Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.
« Vous verrez que je vis, et vous aussi vous vivrez ! »
Lectio divina pour le 7ème dimanche de Pâques
Jésus, dans la prière du chapitre 17 de Jean que nous entendrons, prie Son Père avant de retourner à Lui. Il quitte le monde. Il nous laisse donc un testament : Il nous laisse Sa Parole. Mais notre foi doit être plus profonde et nous devons croire qu’Il est encore avec nous jusqu’à la fin des temps, comme Il nous l’a promis. C’est ce que nous demanderons dans la Collecte de ce 7ème Dimanche de Pâques. Cette présence n’est pas sans objet. Elle a pour fin de faire de nous, à Son image et en Lui le Souverain Prêtre, des prêtres offrant nos personnes sur l’autel de notre vie ! Après avoir médité sur le sacerdoce ministériel lors du Dimanche du Bon Pasteur, arrêtons-nous sur le sacerdoce baptismal pour en contempler la figure.
Faire mémorial pour rendre présent le Salut…
Notre religion chrétienne pourrait se résumer dans cette foi au mémorial. La mémoire du Christ : non pas au sens du souvenir que nous avons dans le monde lorsque nous nous souvenons d’un évènement passé et qui ne continue plus, mais au sens juif du mot qui est de rendre présent. Le Christ est toujours vivant. Et par notre acte de foi nous rendons présent Jésus dans Son Eglise à travers toute une économie que Jésus Lui-même a instituée par les sacrements et plus particulièrement celui de l’Eucharistie.
Lors du dimanche consacré au bon Pasteur, l’Eglise nous a présenté le sacerdoce, une institution qui n’est pas propre au christianisme et que l’on retrouve dans toutes les religions naturelles, ainsi que, bien entendu, dans la religion révélée du peuple juif. Cependant, avec le Christ, le sacerdoce prit un sens, non pas nouveau mais plénier : « Jésus médiateur unique entre Dieu et les hommes… établi pour intervenir auprès des hommes dans leurs relations avec Dieu… Lui qui a fait la paix entre l’homme et Dieu par le sang de Sa croix. » Tournons-nous maintenant vers une autre réalité, plus terre à terre, mais qui est liée au sacerdoce et à la notion de mémorial invoquée plus haut.
L’autel, signe de la présence de Dieu chez l’homme
L’autel comme le sacerdoce, est une réalité que nous trouvons dans toutes les religions. Quel est sa signification ? Et est-ce que notre autel chrétien se distingue, et en quoi, des autels que nous trouvons dans les religions naturelles, voire même dans la religion juive ?
Que nous trouvions des autels de culte dans tous les cultes est un fait établi par l’histoire des religions. Quelles que soient les époques, quels que soient les cieux, quelles que soient la nature et la philosophie de la religion, c’est-à-dire de cette élévation de pensée de l’homme vers Dieu pour rejoindre d’une quelconque manière la divinité, nous trouvons des autels. Quel en est leur utilité ou leur signification ?
Pour saisir le sens de cette réalité, tournons-nous vers le texte de la religion révélée juive, qui porte au maximum, tout en les assumant, les religions naturelles de son époque et au milieu desquelles elle vivait. Nous y voyons que l’autel est l’objet créé par l’( »)homme pour rendre présente, pour prolonger, pour mémoriser une réalité absolument unique : la rencontre de Dieu avec l’homme : « Moïse après avoir reçu les tables de la Loi descendit de la montagne et bâtit un autel. » L’autel est donc cette réalité qui signifie la présence de Dieu dans le monde de l’homme.
Tu es pierre, à l’image du Rocher divin…
C’est pour cela qu’en général, selon les lois de l’Eglise qui s’enracinent dans les temps les plus reculés (y compris dans la religion juive), l’autel est fait de pierre. Parce que la pierre est le matériau le plus dur, le plus inaltérable de notre création. Elle est comme la traduction dans le créé de l’éternité.
Parce que la pierre (comme les autres matériaux cette fois-ci) est riche aussi de forme, en étant sculptée. Elle représente donc, tant dans son éternité que dans sa richesse formelle, dans sa polymorphie, la richesse divine et la capacité de Dieu à s’adapter à toutes Ses créatures pour les accompagner.
Signe de la présence de Dieu, l’autel va être la réalité signifiante, quasi agissante et donc quasi sacramentelle par laquelle l’homme pourra exercer son culte, son mémorial afin de se souvenir de génération en génération de sa rencontre avec Dieu et de la communion avec Sa gracieuse Bonté qui descend sur le monde.
Cela se fera de différentes manières. Avec Jacob, ce sera un songe. Jacob voit des anges descendre sur une échelle. Aussitôt après la nuit, il prend la pierre sur laquelle il se reposait, l’érige, l’oint, la consacre et en fait un autel. Là encore un signe perennis, un signe de richesse signifiant la Présence et la rencontre riche en bénédiction du Dieu éternel. Sur cet autel, les Pères et successeurs de Jacob et de Moïse, au cours de leurs pérégrinations dans les terres de Palestine et d’Egypte, viendront régulièrement célébrer le sacrifice, c’est-à-dire le mémorial pour se souvenir et rendre présent autant que faire se peut, dans ce monde, cette rencontre avec Celui qui est.
« Quand je serai élevé… »
Au vu de cette approche, que peut-on dire de l’autel chrétien ? Comme pour le sacerdoce, il va y avoir un éclatement de sens. Non pas un changement, non pas une mutation, mais un agrandissement infini pour atteindre la perfection de cette définition de l’autel.
D’où l’encensement, signe de la présence de Dieu, signe aussi du sacrifice. Cet encensement se situe dès le début de l’Eucharistie pour rappeler sa consécration, c’est-à-dire rappeler que l’autel n’est pas quelque chose de profane. Plus avant dans la célébration, l’encensement de l’offertoire exprime effectivement la transcendance de l’Offrande divine qui va être rendue présente sur la pierre.
D’où la place de l’autel, point de convergence de tous les regards dans l’église, surélevé pour rappeler la hauteur –altus, altare !- la montagne sainte où Dieu vient à la rencontre de l’homme… Pour signifier surtout la manière dont Dieu, en Jésus, est venu rencontrer l’homme dans toutes ses fibres et pour toute sa vie, jusqu’à Sa mort sur le Mont du Golgotha… « Quand je serai élevé, j’attirerai tous les hommes à moi. »
Voilà pourquoi l’autel est surélevé dans le Saint des Saints qu’est le sanctuaire (à l’image du Temple de Jérusalem), au milieu de l’abside, surmonté de la coupole représentant le monde céleste. Regardons-la bien, et aimons-la cette petite montagne symbolique, éternel Calvaire, où Jésus à chaque messe, vient pour attirer les hommes à Lui, pour se les conformer. Le chrétien est là pour çà ! Il est baptisé, il se confesse, il communie pour construire cette identification au Christ et offrir ainsi dans le Fils un culte d’adoration amoureuse au Père.
« Offrez-vous en sacrifice spirituel ! »
« Vous aussi, offrez-vous en sacrifice spirituel, tel est le culte qui plaît à Dieu » dit saint Paul. En tant que baptisé, c’est votre devoir, c’est votre droit, c’est votre vie faite pour être conformée à Sa Personne et devenir avec Lui cohéritier du Père. En tant que victimes, offrez vos vies, offrez votre âme, offrez ce que vous êtes, pour conformer vos personnes au Christ et donc être autel, comme Lui, en même tant qu’offrande spirituelle.
Le sacrifice que les baptisés sont appelés à faire, ils en sont les officiants. Chaque baptisé est prêtre de son propre sacrifice ; chaque baptisé en est la victime par sa vie offerte ; chaque baptisé est aussi l’autel de son sacrifice puisque c’est dans sa vie que se fait la consécration sanctifiante.
Ne rêvons pas, ne fuyons pas ! Il n’y a pas besoin de changer de condition pour être saint dit Paul ! Ceux qui partent sont ceux qui fuient la sainteté. C’est dans notre vie, dans notre misère, dans nos maladies, dans nos épreuves comme dans nos joies, dans notre travail comme dans notre vie de famille que notre sainteté se construit. Voilà notre vie, l’autel de notre personne offerte, victime, par nous-mêmes, prêtre.
« Pour que l’Esprit de vérité soit avec vous à jamais… »
Nous sommes dans la neuvaine de préparation à la Pentecôte, pour faire de notre cœur des vases disponibles à cette effusion de l’Esprit qui sera renouvelée de manière liturgique. Au cours de la célébration de la naissance de l’Eglise universelle, nous célébrerons aussi la naissance de nos églises personnelles, c’est-à-dire notre propre baptême. Cela mérite, convenons-en une disponibilité de cœur comme celle que nous avions voulu avoir pour Pâques. Le Temps pascal n’est-il pas pour cela, comme le Carême, un temps de purification des cœurs qui s’obtient, tout simplement, par la contemplation de l’Epoux qui développe notre amour et surtout notre capacité à recevoir le Sien ?!
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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