Et le Père nous renvoie au Fils pour L’écouter : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-Le. » Autrement dit notre rencontre avec Dieu, aussi intime soit-elle, aussi personnelle, aussi amoureuse, aussi libre, aussi profonde, aussi incommunicable, (les expériences mystiques ne se racontent pas !), cette rencontre avec Dieu, avec le Père, avec notre Père, ne peut se faire qu’à travers un intermédiaire, un Médiateur qui s’est fait visible, palpable, charnel, qui s’appelle Jésus-Christ, le Fils de Dieu, dans Son mystère de l’Incarnation.
« Détruisez ce Temple, je le reconstruirai en trois jours
Et aujourd’hui, troisième dimanche de Carême, c’est l’évangile du Temple : « Détruisez ce Temple, je le reconstruirai en trois jours », évangile et dimanche de l’Église Temple de l’Esprit et Corps de Jésus.
Bien entendu dans un premier regard, ce dimanche nous renvoie à la Résurrection qu’Il annonce : « Détruisez ce Temple, je le reconstruirai en trois jours… Il parlait de son corps » nous dit Jean.
Mais la notion de corps de Jésus est très riche. L’Église, qui est aussi le corps du Christ, nous dit Paul, n’est-elle pas alors le temple contenant Dieu comme Jésus Lui-même ? Temple nouveau, car temple spirituel bien sûr qui rassemble les adorateurs en esprit et en vérité que Jésus essaie d’attirer vers Son Père.
Le temple de Jérusalem est le lieu de la présence de Dieu, c’est un temple physique, fermé ; il était magnifique, mais il est limité et sera détruit en 70 après Jésus-Christ. La présence de Dieu dans le monde se fait maintenant en Jésus, Jésus qui est ici face à l’ancien signe de la Présence divine : le Temple de la Ville Sainte !
L’Église, corps mystique du Christ
Et l’on se doute bien que ces deux présences ne peuvent coexister, que le signe ancien va disparaître au profit du Nouveau qui sera éternisé dans Son Corps mystique, l’Église ! D’où l’étrange prédiction qui s’assimile presque à un désir, voire un ordre : « Détruisez ce temple, -Son Corps et donc le lieu de la présence divine, l’Église- et en trois jours je le reconstruirai », nouveau, spirituel, incorruptible…
Et on ne peut citer cette phrase sans penser à cette autre parole fondatrice lorsque Jésus dit à Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». Nous avons là, dans ces deux passages non parallèles mais analogues, le même concept d’édification si développé dans saint Paul : « Vous êtes le temple de l’Esprit, … Vous êtes la construction, les pierres vivantes de l’édifice qu’est l’Église.
Donc ce dimanche nous fait référence à l’Église, cette Église qui est le Corps du Christ, non pas Son corps charnel mais comme on dira, Son Corps mystique, Église qui donne naissance à Son Corps sacramentel qui est l’Eucharistie.
« Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai. »
D’où nous comprenons la logique de ce troisième dimanche venant après les deux premiers. Le dimanche du Père : le mystère de Dieu ; le dimanche du Fils : le mystère du Christ, parce que tout le mystère de Dieu est dans le mystère du Christ. Et aujourd’hui le dimanche de l’Église parce que tout le mystère du Christ se poursuit, se communique, se diffuse dans le mystère de l’Église. Pour passer du premier au deuxième dimanche, Dieu prend un corps et devient le Christ et pour passer du deuxième au troisième dimanche, Dieu diffuse, communique ce corps par un corps sacramentel qui est l’Eucharistie.
« Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai. » Cette phrase, qui est le cœur de notre passage d’évangile, met le doigt sur une vérité théologique extrêmement importante car elle nous montre que l’Église naît de la mort de Jésus.
D’ailleurs c’est ainsi que la Tradition orale de l’Église l’a toujours compris, en se fondant sur la Tradition écrite que sont les évangiles et précisément la mort de Jésus sur la Croix telle qu’elle est rapportée dans saint Jean : « Un soldat vint et Lui transperça le côté et il en sortit du sang et de l’eau. »
La Tradition de l’Église a tout de suite vu dans ce sang et dans cette eau le symbole de l’Eucharistie et du Baptême, ces deux sacrements qui font l’Église. Autrement dit, l’Église naît de Jésus ; l’Église, plus exactement, naît de la mort du Christ sur la Croix.
L’Église est le lieu de la volonté du Père.
Cela nous montre donc que la naissance de l’Église, l’existence de l’Église, la vie de l’Église, n’est pas la conséquence d’un raisonnement sociologique, psychologique, politique de l’homme Jésus qui se serait demandé comment pérenniser Son œuvre. Cela nous montre également que l’Église est encore moins le résultat d’une volonté des apôtres et des communautés primitives qui auraient essayé de se rassembler pour poursuivre et transmettre le message de Celui en qui ils avaient mis leur espérance…
Cela nous montre que l’Église dans sa naissance est liée à la volonté du Père en laquelle Jésus se remet : « Père entre Tes mains je remets mon esprit ». Cette volonté du Père c’est Son Amour, c’est donc la Rédemption du monde sous l’effet vivifiant de l’Esprit !
C’est comme cela qu’il faut comprendre la phrase : « Hors de l’Église point de Salut. » Nous ne faisons pas référence à l’infaillibilité humaine comme une philosophie prétend détenir la vérité… Il ne s’agit pas de défendre tel ou tel pape, telle ou telle théologie, telle ou telle morale. Il s’agit de s’en référer à la Volonté primitive, originelle, fondatrice de Dieu, même pas celle du Fils, mais celle du Père : « Père entre Tes mains je remets mon esprit. »
L’Église naît de ce consentement de Sa volonté qui se réalise dans l’offrande de Sa vie : « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père. » Et l’Église est donc le lieu de la volonté rédemptrice du Père.
« Hors de l’Église point de Salut. »
Et la volonté c’est l’amour, c’est l’Esprit : c’est pour cela que l’Église est Temple de l’Esprit. Et c’est pour cela qu’hors de l’Église point de Salut. Parce que hors de l’Amour point de salut ! Cela éclaire l’ordre donné par Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » c’est-à-dire avec le même Esprit, jusqu’au bout, jusqu’à la fin…
Ce caractère d’unité dans le sacrifice, dans l’abaissement jusqu’à la mort et la mort de la Croix, nous le retrouvons chez saint Paul dans le récit de sa conversion, récit unique et extraordinaire que nous pouvons méditer. « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Donc en touchant le chrétien, Saul touchait Jésus. Nous avons là la réalisation, l’explicitation la plus claire de cette unité du corps : lorsqu’on touche à l’Église on atteint Jésus.
Mais nous avons mieux encore, si l’on va au fond des choses. Cette phrase : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? fait référence à la naissance de l’Église sur la Croix. Si l’Église naît de Jésus mourant, l’Église va aussi grandir et se développer de Jésus mourant. Le principe de la vie est le même de la naissance d’un être à sa mort : l’Église naît de Jésus mourant et l’Église va donc grandir et se développer de Jésus mourant.
Mais comment Jésus peut-Il mourir encore alors qu’Il est dans Son Corps glorieux ? Si ce n’est par Ses membres, par les membres de Son Corps qui est l’Église, c’est-à-dire par les chrétiens ? D’où cette phrase de Paul : « Je complète dans ma chair ce qui manque à la Passion de Jésus. »
« Celui qui s’abaisse sera élevé. »
Et quand les membres de l’Église comprennent cette loi fondamentale, ils ne font rien d’autre que d’appliquer l’Évangile : « Celui qui s’abaisse sera élevé. »
Lorsque nous nous abaissons, chacun, dans notre vie familiale en ayant l’humilité de demander pardon à l’enfant, au conjoint, au parent, lorsque nous nous abaissons dans notre vie professionnelle ou associative en ayant l’humilité de ne pas toujours avoir raison, de savoir nous taire, de savoir recevoir des coups sans être toujours là à vouloir nous justifier, quand nous acceptons même dans notre vie spirituelle de ne plus Le voir, d’avoir les épaules par terre, d’être écrasé par une faiblesse, par une chute, par un péché ou seulement par une obscurité, par une tentation, par un désarroi, par une désespérance, lorsque nous acceptons ces abaissements, alors nous faisons grandir l’Église en entrant nous-mêmes dans le mystère de l’Église : « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé » !
Et nous participons, à l’exemple de la petite Thérèse, autant que tous les martyrs du monde, autant que tous les missionnaires, autant que tous ceux qui sont dans l’action, au développement, au grandissement, à l’épanouissement de l’Église. C’est la grâce que nous nous souhaitons pour ce troisième dimanche de Carême.