Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« Ô MON DIEU, TU ES HUMILITÉ ! »
Lectio divina pour la Semaine Sainte – Année B
Ainsi s’écriait François d’Assise contemplant le Créateur à genoux devant Sa créature en ces heures de Passion où Jésus, le Fils de Dieu, nous dévoile le cœur profond de la vie trinitaire, une vie d’Amour et de Don… Car, après cette révélation bouleversante de Son humilité ne disait-Il pas à Philippe, à Ses apôtres et à nous-mêmes à travers eux : « Qui m’a vu a vu le Père ? » (Jn 14, 8)
Simon de Cyrène : chemin de croix, chemin de vie…
Au dimanche des Rameaux, nous avons accepté que le Christ vienne en nous avec Sa Passion comme il est venu à Simon de Cyrène, pour placer Sa Croix dans notre lieu de douleur et en faire un chemin de Vie.
Cette transformation, nous le savons, se fait grâce à la présence de Jésus, à Son toucher de tendresse, grâce à l’Amour qui L’a conduit à pousser Son incarnation jusqu’à nous rencontrer pour venir nous prendre au fond d’une souffrance pleinement assumée par l’acceptation de Ses douleurs.
Avec Pierre, laissons-nous purifier par le regard pardonnant du Sauveur…
En ce début de Triduum, tournons-nous vers Pierre qui va jalonner les dernières heures du Maître. À l’agonie, il est l’image du faux courage qui s’affiche dans la domination par le pouvoir des armes. Le Jeudi Saint, il nous représente dans sa vraie trahison si proche du don de l’Eucharistie dont, comme nous, il ne saisit pas pleinement le sens : « Tu ne me lavera pas les pieds, jamais. »
Le jour de Pâques, il sera encore l’image de nos craintes, de nos tergiversations, bref de nos doutes. Regardons-le pour nous laisser purifier avec lui, pardonner comme lui, éclairer à sa suite par la Lumière du Christ.
« C’est un exemple que je vous donne afin que vous fassiez de même. »
La liturgie du Jeudi Saint nous fait comprendre ce que l’Église attend de nous en ces jours où nous faisons mémoire de la Passion rédemptrice de Jésus : « Ayez en vous les sentiments qui furent dans le Christ Jésus. Lui qui était de condition divine… se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Il s’est abaissé lui-même… »
L’évangile du Lavement des pieds nous indique également les fruits que ce mémorial liturgique du Triduum doit produire dans notre vie entière : l’imitation du Seigneur dans Ses gestes d’amour servant. « C’est un exemple que je vous donne afin que vous fassiez de même. »
Oui, si nous vivons liturgiquement la Passion de Jésus, ce n’est pas pour entrer dans un esprit chagrin. C’est pour ressusciter à une vie nouvelle, à la vie d’un Seigneur qui « se dépouille de son vêtement » et « se met à laver les pieds de ses disciples », exécutant la besogne du dernier des serviteurs d’une maison.
« Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »
Jésus Serviteur de Dieu et des hommes. Voilà comment le Christ a voulu résumer sa vie afin que la mémoire des siens en soit à jamais souvenante… Le geste du lavement des pieds, est un testament spirituel qui explique, mieux que tous les discours, le sens de l’Eucharistie : ce qu’elle contient et ce pour quoi elle fut inventée !
Ce testament nous transmet donc, on pourrait dire avec et autant que le Pain Véritable, ce que fut la vie du Seigneur : un continuel service des hommes, une pro-existence, c’est-à-dire une existence vécue absolument et jusqu’au bout pour le bonheur des autres : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »
« Vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. »
C’est à la compréhension de cette humilité divine que le Seigneur invite Pierre et chacun de nous. Afin que nous puissions tous la partager avec Lui : « Si je ne te lave pas tu n’auras pas de part avec moi. »
Car il ne suffit pas au Fils de nous révéler la grandeur du Très-Bas, pour reprendre l’expression de saint François. Il nous demande d’inscrire désormais cette loi fondamentale dans notre cœur de disciples : « Vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. »
Jésus commande là le style de vie qui doit colorer tous les rapports humains, à commencer bien sûr par ceux qui sont investis d’une autorité quelconque dans la mission de l’Église, donc tous les baptisés ! Le Lavement des pieds est ainsi institué comme le sacrement de l’autorité chrétienne et, dans le même temps, le sacrement de l’évangélisation !
« Celui qui me mange vivra par moi. »
C’est en venant à cette Eucharistie, instituée par le Christ, que nous ressusciterons notre cœur à la vie nouvelle frappée de cette humilité divine que Jésus nous a laissée en exemple, et qu’il est impossible au vieil homme de vivre, ni même de comprendre !
En effet, lorsque le Christ dit : « Ceci est mon Corps », c’est toute Sa vie qui est présente dans ce Corps : Ses vertus, Sa force, Sa tendresse, Sa miséricorde, Son être-pasteur, Son humilité donc, qui Le met totalement au service du Père et des hommes…
Nous recevons par Son Corps comme avec Son Sang, Son obéissance amoureuse au Père jusqu’à l’extrême, Ses abaissements et Sa mort comme sommet de Sa vie infiniment humble à laquelle ainsi nous participons : « Celui qui me mange vivra par moi. » (Jn 6, 57)
« Qu’ils soient un en nous comme nous sommes un. »
Nous y entrons en vérité dans la mesure où nous offrons notre corps et notre propre sang. Nous y entrons réellement dans la mesure où nous abandonnons à Dieu nos énergies, nos compétences, nos forces et nos affections ; mais aussi nos faiblesses, nos fragilités, nos diminutions, nos échecs et nos handicaps… Alors, rien de Sa vie ne nous échappe et notre vie devient présence de la Sienne, glorieuse et ressuscitée…
Nous sommes un avec Lui et donc un avec le Père, selon Son désir exprimé dans la prière sacerdotale : « Qu’ils soient un en nous comme nous sommes un. » Entre le Père et le Fils, il y a unité. Entre le Fils et moi, il doit y avoir unité. C’est le désir le plus cher de Jésus.
La grâce eucharistique reproduit en moi l’unité de la vie du Fils qui se réalise au plus haut point dans la conjonction du don de Sa vie et du don de Sa mort : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime. ».
« Faites ceci en mémoire de moi »
Le Christ ne nous appelle généralement pas à mourir sur une croix. Tout est accompli en Son sacrifice. Mais Il nous demande de vivre face aux frères ce que ce sacrifice signifie et qui a été parfaitement révélé par Sa Vie, par Sa mort, tout ceci admirablement résumé par le Lavement des pieds.
C’est le sens plénier du « Faites ceci en mémoire de moi » de l’institution eucharistique qui renvoie clairement à l’ordre de laver les pieds au frère en même temps qu’il commande de rendre présent à jamais le sacrifice du Corps et du Sang.
Avec l’Eucharistie, je communie à ce flux d’amour permanent et infini qui traverse Son existence entière et je peux, en Lui, déposer les vêtements de mon vieil homme, me mettre à genoux devant mon frère et assurer le service de la charité. On comprend alors la vérité des paroles que l’Église nous fait chanter durant le Mandatum : « Là où est l’amour, Dieu est présent. »
« Si le Seigneur vous a libérés, c’est pour que vous soyez vraiment libres ! »
Nous voyons ainsi combien est éclairante l’image de l’Agneau pascal que le Christ vient accomplir. Car c’est de l’esclavage du péché et de la Mort qu’Il nous délivre en Se laissant manger par amour. C’est dans la terre promise de la justice, fruit de la vraie charité, qu’Il nous permet d’entrer après que nous nous soyons nourris de l’Amour qui brûle le péché comme les herbes amères.
Avec le Christ, notre pâque, qui est immolé, Dieu passe vraiment en nous pour nous libérer de la vanité adamique : « Si le Seigneur vous a libérés, c’est pour que vous soyez vraiment libres ! » C’est ce dont est porteuse la Résurrection du matin de Pâques.
Bonne Semaine Sainte à tous, dans la communion au Christ souffrant et s’offrant !
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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