Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« DONNE-MOI DE N’ETRE PERSONNE, MEME POUR TOI, POUR N’ETRE QUE TOI ! »

Lectio divina pour le 6ème Dimanche de Pâques
Ac.15, 1…29 Ap.21, 10…23 Jn.14, 23-29

Jeudi prochain, nous célébrerons l’Ascension qui est pour nous la promesse en même temps que le signe et le gage donné par le Christ que nous allons nous aussi, remonter vers le Père. Souvenons-nous de ce que dit Jésus dans les discours après la Cène : « Je vais partir, mais Je reviendrai… Je reviendrai pour vous prendre et vous mettre auprès de moi. » !

« Je ne meurs pas, j’entre dans la vie ! » Ste Thérèse

L’Ascension, c’est-à-dire l’entrée d’un homme, véritablement homme comme Jésus né de la Vierge Marie, dans la Vie et dans la Gloire de Dieu, est pour nous la preuve, le gage que la race humaine est appelée à entrer elle aussi, à Sa suite, dans cette Vie et dans cette Gloire. Puisque Jésus est retourné dans le sein du Père avec Son humanité, cela veut dire que notre humanité (l’humanité dans son ensemble comme notre humanité personnelle à chacun et chacune d’entre nous), a elle aussi sa place dans le sein de la Trinité. C’est ce qui adviendra au moment de notre pâque, autrement dit de la mort qui s’éclaire ainsi comme un passage vers la Vie !

« La Vie éternelle est déjà commencée… » Préface VI Dim. Ordi

Mais c’est ce qui advient déjà ici-bas : « Celui qui m’aime, mon Père et Moi, nous viendrons chez lui faire notre demeure. » Cette présence à Dieu, cette présence en Dieu, -parfaite dans l’éternité du Ciel- nous est proposée et nous est rendue possible par le  Baptême, dans notre vie terrestre ! Cette convivialité (dont parle l’Apocalypse : « Celui qui m’ouvre lorsque je frappe (à son âme), j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, près de lui… »), cet état de grâce est un état lumineux comme la description que Jean fait de la Jérusalem Céleste, « où il n’y aura plus ni lune, ni soleil parce que Dieu sera la lumière des hommes. »

« Si quelqu’un m’aime, mon Père et Moi, nous viendrons chez lui et nous ferons chez lui notre demeure » : voilà notre ascension, voilà notre Ciel qui se présente dès maintenant. En avons-nous conscience ? Avons-nous conscience de ce commencement d’éternité ?

« Le Ciel, c’est Dieu dans l’âme ! » St Curé d’Ars

Pour nous élever à la suite de Jésus dans ce mystère final de l’Ascension, lors de notre mort, ou pour laisser Dieu descendre en notre âme et y créer le Ciel, (le Ciel est l’endroit où Dieu est), il faut faire quelque chose. Cela exige de notre part de nous alléger pour pouvoir monter comme le Christ est physiquement monté. Nous devons nous alléger de nos poids, poids de cet homme charnel qui nous attire vers la terre. Ou, dans l’autre sens : pour laisser descendre Dieu dans notre cœur, pour goûter le Ciel par la présence de Dieu qui nous illuminera, il nous faut laisser la place à Dieu. Il faut donc que nous débarrassions ce qui en nous prend la place de Dieu !

« L’amour de soi jusqu’à la haine de Dieu ! » St Augustin

Que sont ces choses dont nous devons nous débarrasser ? Quels sont ces poids ? Par quoi notre intérieur est-il encombré ?

Bien entendu, c’est d’abord le péché, c’est-à-dire tous nos refus d’amour. Ce sont nos égoïsmes, cette prépondérance du moi que nous plaçons trop souvent en premier dans nos choix, dans nos paroles, dans nos passions, dans nos réactions, en un mot : l’égotisme, cette avarice qui, pour Saint Augustin, résume le péché originel… Le soir en faisant notre examen de conscience, calculons le nombre de fois où nous avons agi, parlé, pensé en fonction de nous et non en fonction de l’autre…

« Donne-moi de m’oublier pour n’être personne ! » Ste Térésa

Il y a une autre chose qui est un poids ou qui envahit notre âme et qui empêche Dieu de s’y reposer, c’est, comme nous le rappellent les Actes des Apôtres et le Livre de l’Apocalypse, ce que l’on pourrait définir par les obligations formelles, autrement dit, ce que nous nous imposons pour acheter notre place au Ciel… Ce sont les œuvres que Saint Paul stigmatise chez les Juifs. Souvenons-nous de la prière du pharisien : « Je paye ma dîme, je fais jeûne… » : il achète sa justification. Nous avons plein d’obligations formelles relatives au culte dans nos vies : la confession pascale, par exemple, dans laquelle nous n’avons rien à dire parce que justement nous la vivons comme une obligation, une contrainte que l’on s’impose… Voire, le précepte dominical qui ne nous apporte rien que de l’ennui…

« Sa source de lumière, c’est l’Agneau. » St Jean

Si nous regardons l’Apocalypse, que voyons-nous dans la description de la Jérusalem Céleste ? Il n’y a plus de temple. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’église ni qu’il ne faut plus venir à la messe le dimanche. Mais, dans la conception sémitique, l’absence du temple exprime que le culte de la lettre des pharisiens est remplacée par le culte de l’esprit annoncé et présenté par Jésus : « L’heure vient et elle est là où mon Père aura besoin d’adorateurs en esprit et en vérité, ce ne sera plus ici ou là, à Jérusalem ou au Mont Garizim qu’il faudra adorer. » Il n’y a plus de temple, c’est l’Agneau qui est le temple. Voilà donc que la réalité centrale, le cœur du Ciel c’est l’Agneau, autrement dit, Jésus offert, immolé par Amour ! Oui, voilà ce que représente l’Agneau : Jésus, Fils de Dieu, vrai Homme, immolé par Amour pour nos péchés.

Donc, la définition du Ciel, son être profond, ce n’est pas d’être quelque part derrière les nuages, c’est d’être quelque chose, c’est d’être cette réalité de l’Agneau, c’est d’être, en similitude avec cette réalité centrale qui le définit : l’Amour. Le Ciel, c’est l’Amour infini, c’est la présence sans mesure de Dieu qui n’est qu’Amour et dont la Vie est la diffusion permanente et infinie de la Charité, de la gratuité, du don de soi… C’est pourquoi, dans l’Eternité, loin de nous ennuyer, nous passerons le temps à entrer de plus en plus profondément dans la compréhension de ce Mystère de l’Amour infini et indicible…

« Nous serons jugés sur l’amour ! » St Jean de la Croix

C’est pourquoi, dit Saint Jean de la Croix, pour entrer au Ciel, nous serons jugés sur l’amour, sur l’amour plus ou moins profond, plus ou moins habituel, plus ou moins vrai que nous aurons porté dans notre vie envers les uns et les autres, envers nos proches, notre proche prochain, nos relations, nos amis, etc…

Le Ciel présent en nous comme à venir, la présence à Dieu est donc une question de cœur. Ce qui importe dans notre vie, c’est le cœur. La seule obligation que nous ayons, nous les hommes, et particulièrement les chrétiens, (puisque nous en avons la certitude par la révélation de Jésus), c’est d’avoir un cœur ouvert à tous : à notre Père, à notre Frère aîné comme à toute notre fratrie humaine…

Mais que c’est difficile d’avoir un cœur gros comme une maison ! Nous avons un cœur relativement ouvert pour les gens qui nous font du bien, que nous aimons, qui sont de notre milieu social ou culturel… Mais pour les gens qui ne sont pas de notre monde, pour les pauvres ou les blessés de la vie, pour ceux qui nous ont fait du mal, qui nous ont refusé quelque chose, garder son cœur ouvert, comme cela est difficile ! Et pourtant, c’est cela la vie chrétienne : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres… »

« Demeurez en mon amour… » St Jean

C’est le cœur qui va nous faire monter, qui va nous faire vivre cette Ascension de Jésus. Comme ce fut le Cœur (l’Amour dans Son sacrifice sur la Croix) qui fit monter le Christ.

Comme c’est le cœur qui fait venir Dieu en nous, dans cette anticipation du Ciel on ne peut plus réelle : « Celui qui m’aime, mon Père et moi nous viendrons et nous ferons chez lui notre demeure… » Celui qui m’aime : avoir le cœur gros comme une maison pour faire venir Dieu et pour préparer, pour vivre déjà notre montée vers le Ciel, notre ascension …

Il faut donc que nous ayons ce gros cœur, ce cœur énorme : un cœur plein d’oubli de soi, plein de vide de soi… Comme Jésus sur la Croix. Nous l’avons vu, il y a six semaines : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Il en faut de l’abnégation, il en faut de la gratuité pour pouvoir prononcer cette parole d’une bouche humaine ! Pour avoir un cœur rempli d’oubli de soi, il nous faut donc avoir un cœur empli du mystère pascal de Jésus ! D’où la prière de la Collecte de ce sixième dimanche de Pâques : « Seigneur, fais en sorte que le mystère pascal que nous avons célébré transforme notre vie. »

Sommes-nous depuis six semaines, un petit peu transformés par le Mystère pascal, par ce mystère d’oubli de soi, d’abnégation, d’Amour que Jésus a vécu dans et pour Son Église ? Et ne pourrions-nous pas demander la grâce de pénétrer plus avant dans ce mystère, la grâce d’avoir un cœur gros comme Celui de Jésus, c’est-à-dire empli à ras bord de l’Esprit que le Seigneur Lui-même veut nous offrir ? Ainsi attirerons-nous Dieu en notre âme et commencerons-nous notre cheminement vers le Ciel !

Prions donc avec Ste Térésa : « Seigneur, donne-moi de n’être personne, même pour Toi, pour n’être que Toi ! »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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