Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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« JÉSUS LE REGARDA ET L’AIMA !»
Lectio divina pour le 4ème Dimanche de Pâques
Act.4, 8-12 1Jn.3, 1-2 Jn.10, 11-18
Continuons notre réflexion sur la foi. Le Temps Pascal avec ses lectures et sa liturgie nous propose effectivement de réfléchir sur cette vertu fondamentale de notre vie chrétienne, vertu qui est comme le tremplin du saut que nous faisons vers Dieu. Or nous savons bien, pour prendre avec Saint Paul la comparaison du stade, que si nous prenons mal notre appui pour sauter, notre saut sera mauvais. Donc la foi est très importante puisque elle est la vertu de départ.
« Celui qui croit au Fils a la vie éternelle… »
A l’occasion du 2èmeDimanche de Pâques, nous avons déjà essayé de situer cette vertu par rapport à la Béatitude de la foi qui est une qualité, je dirais même une expérience du Christ. Le Christ a eu la foi en tant qu’homme. Et la foi de Jésus c’est cette Béatitude, cette perfection qu’Il transmet à Son Église et que l’Eglise est chargée à son tour de nous donner.
C’est comme un milieu vital dans lequel l’Eglise baigne (pour reprendre l’image de l’immersion baptismale qui justement nous donne cette foi du Christ et de l’Eglise) ; c’est le milieu de notre vie.
Et c’est en même temps une perfection vers laquelle nous devons marcher comme pour les autres Béatitudes.
« Ma vie dans la chair je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé… »
Aujourd’hui avec le discours du Bon Pasteur, le Christ nous propose de réfléchir à une autre propriété de la foi qu’il faut souligner : la foi est avant tout une relation.
Alors qu’est-ce que la foi ?
La foi c’est faire confiance.
La foi c’est accepter l’autre.
La foi c’est accepter l’autre comme intervenant dans ma vie.
Lorsque nous essayons de définir la foi d’une manière spontanée nous pensons tout de suite à notre Credo que nous récitons pour exprimer notre foi ! Mais nous le savons, la foi ne se résume pas à la récitation d’un Credo. La foi est une adhésion profonde, personnelle.
Et elle est plus que ça encore ! La foi n’est pas seulement l’adhésion de ma personne à un objet, voire même une personne qui s’appellerait le Christ. Nous chosifions la foi, nous en faisons quelque chose de trop objectivé, de trop rationnel, j’adhère à…
« Je donne ma vie pour mes brebis… »
Dans ce discours du Bon Pasteur le Christ veut nous faire comprendre que la foi ne doit pas être saisie d’abord par rapport à l’objet vers lequel elle se porte, mais comme le mouvement dans lequel le Christ Lui-même nous fait entrer.
Le Christ n’est pas seulement et d’abord objet de mon adhésion : j’adhère au Christ profondément ! Le Christ est Celui, non seulement à qui aboutit la relation, le mouvement de ma foi, mais Il est celui qui donne naissance à ma foi.
Oui, la foi c’est, comme on le voit dans nos relations humaines, accepter l’autre, en l’occurrence Jésus, comme intervenant dans ma vie.
C’est accepter Jésus posant un regard sur moi.
C’est accepter Jésus me définissant par rapport à Sa vie.
C’est accepter l’autre (et l’Autre donc) me donnant existence par rapport à lui (à Lui).
Regardons les relations conjugales ou amicales. Lorsque nous entrons dans une relation de confiance à l’autre que faisons-nous profondément ? Lorsque nous dépassons ce caractère un peu objectif (j’ai confiance en…, je me fiance à…) et lorsqu’on regarde en profondeur, c’est bien ce mouvement-là qui est inclus dans la confiance : j’accepte que l’autre me regarde tel que je suis. J’accepte que l’autre me définisse par rapport à sa vie, par rapport à son existence et non plus par rapport à la mienne.
En un mot, la caractéristique très particulière de la foi est ce décentrage de moi sur l’autre. Quand Jésus dit : « Je connais mes brebis… » , c’est cela qu’Il exprime.
« Je connais mes brebis… »
« Je connais mes brebis… » : Je les connais, c’est-à-dire je les fais ‘naître à Moi’, puisque connaître, c’est ‘naître avec’. Je connais Mes brebis, Je les fais naître, Je leur donne une existence nouvelle qui n’est plus définie par rapport à leur vie, mais qui est définie par rapport à Ma vie à moi, le Bon Pasteur, Sauveur qui regarde l’homme en face de moi, l’homme qui est ma brebis. « Je connais mes brebis… »
La foi c’est accepter cette renaissance à l’autre.
Nous voyons donc que c’est presque à l’opposé de l’attitude personnelle et égotique décrite précédemment. Lorsque je donne ma confiance, lorsque je donne mon adhésion effectivement, je sors de moi-même.
C’est pour ça que la véritable foi se traduit, se poursuit, se dynamise, s’achève en charité. C’est un sortir de soi.
La foi au Christ, l’adhésion c’est donc accepter de renaître. Jésus le dit à Nicodème : « Celui qui ne renaît pas de l’Esprit ne peut pas rentrer dans le Royaume. » Celui qui n’accepte pas d’être redéfini, repositionné, celui qui n’accepte pas d’appartenir au regard que Je porte sur lui, celui qui reste lui-même et qui ne veut pas devenir Mien, celui-là ne peut entrer dans Mon Royaume !
« Dieu nous a aimés le premier… »
Ce regard que le Christ porte sur l’homme est pour inciter l’homme à donner une réponse, à accepter cette ouverture, à accepter cette appartenance. « Dieu nous a aimés le premier » dit saint Jean. Toutes les épîtres de l’évangéliste -que nous écoutons pendant ce temps pascal- tournent autour de ce thème de l’adhésion de l’homme à Dieu provoquée par le don de Dieu.
Ce regard que le Christ porte sur moi, et qu’Il va me demander d’accepter, n’est pas un regard facile à recevoir. En effet le Christ me demande de me dévoiler à Lui tel que je suis pour qu’Il puisse se donner à moi tel qu’Il est. Le Christ me demande de sortir de mon camouflage, ce camouflage que je fais à moi-même, comme aux autres, ce camouflage que je fais même face à Dieu ! Nous avons tous du mal à entrer en nous-mêmes pour nous regarder et nous accepter tel que nous sommes, c’est-à-dire finalement accepter ce regard de Dieu sur nous.
« Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. »
Et c’est cette relation que le Christ Pasteur veut établir avec sa brebis : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. »
Lui-même d’abord entre dans cette relation en se dévoilant tel qu’Il est. Il se dévoile tel qu’Il est dans Sa fonction de Sauveur, dans Sa nature divine : « Je suis… », « Je suis la lumière… », « Je suis la vie… », « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres. »
Il se dévoile tel qu’Il est pour que nous nous donnions à Lui tels que nous sommes.
Et Il désire que je me dévoile à Lui tel que je suis pour qu’Il se donne à moi tel qu’Il est ! Revenons à la relation amicale ou à la relation conjugale. C’est la définition même de l’amour, de l’amitié : se donner à l’autre tel que je suis, accepter ce regard de l’autre sur moi de manière à ce que l’autre puisse se donner à moi tel qu’il est.
« Venez à moi vous tous qui peinez… »
Et ce n’est pas facile parce que nous avons nos faiblesses, ces misères qui sont des obstacles : nous ne voulons pas être dévoilés tels que nous sommes et, en conséquence, nous n’acceptons pas que l’autre se donne à nous tel qu’il est.
Nous fabriquons l’autre, nous fabriquons notre enfant, nous fabriquons notre époux, nous fabriquons notre femme, nous fabriquons notre ami, nous l’inventons, nous l’idéalisons !
De même nous nous idéalisons face à lui.
Nous ne voulons pas entrer dans cette relation de véritable confiance ou plus exactement nous avons du mal à entrer dans cette relation de véritable confiance, de dépouillement, de dévoilement, car nous avons du mal à nous dénuder. Et pourtant c’est cela que le Christ demande. Et rien d’autre : « Venez à moi vous tous qui peinez… » !
Nous voyons comme l’adhésion de la foi est quelque chose de profond.
La foi dépend de moi bien sûr ! C’est une adhésion personnelle ; mais elle est provoquée par Dieu. Il me demande de me dévoiler à Lui tel que je suis pour qu’Il puisse se donner à moi tel qu’Il est…
« Le vrai Pasteur donne sa vie pour ses brebis. »
Finalement cela aboutit à quoi ? Cela aboutit à cette disproportion représentée par la phrase du Christ, le Pasteur : « Le vrai Pasteur donne sa vie pour ses brebis. »
N’est-ce pas incompréhensible ? Nous ne verrons jamais un berger donner sa vie pour un mouton ! C’est cela pourtant qui exprime la folie de l’acte de Dieu ! C’est déjà assez fou de penser qu’un homme puisse donner sa vie pour un mouton ; il est encore plus insensé, plus « fou » -pour reprendre l’expression de Paul- de penser que Dieu puisse donner Sa vie pour un homme, qui plus est, un pécheur !
Et pourtant c’est cette relation dans laquelle le Christ veut nous faire entrer.
La foi c’est cela : c’est accepter que Dieu porte sur moi le regard qui me dévoile dans ma vérité de pécheur, de misérable, de pauvre, de malade, pour qu’Il puisse, Lui, se donner tel qu’Il est dans l’infinité de Son Amour, dans l’infinité de Sa miséricorde et de Sa tendresse.
La foi, c’est accepter cette disproportion entre ma misère de brebis et la grandeur du Pasteur qui donne Sa vie pour moi sans qu’il n’y ait aucunement de ma part un quelconque mérite qui puisse justifier le don de la vie de Dieu.
Jésus le dit et le répète. Il insiste à la fin de notre passage d’Evangile : « Ma vie, nul ne la prend… » Ce ne sont ni nos mérites, ni nos qualités, ni même nos vertus qui peuvent justifier, ne serait-ce qu’un quart de seconde, le fait que le Christ soit mort pour chacun de nous : « C’est par grâce que vous êtes sauvés » enseignait saint Paul aux Ephésiens.
« Jésus le regarda et l’aima. »
« Ma vie nul ne la prend c’est moi qui la donne. » C’est ta misère que Je te demande de dévoiler à Mon regard, ce regard que J’ai, Moi ton Créateur, qui te connais parfaitement de toute éternité.
Le Christ me demande d’accepter ce regard qu’Il veut poser sur moi comme Il a posé Son regard sur Madeleine, sur Zachée, sur Pierre en sortant de chez le Grand-Prêtre, sur tous ces inconnus ou ces grands de l’Evangile. Comme il devait être extraordinaire ce regard de Jésus !
Un regard non pas scrutateur, mais un regard profond, un regard qui dévoile… Jésus me demande de l’accepter pour qu’Il puisse Se donner, pour qu’Il puisse se livrer et me donner Sa Vie comme nous l’avons célébré dernièrement.
Il me demande de renaître au regard qu’Il porte sur moi.
Il me demande donc de renaître à une nouvelle existence qui n’est plus une existence personnelle, qui est une existence relationnée à Lui, à Sa tendresse, à Son désir de m’aimer, à Son désir de me construire, à Son désir de me donner Sa perfection d’amour !
Voilà une petite exégèse de ce discours de Jean pour nous resituer par rapport à la foi qui, tout en étant un acte personnel, est relative à la force de Dieu, relative à l’Amour de Dieu qui nous demande d’entrer dans une relation de confiance, en acceptant Son regard sauveur !
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
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