Lectio divina
Une lectio divina est une commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.
Lectio divina pour le sixième dimanche du Temps Pascal
« MES PETITS-ENFANTS AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES… PARCE QUE L’AMOUR VIENT DE DIEU »
Dans ce sixième dimanche de Pâques, l’Eglise nous donne à réfléchir sur son principe de vie, le commandement que Jésus donne à Ses disciples et qui est si galvaudé à travers le mot d’amour employé indifféremment à toutes les sauces et malheureusement si mal vécu par nous tous. Alors, il nous faut réfléchir sur ces mots qui reviennent si souvent chez Jean qui les a entendus dans la bouche de son Maître. N’est-ce pas là d’ailleurs le cœur des discours après la Cène que Jésus prononce en testament spirituel ?
Le Christ est mort pour que nous vivions !
Nous devons, pour entrer dans la compréhension de ce commandement de l’amour, revenir à ce que Jean nous dit dans sa première Epître : « Dieu a manifesté Son Amour parce qu’Il a envoyé Son Fils afin que nous vivions par Lui. »
Durant le Carême, la Liturgie insiste sur le prix de la manifestation de cet amour de Dieu : la Croix. Oui, pour manifester Son amour, Dieu a donné Sa vie. Mais cet amour manifesté n’est pas seulement l’amour dont Dieu m’aime : Dieu n’est pas seulement amour parce qu’Il m’aime ! Il est, Lui, en tant que Dieu, par nature, amour, l’Amour ! « Deus caritas est. » Et le prix du dévoilement de cet Amour, c’est la Croix.
Pendant le temps pascal, nous devons mettre l’accent sur la deuxième proposition trop souvent oubliée : Il a manifesté Son Amour en nous envoyant Son Fils pour que nous vivions par Lui ! Et c’est cela l’important. L’essentiel, c’est la finalité, c’est le ‘pour quoi’, comme pour nos actes humains, c’est l’intention.
« Demeurez dans Mon Amour »
Remarquons que Jésus ne nous dit pas : afin que nous vivions avec Lui. Mais par Lui. Nous retrouvons ici tout le contenu de l’expression johannique que nous entendons souvent durant le temps pascal : « Demeurez dans Mon Amour. » Notre vie n’a pas à être parallèle à celle de Jésus : ce n’est pas de la seule camaraderie. C’est véritablement une communion de personnes poussée à sa plénitude. C’est une pénétration de ma personne dans celle de Jésus afin que je vive par Lui, par ce qu’Il est, par Son principe. Non pas au sens de règle de vie, de discipline morale, mais au sens de principe d’énergie. Je dois vivre de l’énergie de Jésus, de ce qui Le fait vivre Lui. Et cette énergie, c’est l’Amour. Donc Dieu a envoyé Son Fils pour que nous vivions par Lui, par Son principe, par Son énergie qui est, justement, cet Amour qu’Il manifeste, cet Amour qu’Il est, Lui, Dieu.
Afin que vous viviez…
Voilà la finalité du mystère de l’Incarnation-Rédemption. Voilà ce pour quoi Jésus est mort : afin que je vive par cette énergie nouvelle qu’Il est venu dispenser sur la terre des hommes ! Quelle nouveauté ! Jean nous rappelle que l’Amour vient de Dieu. De Dieu seul. Et la nouveauté, c’est cela : que Dieu permette à l’homme de vivre selon cette énergie qu’il est, en lui-même, bien incapable de produire harmonieusement. Car l’amour ne vient pas de l’homme. Ni de Satan. Bien au contraire : depuis -et par- le péché originel, Satan a infusé dans le monde le germe de la mort par le péché. Or le péché nous réduit à l’égoïsme, à la haine, au regard qui nous enferme sur nous-mêmes et nous empêche de nous élever vers Dieu et d’aller vers l’autre.
C’est pour lutter victorieusement, avec la Croix, contre le monde de la haine, de l’égoïsme et du Mal sous toutes ses formes, c’est pour nous faire sortir de ce monde clos, sans ouverture, sans oxygène, que Dieu a manifesté ce qui est le contraire de la mort en nous envoyant Son Fils afin que nous puissions vivre par ce principe, par cette énergie divine de l’Amour qui donne la Vie, qui est Vie !
« Aimez-vous les uns les autres comme moi Je vous ai aimés »
Comment va se traduire pour nous, baptisés, ce ‘vivre-par-Lui’ ? Tout simplement par la transmission de ce que nous avons reçu de cette vie nouvelle : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » Autrement dit : « Aimez-vous les uns les autres comme moi Je vous ai aimés. » Insistons sur le ‘comme’ : il décrit toute la nouveauté de l’Evangile. C’est parce que Jésus m’a aimé et aime en moi que je peux, en Lui, aimer l’autre comme Lui. C’est parce que je demeure dans l’Amour de Jésus, dans cet Amour qu’Il me porte, à moi, personnellement, comme à chacun d’entre nous, que je peux aimer; plus exactement Le laisser, Lui, aimer mon frère. Je Lui fournis une humanité de surcroît, comme disait merveilleusement la Bienheureuse Elisabeth de la Trinité.
« Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés. »
Parce que Je Suis en toi. Et qu’en toi, si tu le veux, Je peux continuer d’aimer ceux qui t’entourent. Voilà comment se traduit le ‘Vivre-par-Lui.’ Et c’est en cela que l’on saisit comment l’amour du prochain est le baromètre de notre vie spirituelle. Dans la mesure où j’aime mon frère, je suis certain de la présence de Jésus en moi : « Celui qui dit aimer Dieu et qui hait son frère, celui-Là est un menteur. »
Aimer, c’est vouloir le bien, c’est aussi donner la Vie
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Mais que veut dire : aimer ? Cela veut dire : vouloir le bien. Aimer l’autre c’est aussi donner sa vie. Jésus le rappelle dans l’Evangile. Voilà donc deux phrases qui, s’éclairant mutuellement l’une et l’autre, vont nous ouvrir à la compréhension de la charité mutuelle.
En effet, on ne veut véritablement le bien de quelqu’un que si l’on est prêt à donner sa vie. Pas seulement la vie physique. Mais la vie qui ne finit pas, la Vie divine, éternelle, cette Vie que nous possédons par la grâce de notre baptême; en un mot : le Salut. Saint Pierre nous montre l’exemple de la véritable charité qui dépasse les frontières, qui dépasse les races, qui dépasse toutes les haines ; pensez un peu : un Juif donner la vie à un Romain ! Nos racismes actuels sont ici dépassés, engloutis définitivement… On n’aime que si l’on veut le bien. Et l’on veut le bien que si l’on est prêt à donner la vie, la Vie, c’est-à-dire le Salut.
D’un autre côté, on ne donne sa vie que dans la mesure où l’on a donné, où l’on a voulu le bien, c’est-à-dire le Bien avec un grand B, ou encore : le Salut. Combien seront étonnés, lors du Jugement, croyant avoir fait le bien, croyant avoir donné leur vie, quand ils verront que ce qu’ils ont donné n’a pas de poids dans la balance de Dieu. Parce que ce n’est ni la Vie de Jésus, ni le Bien de Dieu, ni le Salut qu’ils auront donné.
« Notre monde a besoin de témoins plus que de maîtres » (Paul VI)
Voilà ce qui doit mesurer la charité de l’Eglise : le témoignage, l’enseignement par l’exemple que je suis prêt à donner tous les jours pour attirer l’autre à une proximité plus grande à Jésus qui est le Chemin, la Vérité, la Vie…
Et voilà aussi la véritable mesure de toute fraternité humaine : la charité. C’est-à-dire le témoignage missionnaire de l’Eglise dans sa catholicité qui l’étend jusqu’aux extrémités de la terre. La fraternité humaine dispersée de-ci de-là dans les différentes œuvres humaines n’a de valeur qu’à la mesure de sa proximité avec l’annonce véritable de l’unique Bonne Nouvelle !