Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« L’enfant qui nous est donné… »
Lectio divina pour Noël
Nous remarquerons, à la Messe de la Nuit, comme les lectures et la liturgie de ce divin soir se concentrent sur le mot « enfant » : « L’enfant qui nous est donné… », « Le nouveau-né que vous trouverez dans la mangeoire… » Quoi de plus révélateur du réalisme et de la vérité de notre foi que de vouloir nous mettre à genoux, non pas devant un puissant, un philosophe ou un sage, mais devant un enfant, ce petit être qui résume l’homme, qui exprime toute l’humanité avec son espérance, toute l’espèce avec son dynamisme vital !
C’est en l’enfant, et donc en la vie, que Dieu nous demande de poser, à travers Marie, Joseph, les bergers, le premier acte de foi !
Le Dieu-Enfant dans l’Enfant-Dieu…
Voilà ce que Dieu nous demande et nous fait célébrer durant la Sainte Nuit. Evidemment, ce n’est pas un acte de foi en n’importe quelle vie, n’importe quel destin, car ce n’est pas n’importe quel enfant ! Il est vrai que Jésus est né de Marie, avec tout ce que cela représente de participation plénière à notre humanité. Marie avec son corps, son cœur et son intelligence, son passé et sa tradition juive… C’est vrai, Jésus est enfant d’homme, Fils de l’homme…
Mais il est vrai aussi que, derrière cette humanité toute petite et toute limitée, il y a l’Enfant-Dieu. Non pas seulement Dieu qui est dans un enfant, mais Dieu-Enfant. Parce que le Verbe incarné est le Fils du Père, « engendré non pas créé, de même nature que le Père », Jésus est un enfant, non seulement dans Son humanité mais dans Sa divinité ! Il est l’enfant de Dieu, le Fils, le Chéri en qui le Père met tout Son amour. Jésus, en tant que Fils de Dieu se définit, dans Sa divinité, par cette enfance, par cette filiation : Jésus est Dieu-Enfant…
Jésus mourra comme le petit enfant de Sa mère et le Fils de Son Père…
Enfant de la Vierge, enfant de Son Père, Jésus va nous étonner en restant, jusqu’à la fin de Sa vie et encore actuellement à la droite du Père, cet enfant que nous contemplons ce soir à la crèche. Dans Son humanité, lorsqu’Il va mourir sur la Croix, son dernier regard va s’accrocher à Sa Mère, tel le condamné à mort qui se souvient de sa maman comme étant son seul soutien, son seul appui face au monde qui vient de le juger. Et Jésus regardant Sa Mère lui dit : « Mère, voici ton fils ! » Il donne à Marie, en cet ultime instant, la dimension universelle, complète, de sa maternité. Marie est mère en plénitude au pied de la Croix parce que son fils reste un enfant et meurt comme un enfant, dans l’innocence, dans la pureté, dans la transparence, « comme une brebis que l’on mène à l’abattoir » dit le prophète, comme un enfant silencieux.
Dans Sa divinité aussi, le Christ reste un enfant jusqu’au bout, jusqu’à la Croix : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit ! » N’est-ce pas là le cri de l’enfant ? Du Dieu-Enfant ? Du Fils qui, malgré Ses 33 ans et la puissance de Ses miracles, reste le tout-petit, Celui qui ne se définit que par Son Père et Celui dont la vie n’a d’autre gloire que de retourner au Père: « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de mon Père… »
Du bois de la Crèche au bois de la Croix, un Fils pour faire des fils…
Voyez comme de la crèche à la Croix, il y a une absolue continuité logique. Mieux même : le bois de la crèche et celui de la Croix ne font qu’un.
Et nous pourrions même dire qu’en quelque sorte, Noël dépasse Pâques. Parce que la Croix, sera là avec le Dieu-Enfant cloué sur elle, (cet homme et ce Dieu qui a vécu en enfant jusqu’à Sa mort dans Son humanité comme dans Sa divinité) pour pouvoir justement nous réintégrer, nous les hommes, dans le mystère de Sa naissance, c’est à dire de Son humilité filiale !
Dieu veut nous conformer à l’image de Son Fils. Il désire que notre vie d’homme, notre vie charnelle, réelle et temporelle soit une imitation de la vie de Son Fils, que notre vie soit une vie d’enfant de Dieu, par participation, à l’image de la vie du Dieu qui est Enfant par nature.
Dieu veut que chaque mystère de Son Fils soit reproduit, année après année, en notre cœur, chaque mystère de Sa Naissance à Sa Résurrection afin que chaque vertu de ces mystères soit inscrite toujours plus profondément dans notre cœur de chair : l’abaissement de Noël, la mort à soi-même de la Passion et le don total à Dieu du Vendredi Saint, avant l’enfantement à la Vie divine du matin de Pâques. « Nous sommes appelés à reproduire en nous l’image du Premier-né de la multitude. » dira Paul.
A ceux qui Le reçoivent Il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu…
Mais comment pourrions-nous reproduire et devenir l’humilité du Christ, la mort au péché du Christ puis Sa Gloire, si ce n’est Lui qui nous les donne ? Si ce n’est Lui donc qui entre dans notre vie avec Sa vertu, dans notre cœur avec Sa Présence eucharistique ?
Nous comprenons alors pourquoi Jésus est resté enfant jusqu’au bout, jusqu’à la Croix ! Pour que, communiant à cette Croix par l’Eucharistie, nous puissions Le recevoir en nous avec Son âme d’enfant, Son âme de Fils… Pour que nous puissions recevoir en nous le Dieu-Enfant qui façonnera notre âme pour en faire une âme d’enfant de Dieu, de fils…
De la naissance à la mort, Jésus n’a pas cessé de vivre les vertus de Sa sainteté, et en particulier aujourd’hui ces vertus propres à l’enfance et qui nous interpellent au nom de Dieu : l’humilité, l’innocence, la tendresse, la douceur, la confiance… Il n’a pas cessé de les vivre pour qu’à travers la Croix qui nous donne Sa vie, nous puissions, dans l’Eucharistie, les faire nôtres… Et nous comprenons là en quel sens Pâques est tout orienté vers le mystère de Noël, car Pâques nous est donné pour nous assimiler à l’abaissement de l’Incarnation, à l’humilité de la crèche.
« Si vous ne redevenez comme des enfants… »
C’est la grâce que nous devons désirer les uns pour les autres et que nous nous souhaitons en nous disant : Joyeux Noël !
Nous ne pouvons célébrer Noël si nous restons extérieurs au mystère. Et nous ne rentrons dans le mystère de la crèche que par l’Eucharistie à laquelle nous participons, ne serait-ce que spirituellement mais avec la même énergie divine, si nous ne pouvons la recevoir physiquement.
Ce soir, Jésus dit à chacun : Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en Moi et Moi en lui, comme l’Enfant que Je Suis, comme l’Enfant que Je n’ai jamais cessé d’être, comme l’enfant que Je t’appelle à devenir en esprit et en vérité…
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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