Lectio divina

Une lectio divina est une commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

Lectio divina pour le Baptême du Seigneur

L’ESPRIT DE DIEU FAIT DE NOUS DES FILS

Nous célébrerons dimanche le Baptême du Seigneur qui se présente comme Le modèle. L’exemple que nous devons suivre, comme le disait Jésus à Ses apôtres : « Ce que je vous fais à vous, vous devez vous le faire, les uns aux autres. » Il s’agit donc pour chacun d’entre nous de descendre dans l’eau, c’est-à-dire de nous purifier pour ressortir comme fils de Dieu.

La foi, porte ouverte par Dieu pour entrer dans la Vérité

En quoi consiste cette purification ? Il s’agit de descendre en homme et de se relever dans la nature divine. Nous comprenons bien que ce passage, à l’image du grand passage du Christ, de Sa Pâque, nécessite un changement radical puisque nous passons de l’état d’homme à l’état de « participants à la nature divine. » Cette transformation s’opère par la foi : « Celui-là est né de Dieu qui croit que Jésus est le Christ. », affirmation qui nous rappelle ce que l’évangéliste proclame dans son Prologue : « A tous ceux qui croient, Il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu… »

Pourquoi la foi nous transforme-t-elle en fils de Dieu ? Parce qu’elle nous fait pénétrer dans la pensée de Dieu, dans la Vérité de Dieu qui s’oppose à la sagesse du monde. C’est pourquoi Jean dira que la foi est vainqueur du monde. Souvenons-nous de ce que Jésus dit à Pilate : « Mon Royaume n’est pas de ce monde… Je suis venu pour rendre témoignage à la vérité. » Il y a donc d’un côté la pensée du monde, et de l’autre la pensée de Dieu qui ne s’y oppose pas forcément, mais qui la dépasse et la transcende toujours. Il y a la sagesse du monde et la sagesse de Dieu qui elle et elle seule est identiquement la Vérité…

La pensée de Dieu n’est pas en nous naturellement, il faut l’acquérir. Et pour avoir les pensées de Dieu, il me faut l’intelligence même que Dieu a de Lui-même et de toutes choses. Il me faut Sa science. La foi est cette participation à la connaissance de Dieu, à la connaissance qu’Il a de Lui-même, du monde, de moi. La foi est cette adhésion à la science divine qui me permet de dépasser le raisonnement du monde pour entrer dans la vision que Dieu a de ce monde créé par Lui et qu’Il veut attirer à Lui.

La foi me donne de comprendre ce que je suis appelé à devenir…

Or nous savons que lorsque Dieu se révèle, lorsque Dieu nous indique ce qu’Il est et ce que nous sommes, c’est toujours pour nous informer de ce que nous sommes appelés à devenir ! Il n’y a pas de révélation purement philosophique de Dieu. Lorsque Dieu parle à l’homme, c’est pour lui indiquer le sens de son existence. C’est pour cela que la foi me fait naître à Dieu : car elle me fait co(n)-naître ce que Dieu me propose : être pleinement homme à l’image de Dieu, être pleinement fils à l’image du Père. La purification, la transformation que nous devons vivre c’est donc cette compréhension du savoir divin, cet effort constant de pénétrer, par la foi, au-delà des pensées du monde, dans les pensées de Dieu et de vivre selon ce langage existentiel.

La foi intervient ainsi au niveau de ma conscience qui régit ma vie. Et la purification sera d’accepter de partir au fin fond de moi-même à la découverte de cette divine Lumière intérieure qui pourra orienter toutes mes décisions, non en fonction du monde et de ses tendances intrinsèquement mauvaises depuis le déséquilibre de la chute originelle, mais en fonction de ma création de fils. Je suis homme parce que je suis une conscience, qui, librement, a un pouvoir de choix et de décision pour me développer et m’accomplir.

Mon premier devoir de chrétien est d’alimenter cette lumière de foi qui intervient en ce point si subtil et si personnel qu’est la conscience humaine pour orienter ma décision en fonction de la pensée de Dieu sur moi. La foi agit comme la lumière du soleil qui donne relief aux réalités terrestres ; il faut donc que je place sous les rayons de ma foi les objets de ma vie. Or que faisons-nous pour éclairer notre conscience et acquérir la maturité d’homme responsable de sa vie devant Dieu ? Quel est le véritable dynamisme de notre foi ?

La foi qui éclaire ma conscience ne le fait pas seulement au niveau de la morale, de la distinction du bien et du mal. Tout homme peut savoir ce qui est bien et ce qui est mal : ne pas tuer, ne pas s’emparer du bien d’autrui, ne pas porter de faux témoignage… C’est là une loi naturelle ! Mais la foi chrétienne m’éclaire sur ce que je dois vivre, sur ce que je dois faire pour créer ma personne, pour la faire grandir suivant sa vocation divine qui se résume à être participante de la nature divine qui est l’Amour ! Cela ne consiste donc pas seulement à établir une éthique ; il s’agit véritablement d’une mystique car cette Lumière m’est donnée pour devenir ce que je suis : un fils de Dieu appelé à vivre en communion (mystique) avec Lui.

Tu es mon fils bien aimé me dit le Père…

Certes, la culture, l’étude, la réflexion sont de première nécessité pour pénétrer la pensée de Dieu. Mais si nous regardons la nature divine, nous voyons que la pensée de Dieu n’est véritablement pas la pensée de l’homme, comme dit la Parole. Alors comment pourrions-nous arriver à pénétrer cette pensée uniquement par nos efforts ? Il y a un abîme entre mon esprit et l’Esprit de Dieu et ce n’est pas moi qui peux me mettre à la place de Dieu pour savoir ce qu’Il pense. C’est donc Dieu qui Se met en moi pour que je sois réellement en Lui !

Et c’est le deuxième sens du Baptême de Jésus : le Baptême de Jésus est une réalité que Jésus, en tant que Tête du Corps qu’est l’Église, vit tous les jours en chacun de nous qui sommes les membres de Son Corps. Tout chrétien baptisé, c’est le Christ baptisé. Comme tout chrétien qui souffre, c’est le Christ qui souffre Sa Passion en lui.

Ce qui fait que l’Esprit Saint que Jésus reçoit, en remontant des eaux du Jourdain, c’est aussi nous qui Le recevons par notre Baptême. Et c’est pour cela que le Baptiste dit : « Lui vous baptisera dans l’Esprit. » Ma vie de chrétien, ce n’est pas seulement une imitation extérieure, comme si je devais courir à la suite de Jésus pour essayer de Le rejoindre. On n’imite pas Jésus comme l’on imite un père, un maître à penser.

Grâce à Dieu (au sens vrai de l’expression !) c’est Lui qui est en moi, continuant Son mystère pour que je puisse réellement le vivre. Or nous faisons trop peu cas de cette réalité objective qui est en nous : l’Esprit Saint que Jésus reçoit lors de Son Baptême et que tout baptisé reçoit parce que Jésus est baptisé en Lui, cet Amour de Dieu qui ne se contente pas de m’étreindre comme l’amour humain qui étreint l’être aimé, mais qui vient en moi par cette Réalité qui est la troisième personne de la Trinité. L’Esprit de Dieu, l’Esprit d’Amour, est cet Esprit Saint qui me configure à Jésus et qui me permet de m’approprier la parole du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. » Ce n’est pas seulement à Jésus que cette parole est dite, mais, à travers l’Esprit que nous avons reçu, à chacun d’entre nous !

Cet Esprit Saint, cette Réalité objective qui est en moi, est non seulement le signe de l’Amour que le Père porte à Ses fils, mais c’est aussi la véritable réponse à ma vocation de fils de Dieu. Souvenons-nous de que Paul écrivait aux Romains : « Seul l’Esprit de Dieu pénètre la pensée de Dieu. » Voilà cet Esprit Saint reçu au baptême et qui me configure au Christ pour me permettre de pénétrer dans l’être de Dieu, par la Lumière de la foi, vertu qui est la présence réelle de la pensée de Dieu dans mon intelligence ! La foi est un don de Dieu. La foi est quelque chose qui est en moi par l’Esprit Saint et qui me permet de saisir, comme Jésus Lui-même l’a saisi, la pensée du Père sur Lui-même (c’est le mystère trinitaire), sur le monde (c’est le mystère de la création), sur moi-même (c’est le mystère de la rédemption et de l’Eglise).

Pour conclure, retenons ces deux idées.

Jésus est baptisé en moi et je profite de l’Esprit qu’Il a reçu et qui me donne la foi.

La foi est cette capacité d’adhérer à la science de Dieu que je dois rechercher dans la Parole et son désenveloppement par l’Eglise dans son enseignement, avec les capacités naturelles qui me sont données. A ces conditions, j’adhèrerai non seulement à ce que je suis, mais encore à ce que je dois devenir.

Mgr Jean-Marie LE GALL, Aumônier catholique H.I.A Percy, Clamart

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