ! Il suffit pour nous, chaque jour, pour entrer dans le Royaume, d’accepter la victoire de cet amour sur nous.
Il ne s’agit pas de s’inscrire, il ne s’agit pas de payer, il s’agit d’accepter la manière dont Jésus a voulu constituer Son Royaume : accepter notre baptême, accepter nos Eucharisties, il s’agit d’accepter donc ce que Jésus vient nous donner : la foi, l’espérance, la charité, toutes ces vertus qui Lui sont propres et qu’Il nous offre ! Voilà comment nous entrons dans le Royaume.
« Lui, Il est juste, nous nous avons fait le mal. »
Il nous reste donc à faire comme le Bon Larron qui a compris avec une théologie sûrement très primaire, mais qui a compris avec son cœur, au dernier instant de sa vie, qu’il avait refusé l’amour de Dieu, refusé cet amour du Royaume.
Nous aussi nous le refusons chaque jour un certain nombre de fois ! Ou nous ne le voyons pas tomber sur nous cet Amour, nous ne le ressentons pas profondément, théologiquement en nous, comme une vérité, une réalité vraie !
Je suis sûr que les trois-quarts du temps nous ne nous apercevons pas que nous sommes remplis de la charité de Jésus et donc nous n’y répondons pas à cette charité, nous ne l’utilisons pas cet amour de Jésus qui nous constitue baptismalement et eucharistiquement parlant.
Nous vivons comme si nous n’avions rien dans notre cœur, comme si nous n’avions aucun trésor ! Alors que chaque jour qui naît, chaque fois que nous nous réveillons, nous nous réveillons comme baptisé, comme enfant de Dieu et dans notre première prière, dans notre premier signe de la croix, nous nous ouvrons, nous recevons cette foi, cette espérance, cette charité baptismale !
Alors donc, si nous ne nous en apercevons pas, nous ne l’utilisons pas et nos actes ne sont pas des actes christiques et donc évangéliques ! Ce sont des actes humains, pas forcément complètement mauvais, mais extrêmement limités, limités par notre regard, par notre intelligence, par notre culture, par nos sentiments, par nos passions, par notre éducation, qui fait que nous aimons bien ceux que nous voulons aimer, mais pas plus…
Nous ne sentons pas la charité donc nous ne l’utilisons pas et nous ne répondons pas à l’amour. C’est ce que dit le Bon Larron : « Lui, Il est juste, nous nous avons fait le mal. »
Car c’est ça faire le mal : c’est de ne pas utiliser la charité du Christ qui est en nous depuis notre dernière Eucharistie, de faire comme si nous n’avions rien. C’est de vivre comme des hommes, des femmes, sans foi.
« Quand tu reviendras dans ton Royaume prends-moi avec toi. »
Et le Bon Larron demande pardon, et nous allons le demander avec lui à l’occasion de cette Fête du Christ-Roi : Quand Tu reviendras dans ton Royaume de la charité, après la foi et l’espérance, « quand tu reviendras dans ton Royaume prends-moi avec toi ».
Nous allons redemander à Jésus d’être patient et de nous redonner une fois encore et à chaque fois qu’il le faudra, cette charité, cette grâce, par la communion de ce jour, par notre confession de fin d’Année Liturgique, par notre préparation de l’Avent, par notre confession de Noël… Nous Le prions de nous redonner cette charité qui est l’Amour qu’Il nous porte et cet Amour qu’Il veut que nous utilisions en retour pour L’aimer Lui et L’aimer dans nos frères !
Il nous donne de quoi L’aimer. Il nous donne de quoi aimer nos frères. Comment pourrions-nous aimer nos frères si nous n’allons pas puiser à la source de la charité ?!
Voilà ! Nous pouvons demander cette grâce de voir nos aveuglements passés, de voir toutes les fois où nous n’avons pas été suffisamment attentifs à cette merveilleuse puissance d’Amour qui est en nous, puisque, par le Baptême, nous appartenons au Royaume, puissance que nous avons laissé traîner, s’empoussiérer, non utilisée, comme morte… Et demandons à Jésus de nous redonner cette énergie christique, Sa propre énergie d’amour, Sa propre foi, Sa propre espérance, pour que nous puissions en vivre en L’aimant et en aimant nos frères.