« Il fait de moi sa flèche préférée… »
Nous comprenons bien que cette expérience de l’Amour de Dieu est le fruit d’une grâce divine et non la conséquence de l’unique effort volontaire de l’homme.
Il est aussi évident que cet Amour, s’il est absolument personnel et incommunicable (comme tout amour d’amitié ou conjugal), est cependant fait pour être proclamé et chanté : « Il a fait de ma bouche une épée tranchante… il fait de moi sa flèche préférée… » Comme on le voit dans la mythologie, la flèche dont il est question n’est pas tant celle du combat que celle de l’Amour avec lequel Dieu veut transfixer les âmes de Ses enfants.
Cela peut être douloureux comme le montrent les expériences des mystiques. Mais ce chemin est tracé par le Christ dont le Cœur, transpercé par la lance romaine, l’est d’abord à cause de l’Amour qu’Il porte à Son Père et à Ses frères : « Père entre tes mains je remets mon esprit… Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »
« Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »
On aura remarqué que ces paroles de Jésus, pleines d’Amour et de Pardon, sont prononcées en réponse au… grand silence du Père. Jésus, l’Envoyé, est aussi entré dans le désert nécessaire pour goûter maximalement l’expérience de l’Amour divin. Non seulement désert de la Tentation au début de Sa vie publique, mais plus encore désert de la Croix.
Bien que Juste et Innocent, le Père laisse Son Fils mourir, Le condamnant définitivement par Son silence alors que, selon la prière même des Juifs moqueurs, un miracle aurait suffit à sauver le Fils… C’est donc bien dans un silence de solitude absolue que le Christ expérimente de manière mystérieuse l’Amour du Père pour les hommes et donc pour Lui. C’est de cette expérience unique que surgira la Parole salvatrice qui raccroche Ses propres assassins à la Vie divine par le pont du pardon offert : « Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » !
« Allez dire à Jean… »
Ce paradoxe du silence source de la Parole salvatrice, nous le trouvons déjà en Jean, non plus au moment de sa naissance et de son départ au désert, mais au temps de son emprisonnement.
Jean, alors enfermé à Machéronte, envoie des disciples questionner Jésus sur Sa messianité. Jésus ne répond qu’en citant la Parole : « Allez dire à Jean ce que vous voyez : les sourds entendent, les boiteux marchent, les aveugles voient… »
Jean devra se contenter de recevoir ces paroles bibliques, de les faire descendre dans le silence de son cœur, au cœur du silence de sa cellule. C’est ainsi qu’il témoignera qu’il est le plus grand des enfants des hommes, préparant le Christ à le suivre aussi jusque dans ce martyr, dans ce témoignage de l’Amour divin reçu et expérimenté.
« Venez et voyez… »
Jean est aussi celui qui voit. Une vision de foi qui transperce la Personne de son cousin. Cette vision n’est pas qu’humaine et elle trouve sa source dans l’union à Dieu que manifeste le regard tout intérieur de Jean.
Au désert, Jean entre en lui pour y découvrir la Lumière de Celui qui l’habite entièrement car il s’est laissé prendre par Son amour. Avant l’autre Jean, l’évangéliste, il fait l’expérience du venir et de la vision : « Venez et voyez. » D’où la parole rapportée par Isaïe : « Je vais faire de toi la lumière des nations. » C’est cette Lumière qui vient du fond de Dieu et est déposée en Jean qui sortira de lui pour désigner l’Agneau qui enlève les péchés du monde.
C’est cette même divine Source de Lumière qui permettra à Jean de voir la Colombe descendre sur Jésus et reposer sur Lui, comme signe de l’onction amoureuse du Père, l’Esprit : « Celui-ci est le Fils de ma complaisance, en qui j’ai mis tout mon amour. » C’est enfin cette Lumière qui fera comprendre à Jean que l’obscurité de Machéronte ne doit pas se confondre avec l’abandon de Dieu.
« La filialité, c’est la richesse du pauvre. »
En faisant Sa réponse aux envoyés de Jean, Jésus, qui est la Lumière, se manifeste à la lumière de Jean, pour reprendre l’expression du psaume : « C’est dans ta lumière que nous verrons la lumière. » C’est cette rencontre lumineuse qui fait comprendre à Jean le chemin de la vie qui est aussi le chemin de la croix : le sien avant de devenir celui du Christ.
« Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Jean l’a dit au profit de Jésus ; Jésus le dit au profit du Père : « Père glorifie ton fils afin que ton fils te glorifie. » Nous savons que cette gloire n’est pas humaine ; c’est la gloire de Dieu, celle que le Christ avait auprès du Père, c’est donc la gloire de la filiation, de l’Amour filial divin.
Comme le disait le Père Valensin : « Quand je me présenterai devant Dieu et qu’Il me demandera ce que j’ai fait, je lui répondrai : ‘j’ai cru en mon Père. La filialité, c’est la richesse du pauvre.’ » Bien qu’il soit de l’Ancienne Alliance, ce qui fait la grandeur du Baptiste, celui que le Christ dénomme en effet, « le plus grand des enfants… des hommes », c’est d’avoir montré à tous, au Christ d’abord et à nous ensuite, ce qu’être enfant de Dieu veut dire.
Demandons à Jean Baptiste de comprendre combien il faut savoir entrer dans le Silence de Dieu pour dire Dieu ; et combien il faut savoir regarder Sa Présence intime dans l’âme pour pouvoir Le voir au cœur du monde et Le montrer à l’homme.
Que cela soit l’éthique spirituelle des jeunes prêtres tout fraîchement ordonnés !…
Bel été à tous !
Profitez de votre repos pour discuter intimement avec le Seigneur !
C’est la meilleure manière de bien prendre soin de vous !