« Je suis Celui qui est » est en fait « Dieu avec nous » !
On peut penser que la manifestation, l’épiphanie silencieuse de Bethléem, est centrée, trouve son sens dans la Révélation d’un Nom comme pour le Buisson ardent. Or cette Révélation d’un Nom, elle a bien lieu puisque Celui qui naît, l’Enfant que les mages viennent adorer « il s’appellera l’Emmanuel », suivant la prophétie d’Isaïe : « La vierge concevra et elle lui donnera un nom, on l’appellera Emmanuel. » !
Donc tout le silence de Bethléem, tout ce recueillement, cette intimité (à l’exemple du Buisson ardent qui en plein désert est là, brûle silencieusement comme le face-à-face de Dieu avec Moïse), tout le silence de Bethléem, toute la lumière de Bethléem, tout cet évènement si secret, si discret, si mystique, est rempli d’une révélation qui s’appelle « Dieu-avec-nous », Emmanuel.
Ce n’est plus seulement « Je Suis Celui qui est », du Buisson ardent, c’est « Dieu-avec-nous. »
« Dieu-avec-nous » : signe efficace de l’éternité !
Mais alors quel sens donner à cette révélation de « Dieu-avec-nous » ?
C’est très simple : c’est le face-à-face de Dieu avec l’humanité, l’enfant face à Marie, Joseph, les bergers et maintenant aujourd’hui les mages, tous et chacun représentant l’humanité.
Ce « Dieu-avec-nous » est comme un sacrement, le Christ est le Sacrement, le signe efficace de l’éternité !
Je donne, ce faisant, une coloration un peu nouvelle à cette célébration de l’Épiphanie que l’on a trop tendance à restreindre à l’universalité. C’est vrai que c’est la fête de l’universalité des nations, -saint Paul nous en parle-, rien de plus exact et nous y viendrons.
Mais il y a d’abord, comme dans tout acte de Dieu et dans toute Parole de Dieu, une référence à l’ultime, une référence à l’Oméga : « C’est pour cette heure que je suis venu » dira Jésus. Il vient dans le monde pour sanctifier le monde, mais pour l’Au-Delà. Il ne vient pas pour rester dans le monde, d’ailleurs Il s’en ira du monde…
« Là où je suis là aussi sera mon serviteur. »
Donc le face-à-face de Dieu avec nous à la crèche est le signe efficace de l’éternité. Pourquoi ?
Parce que dans l’éternité, nous serons ‘nous-avec-Dieu’. Donc ce face-à-face, cette manifestation, cette épiphanie secrète, mystique, extrêmement intime du « Dieu-avec-nous » au milieu du cercle de Ses ultra-privilégiés que sont Marie, Joseph, les bergers et les mages, n’est rien d’autre que le dévoilement de notre avenir éternel ! « Dieu-avec-nous » nous dévoile ce que sera le « nous-avec-Dieu » : « Là où je suis là aussi sera mon serviteur. »
Signe efficace ai-je précisé parce que ce dévoilement commence la route, donne l’impulsion, l’énergie que nous appelons la grâce, pour pouvoir effectivement marcher et atteindre ce « nous-avec-Dieu » que l’on appelle l’éternité !
Alors entre le face-à-face de la crèche et le face-à-face éternel, entre le « Dieu-avec-nous » et le « nous-avec-Dieu », nous avons un rapport d’inversion, mais un rapport d’identité : Je suis avec toi pour que tu sois avec Moi semble dire l’Enfant-Dieu…
On retrouve toute la mystique des noces de Dieu avec l’homme…
La Sainte Famille de la Trinité.
Nous pouvons donc décrire, entr’apercevoir ce que sera notre éternité, notre « nous-avec-Dieu », notre vie éternelle avec Lui.
C’est d’abord l’entrée dans la Sainte Famille que représente la Trinité. C’est d’abord cela l’éternité. L’éternité c’est l’entrée dans la Sainte Famille de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.
Et le cœur, le centre, l’atome, le noyau de cette Famille Sainte qu’est-ce ? Regardons l’Enfant de la crèche : Il est la pauvreté, la pauvreté de soi, l’humilité, la petitesse… Le cœur de Dieu, le noyau de la Vie divine, la substance intime de Dieu, c’est la Pauvreté qui est manifestée par l’Enfant à la crèche.
Nous entrons dans cette Sainte Famille dont le cœur est la pauvreté de soi, à ne pas confondre avec la pauvreté sociale ! Il s’agit ici de la pauvreté de soi !
L’entourage, les électrons autour du noyau de l’atome divin, qu’est-il ? Là encore, regardons : les mages et les bergers ! Des riches, des rois : Malheur : bourgeoisie, capitalisme, eh oui ils sont là, les rois, les riches, les savants… Les mages c’étaient un petit peu tout cela, des princes et savants venus de l’Orient.
Et puis des bergers…
Alors avec eux nous avons vraiment le dernier barreau de l’échelle sociale, puisque les bergers n’étaient même pas reconnus dans leur existence civile ! Le bas peuple, aussi pauvre qu’inculte !
C’est donc toute l’humanité sociale qui est ainsi représentée : riche et pauvre, ignare et savante, mais réunie dans une même humilité du cœur : le berger contemple à moitié ravi, sans trop comprendre, et le mage s’agenouille et adore !
Voilà ce que représente notre entrée dans l’éternité avec toute l’humanité qui y est conviée.
« Ils ne feront qu’une seule chair. »
Nous arrivons effectivement là à la dimension universelle : « Lève-toi et regarde : ils arrivent tous ! »
On ne sait pas si Isaïe parle de la crèche avec les mages, (tous les peuples qui arrivent de Madian, de Saba, etc… ces noms obscurs du croissant fertile, évoquant les caravanes de dromadaires qui blatèrent) ou si le prophète parle de l’Eternité où la Jérusalem Céleste accueillera tous les peuples venant à la lumière, venant voir l’Agneau qui trône. On ne sait pas, et cela n’a pas d’importance puisque l’un est signe de l’autre, puisque l’un appelle l’autre, puisque l’un mène à l’autre, puisque c’est la crèche qui mène au Ciel !
Tout ce que nous savons avec saint Paul c’est que toute l’humanité est « associée dans un même corps. » On retrouve là-encore la notion du mariage : « Ils ne feront qu’une seule chair » et le parallèle paulinien entre l’Amour de Dieu pour Son peuple et l’amour de l’époux, pour sa femme.
Oui, c’est avec toute l’humanité que s’unit la Divinité pour que ce soit toute l’humanité qui puisse s’unir au Ciel avec cette Divinité.
Saint Paul insiste sur ce point : cet universalisme est un aspect fondamental de notre foi, de notre Rédemption.
Les Mages, signe artistique de l’universalité du Salut !
C’est là que les mages interviennent. Ils font partie de l’Écriture, ce n’est pas une invention, ils sont là présents dans le Nouveau Testament. Sont-ils noirs, blancs, jaunes ? Peu importe, ils sont là. Et ils vont devenir, avec cette foi populaire qui a pétri notre civilisation depuis 2000 ans, le signe artistique de cette universalité. Non pas parce qu’il y a un noir, un blanc et un jaune, non.
Mais vous remarquerez que dans l’art chrétien s’il y a des personnages qui sont toujours présents à la crèche, ce sont les mages. Et s’il y a des personnages qui sont présents à la crèche, représentés à la mode du temps, ce sont les mages, qui vont nous suivre depuis 2000 ans dans nos modifications vestimentaires. Ils seront à la romaine, ils seront à la barbare, ils seront à la moyenâgeuse, ils seront en habit Renaissance… Ils nous suivent, ils nous poursuivent, ils se transforment à chaque génération, à chaque civilisation, ainsi que leurs montures qui sont plus ou moins caparaçonnées suivant le goût du temps et de l’époque !
Et ceci, comme pour nous dire que, plus que pèlerins de l’espace venant de la Chaldée ou de la Syrie à Jérusalem, ils sont surtout pèlerins du temps, c’est-à-dire qu’ils accompagnent chaque être humain, de tout temps, pour lui montrer que Dieu est avec lui.
Voilà pourquoi les mages sont universels : parce qu’ils représentent à toutes les époques ce face-à-face de Dieu avec l’humanité !
Comme signe, et pas seulement comme une petite histoire qui a eu lieu il y a 2000 ans et que l’on se rappelle avec la galette des rois ! Le peuple chrétien par son art a très bien senti cette instrumentalité du mage…
« Voyant l’étoile, les mages se réjouirent ! »
Le message de l’Épiphanie est que le face-à-face éternel de Dieu avec nous est le signe efficace du face-à-face éternel de nous avec Lui.
Voilà notre étoile, voilà ce qui brille dans notre vie, voilà ce qui doit nous guider, nous mener !
Voilà ce qui doit nous réjouir comme les mages qui « voyant l’étoile se réjouirent », comme les apôtres voyant le Christ apparaître après la Résurrection.
Cette joie c’est la joie qui, dans nos vies difficiles, est provoquée par la foi, la certitude que je suis en relation unique, privilégiée, amoureuse, avec Dieu-Père, à travers Dieu-Fils et dans l’amour de Dieu-Esprit !
Et cette joie c’est la joie de l’espérance c’est-à-dire cette certitude que cette relation va aboutir à une plénitude au Ciel !
C’est une joie si profonde qu’elle est capable de transformer notre vie : pas de nous faire devenir riches si nous sommes pauvres, ou intelligents si nous sommes des bûches ! Mais capable d’illuminer notre parcours, d’illuminer nos incapacités, d’illuminer nos pauvretés, d’illuminer nos limites, d’illuminer nos échecs !
Repartir consolés, et pour consoler !
C’est la joie de la consolation, c’est la joie d’être consolé par cette espèce de révolution, ce retournement ce bouleversement de la compréhension de notre vie : cette certitude d’être aimé de Dieu, même dans mon échec, dans ma misère, dans ma tristesse, dans ma débilité physique, morale, sociale ou autre…
Je suis véritablement transformé par cette Lumière à tel point que je deviens moi-même lumière !
Je goûte à la consolation, et donc je repars par un autre chemin comme les mages qui « repartirent par un autre chemin » pour éviter Hérode.
Nous aussi nous devons repartir après avoir vu cette étoile, cette révélation du face-à-face éternel par le face-à-face de la crèche. Nous devons repartir par un autre chemin, nous devons repartir consolés et nous devons repartir pour consoler.