Lectio divina

Une lectio divina est une commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

Lectio divina pour le septième dimanche du Temps Pascal

D’AMOUR DIVIN MON CŒUR DOIT BATTRE AUSSI POUR LE MONDE…

Le septième dimanche de Pâques nous interpelle sur l’importance de la Parole de Dieu dans notre vie. Chaque dimanche déjà, nous voyons tout le rituel qui entoure la proclamation de la Parole : l’encens, les luminaires, les bénédictions, les ornements même qui sont portés par les ministres en l’honneur de cette Parole annoncée. Et comme nous le dit Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui, c’est le don qu’Il nous a fait de cette Parole qui doit nous donner la joie ! Mais concrètement, quel est le rôle de la Parole de Dieu dans notre vie ? Et surtout, que devrait-il être ?

Celui qui aime peut seul révéler en vérité

Dimanche dernier et à l’Ascension, Jésus nous a rappelé Son commandement par cette Parole : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi Je vous ai aimés ; demeurez dans mon amour. » Aujourd’hui, Jésus nous dit, toujours par Sa Parole : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi Je vous envoie. »

N’y a-t-il pas contradiction, paradoxe entre ces deux formules ? Bien au contraire, c’est une grande logique qui les unit. C’est en effet celui qui aime qui peut révéler. C’est le thème du Prologue de l’évangile de Jean : le Fils unique, le Fils par nature qui aime parfaitement Son Père est le seul à Le vraiment connaître et à pouvoir Le révéler. Pour cette raison, Jean a appelé le Fils du nom de Verbe, à savoir ce qui veut dire le concept, ce qui exprime, ce qui révèle. En grec, le Logos. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était : Dieu… » Parce que le Fils aime le Père, parce que le Fils est dans le sein du Père, Il est capable de Le révéler.

Et donc nous, qui sommes devenus par grâce fils de Dieu par adoption, nous sommes nous aussi capables de révéler Celui qui est l’objet de notre amour et qui fait de nos personnes, dans Son Fils, l’objet unique de Son Amour. Car je suis aimé de manière unique par mon Père des Cieux. Et c’est dans cette possession réciproque de mon âme par Dieu et de Dieu par mon âme que se crée cette capacité de révéler le Père du Ciel. Comme le priait la Bienheureuse Elisabeth de la Trinité : « Ô mon Tout, Solitude infinie, ensevelissez-vous en moi pour que je m’ensevelisse en Vous ! »

Servir Celui que l’on aime, c’est accomplir son désir

Plus qu’une simple capacité, c’est une obligation. Nous nous souvenons de la finale de l’évangile de Marc que nous avons entendue le jour de l’Ascension : « Allez, baptisez, et de toutes les nations faites des disciples. » Le désir de Dieu, c’est que tous les hommes entendent la Bonne Nouvelle du Salut, c’est que la joie de l’Evangile atteigne aux extrémités de toutes les terres, de tous les peuples. Et c’est à nous que revient ce rôle de messager, d’annonciateur… A la suite de Jésus !

La preuve est simple : c’est dans le même temps que nous sommes sauvés par la consécration du Fils, « Je me consacre pour eux afin qu’ils soient consacrés dans la Vérité », et que le premier objectif de Dieu s’accomplit que nous sommes aussi consacrés. Nous ne sommes pas sauvés en restant à nous-mêmes -et saint Paul nous le rappellera- : nous sommes sauvés et quoique nous fassions nous appartenons au Seigneur ! Nous sommes au service de Dieu, et ce service, c’est l’accomplissement de Son Désir, c’est la participation à Son plan de Salut. C’est l’annonce à toute la terre, comme Jésus, en Lui, à Sa suite, de la Bonne Nouvelle de Salut qu’Il est Lui-même… Je suis consacré comme Jésus fut consacré par l’Esprit Saint pour apporter la Bonne Nouvelle aux affligés, selon la prophétie d’Isaïe que le Seigneur s’applique lors de Sa visite à la synagogue de Nazareth.

Consacré parce que sauvé

Je suis consacré par la consécration de Jésus ! Par Sa Croix, je suis à la fois sauvé, racheté, fils adoptif de Dieu et consacré c’est-à-dire retiré du monde profane pour être tout entier à Dieu. Mais tout en restant dans le monde : « Je ne Te prie pas de les retirer du monde mais de les garder du Mauvais. » Parce que sauvé, je suis consacré. Parce que je suis consacré, je ne suis plus du monde, tout en vivant dans le monde : voilà ce que chaque baptisé doit se dire. Je ne m’appartiens même plus mais j’appartiens au Christ, et le Christ appartient à Dieu, comme dit Paul.

Et il n’y a aucune contradiction entre ces deux qualités, d’être dans le monde sans être du monde : puisque justement Dieu nous laisse dans le monde pour être ce ferment qui fait lever la pâte de notre société, tout en étant nous, des pains sans levain pour nous prémunir de toute vanité. Là encore revenons à ce que nous disait Paul dans les célébrations pascales. Encore la Parole, toujours la Parole. Avec Son Verbe, Dieu nous a tout donné dira Jean de la Croix.

Le courage du cœur

Cette obligation n’est pas, bien entendue, de type ‘moral’. Elle relève plus de l’instinct du cœur. De même que l’on désire proclamer la beauté, la bonté, les qualités multiples de celui que l’on aime, de même le chrétien désire, instinctivement, proclamer la Beauté et la Bonté de Dieu.

Je dirais que c’est une obligation de nature, comme un instinct. Parce que je suis baptisé, parce que j’ai connu l’Amour de Dieu et j’y ai cru, pour reprendre l’expression de saint Jean, et que si je crois en quelque chose, je le proclame. « Je sais en qui j’ai cru » dira Paul. Oui, j’ai le courage de mon cœur, j’ai le courage de mon amour.

Mais, en sus de cet instinct, annoncer l’Evangile est une condition même de ma filiation. L’épître nous rappelle que celui qui proclame(,) -et pas seulement celui qui croit-(,) que Jésus est Fils de Dieu, Dieu demeure en Lui et qu’ainsi l’amour de Dieu atteint sa perfection. Si je ne proclame pas, si je scelle mes lèvres, si je garde pour moi le trésor de l’Evangile je ne suis pas véritablement un fils : je ne partage pas et ne peux être ainsi en parfaite correspondance avec l’esprit de pure gratuité de Dieu qui désire que tous les hommes participent à Sa joie et à Sa béatitude.

« Consacre-les dans la Vérité. Ta Parole est Vérité »

Quels moyens Dieu va-t-Il nous donner pour l’annonce de Son Evangile ?

Jésus demande d’abord à Son Père ce premier moyen qui est la consécration dans la Vérité. C’est-à-dire dans la Parole de Dieu puisque cette Parole est Vérité. Contemplons cette consécration qui est advenue pour chacun par le baptême lorsque nous avons été greffés sur Jésus qui est LA Vérité et qui est LA Parole. Ainsi notre témoignage n’est pas nôtre mais celui du Fils. Tout ce que je proclame est véritablement ce que Dieu a dit de Lui. Il est déjà difficile au plan humain d’être témoin de quelqu’un, mais c’est plus difficile encore lorsqu’il s’agit de témoigner de Dieu, de dire la Vie de Dieu, de décrire Son Amour… Et c’est justement pour certifier la vérité du message de l’Eglise, c’est-à-dire de nous tous (évêques, prêtres, fidèles du Christ) qui participons de la mission prophétique de Jésus, que nous sommes consacrés par et pour la Parole.

Nous devons nous rendre compte de l’importance de la Parole de Dieu pour notre vie. La Bible n’est pas seulement un code de morale ou un livre de référence intellectuelle. Par la Croix, la Bible est inscrite dans notre cœur. Par la présence de Jésus qui est la Parole et la Vérité, chacun a en son cœur la communion intime à cette révélation vivante pour la transmettre autour de lui.

Regardons le rite baptismal de l’éphata : le prêtre, en mémoire des miracles de Jésus sur les sourds, touche les oreilles de l’enfant pour que celui-ci soit ouvert à la Parole de Dieu ; ensuite il lui touche les lèvres, en mémoire des miracles que le Christ a accompli sur les muets, pour que l’enfant proclame la Parole en La vivant !

Tout baptisé est un canal de la Parole de Dieu : celle-ci entre par mon oreille divinement ouverte à l’intelligence des Ecritures et elle ressort par mes lèvres pour aller atteindre le cœur de mon frère. Voilà quelle est cette consécration qui a coûté la vie à Jésus afin que nous soyons consacrés nous-mêmes dans la Vérité.

« Dieu est Amour »

Et puis, pour témoigner, une autre condition est nécessaire il ne suffit pas d’être consacré par le Baptême à la Parole, il faut encore être fidèle à cette consécration. C’est pour cela que Jésus prie : pour que les hommes soient fidèles à la Parole, c’est-à-dire au Nom de Dieu que cette Parole révèle en nous dévoilant qui est Dieu (chez les Juifs, le nom exprime toute la personne). Or le Nom de Dieu, tel que saint Jean le donne est : AMOUR.

« Dieu est Amour. »

Il faut que je sois fidèle, dans ma vie, à la Parole.

Il faut que je Lui sois uni.

Il faut que je vive selon ce que j’enseigne, que je témoigne ce que je proclame.

C’est là notre unique argumentation face au monde qui nous écoute et nous voit. Cela ne sert à rien de défendre intellectuellement l’Evangile par des exégèses de plus en plus subtiles et scientifiques entrainant des combats et des disputes, si nous sommes incapables d’être fidèles à ce noyau de l’Evangile : Dieu est Amour. La fidélité à l’Evangile ne passe pas seulement par l’esprit. Elle passe aussi par les actes, par le cœur. Il me faut donc vivre en plénitude : « dans la vérité de l’amour » pour reprendre la très belle expression de Paul qui synthétise la vie du chrétien.

Voilà ce que Jésus demande : que je sois fidèle à ma consécration baptismale ; que mon témoignage soit fidèle à la Parole qui a été mise en moi et qui se résume à ces trois mots : Dieu est Amour. Toute ma vie doit être en cohérence avec cette définition du Nom de Dieu. Et mon cœur doit battre pour l’Église et pour le monde au rythme du Cœur de Dieu qui a battu pour moi en Jésus sur la Croix !

Mgr Jean-Marie LE GALL, Aumônier catholique H.I.A Percy, Clamart

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