Lectio divina

Une lectio divina est une commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

Return of the Prodigal Son 1667-1670 Murillo

Lectio divina pour le dimanche des Rameaux

DE LA PUISSANCE PAR LE SERVICE : LA DÉCOUVERTE DE LA VRAIE NATURE DIVINE !

Quelques lignes suffiront pour nous aider à comprendre le sens du dimanche des Rameaux. En effet, l’Eglise nous fait passer étrangement de la commémoration de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, à la commémoration -par anticipation- de la Passion. Et nous nous demandons, à juste titre, quel peut être le lien entre ce triomphe royal que Jésus accepte -pour la première et unique fois !- et cette crucifixion au gibet de l’infamie. A croire que l’Eglise hésite aujourd’hui dans son message…

Aussi, essayer de comprendre le lien qui existe entre la royauté et la mort, c’est tenter de saisir toute la portée de l’enseignement ecclésial.

Car ce lien doit exister, au risque sinon de rendre inintelligible la célébration de ce jour. De fait l’Ecriture, dans un passage de la Passion que nous venons d’entendre, nous met ce lien en évidence :  « Le motif de condamnation était inscrit sur la croix : le Roi des Juifs. »

Mais si le lien existe, de quelle nature est-il ?

De la logique politique…

A première vue, nous pensons que c’est parce que Jésus s’est laissé acclamer roi qu’Il a été tué. J’irai jusqu’à dire que nous comprendrions même bien cette réaction des autorités du temps ! Peut-être allons-nous jusqu’à excuser le Grand Prêtre, les scribes et les pharisiens… Jésus ne bouleverse-t-Il pas le cadre moral, social, philosophique, et surtout théologique du pays hébreu, par Sa prédication, par Son enseignement ? Ce faisant, Il provoque déjà l’interrogation, la colère, la révolte même de l’autorité qui est chargée de maintenir le cadre religieux. Et voilà que maintenant Il se laisse acclamer par le peuple, ces « maudits » qui ignorent tout de la Loi et qui font de ce séditieux de JESUS un roi, un prince ! Une rébellion ? Une révolte, oui ! Et cela mérite tout simplement la peine capitale. Ainsi, parce que Jésus s’est laissé acclamer roi le voilà condamné : rien de plus logique.

… à la logique de Dieu !

Mais si nous regardons le contexte dans lequel s’insère cette Passion que nous venons d’entendre et en particulier les deux lectures qui la précèdent, celle d’Isaïe qui annonce le Christ comme Serviteur Souffrant et celle de Paul qui décrit la réalisation de cette prophétie, nous voyons que le Christ n’a pas été tué, mais qu’Il s’est livré volontairement.

Comme nous le rappelle Paul, c’est de Lui-même qu’Il s’est dépouillé de Sa gloire divine, c’est volontairement qu’Il s’est anéanti, qu’Il s’est vidé en prenant la condition d’homme, la condition d’esclave jusqu’à la mort et la mort de la Croix !

Alors, nous en concluons que ce n’est pas parce qu’Il a été acclamé comme roi qu’Il a été tué, mais au contraire, c’est parce qu’Il a été proclamé roi qu’Il s’est livré ! C’est parce que JESUS s’est laissé acclamer comme le premier -le Prince- le plus grand face à Dieu, l’Ami et l’Envoyé de Dieu (« Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ! ») qu’Il s’est livré.

Jésus applique aujourd’hui le cœur de Son Evangile !

Voilà le lien que les lectures nous obligent à faire entre mort et royauté. Ce lien est-il paradoxal, illogique ? A nos yeux oui, bien sûr. Selon nos catégories humaines une telle explication est folie, scandale ! Pour nous la royauté c’est bien autre chose !

Mais si nous regardions ce fait avec les yeux de Dieu ? Si nous mesurions ces actes à l’étalon de l’Evangile ? Si nous nous souvenions qu’un jour Jésus dit à Ses disciples : « Que celui qui veut être le plus grand, le premier, soit le plus petit de tous, le dernier » ? Dans cette ligne, il n’y a plus de paradoxe. Tout s’éclaire : nous avons là l’essentiel de l’Evangile : c’est à partir du moment où Jésus se laisse reconnaître publiquement, par Son peuple, comme le chef, le roi, le prince, le plus grand parmi les hommes, l’Ami de Dieu, celui qui l’appelle Abba, celui qui partage Sa nature divine donc, c’est parce qu’Il laisse reconnaître tout cela que Jésus va aller jusqu’au bout dans le don de Lui-même, dans Son dépouillement. Jésus applique aujourd’hui le cœur de Son Evangile !

« Que celui qui veut être premier soit dernier et serviteur de tous… »

Et si l’Eglise nous fait ouvrir la Grande Semaine, la Semaine Sainte qui va commémorer les derniers jours et les derniers actes de la vie de Jésus, par ce dimanche des Rameaux, c’est pour nous dire que tous les actes que nous allons célébrer : l’institution de l’Eucharistie, la Mort sur la Croix, la Résurrection, tous ces actes, non seulement nous allons en commémorer la réalité, leur avènement historique, mais nous allons surtout essayer de découvrir le sens dont ils sont porteurs, comme sont chargés de signification les actes célébrés aujourd’hui.

Car tous ces évènements de Jésus ne sont pas seulement des faits d’histoire. Ils ont été posés par le Christ comme étant pleins d’une signification profonde que nous devons découvrir. Découvrir non par simple curiosité, mais pour y entrer ! Et cette signification, c’est tout simplement l’essentiel de l’Evangile qui se résume, vécu, en ces trois jours : être tout petit pour être en réalité grand aux yeux de Dieu et pouvoir vivre en communion avec Lui.

C’est aujourd’hui que nous devons nous efforcer d’entrer dans la logique du service

Lorsque nous commémorerons le Jeudi et le Vendredi Saint, puis au cours de la Vigile Pascale, nous penserons à ce message de Salut qui nous est proposé pour que nous y entrions : Celui qui veut être saint doit être serviteur, à l’image de Jésus qui nous a dit être venu : « non pour être servi mais pour servir et donner Sa vie en rançon pour la multitude. »

Voilà l’enseignement de ce dimanche des Rameaux. Que Son Eucharistie nous donne la grâce de mourir à nous-même pour revivre en Dieu ! C’est la grâce que nous pouvons nous souhaiter les uns pour les autres, puisque « nous sommes membres les uns les autres » selon la belle expression de Paul ! (Eph 4, 25), et cela, justement du fait de la Passion, de la Mort et de la Résurrection de notre Sauveur, de notre Frère aîné, de notre véritable Ami…

Mgr Jean-Marie Le Gall, Aumônier catholique H.I.A Percy, Clamart

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