Lectio divina
Une lectio divina est une commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.
Lectio divina pour le cinquième dimanche du Temps Pascal
« IL FAUT M’AIMER. JE SUIS CES FOUS QUE TU NOMMAIS… » (VERLAINE)
La collecte que nous prions pour la messe du cinquième dimanche de Pâques nous assure que si nous croyons au Christ, nous sommes libres et dans la vérité. Comment réagissons-nous devant ce paradoxe qui nous annonce que c’est dans notre adhésion à Quelqu’un d’autre que nous nous libérons ? Sommes-nous aussi capables d’adhérer à cet autre énoncé de la même vérité que nous servira l’évangile : sans Lui, nous ne pouvons rien faire ? Alors que justement, nos vies ne sont que tentatives pour prouver que nous pouvons, sans Lui, sans les autres, faire nous-mêmes notre vie, en toute indépendance ?
Si nous croyons au Christ, nous serons libres…
Mais alors, qu’est-ce que la foi ? La foi, c’est l’adhésion entière de notre esprit, de notre intelligence à la Vérité. Je fais confiance, je me lie, comme dans les fiançailles qui nous lient au conjoint. Mon esprit se lie à une Vérité qui n’est pas la mienne et que je m’approprie, car dans l’acte de connaissance l’esprit s’agrège la réalité saisie.
Oui, cette adhésion de la foi, cette appropriation de la Vérité de l’Évangile est un acte de dépendance. Et il entraîne une dépendance encore plus grande qui est l’acte d’amour. Après avoir adhéré par mon esprit, après avoir dit : oui, après m’être fiancé à la Vérité de l’Évangile en assimilant cette Vérité, il y a en prolongement de cette adhésion intellectuelle une adhésion qui est encore plus liante, qui est l’adhésion du cœur qui me projette en celui que j’aime. Ce n’est plus moi qui m’approprie la vérité, c’est mon cœur qui se jette sur l’être aimé, qui se livre à lui…
L’intelligence saisit une vérité sans l’étreindre. Seul le cœur peut embrasser la réalité à pleine main, peut l’enserrer, peut entrer en elle ! Nous avons tous l’expérience de l’amitié, de l’amour qui nous fait sortir de nous-mêmes pour aller vers notre enfant, notre ami, notre conjoint…
Voilà donc que ces fiançailles de l’esprit sont prolongées par un acte qui me rend encore plus dépendant et qui est projection par mon cœur de toute ma personne vers Jésus…
L’amour me libère de mon égoïsme en me donnant à l’autre
Or, c’est cette dépendance vis-à-vis de Jésus qui nous libère car, nous le savons, c’est lorsque nous aimons, lorsque nous donnons, lorsque nous sortons de nous-mêmes, que nous laissons derrière nous cette prison terriblement gardée et étouffante de notre égoïsme qui nous retient, nous empêche… C’est donc par l’acte d’aimer que je me libère en perdant volontairement tout ce qui me retient instinctivement. Les parents le savent bien que c’est en aimant leurs enfants qu’ils sont capables de tout oublier : jusqu’à l’honneur, et même leur vie si la donner s’avère nécessaire pour sauver celui à qui ils ont déjà donné la vie…
L’amour libère : nous en avons l’expérience tous les jours dans notre humanité. Alors, imaginons ce que peut être cette libération lorsque c’est Jésus qui est objet de notre amour ! Et voilà pourquoi celui qui croit, et bien sûr celui qui aime parce que la foi se prolonge automatiquement dans la charité comme le dit saint Jacques, celui-là est vraiment libre et découvre la vie : « La Vérité vous rendra libres » Ce n’est plus lui qui vit, c’est Jésus qui vit en lui. C’est Jésus qui vit Sa Vie en lui comme le dit saint Paul.
Ce n’est plus moi qui vit, c’est Jésus qui vit en moi…
Or quelle est la vie de Jésus ? L’amour du Père : « Le Père et moi nous sommes UN. »
Et quelle est la conséquence de cet amour que Jésus en moi, en chacun d’entre nous, porte au Père ? L’amour des hommes ! « Le Père m’aime parce que je donne ma vie pour mes brebis. »
Voilà ce que nous révèlent les textes liturgiques de ce cinquième Dimanche de Pâques dans l’éclairage de la Collecte : en faisant entrer Jésus dans notre cœur par la foi, nous nous unissons au Père et aux hommes par le même Amour divin qui n’a d’autre mesure que d’être sans mesure…
C’est pourquoi l’on comprend l’exhortation du Fils qui résume tout Son enseignement : « Demeurez dans mon amour… » Quoi de plus simple ! Quoi de plus merveilleux ! Mais aussi quoi de plus fou ! Comment oser ? Comment prétendre ? Relisons le si beau texte de Sagesse de Verlaine que je cite de mémoire :
« Seigneur, c’est trop ! Vraiment je n’ose. Aimer qui ? Vous ?
Oh ! non ! Je tremble et n’ose. Oh ! vous aimer je n’ose,
Je ne veux pas ! Je suis indigne…
Quoi, moi, moi, pouvoir Vous aimer. Êtes-vous fous,
Père, Fils, Esprit ? Moi, ce pécheur-ci, ce lâche,
Ce superbe, qui fait le mal comme sa tâche…
– Il faut m’aimer. Je suis ces Fous que tu nommais… »
Saint Temps Pascal à chacun !