Dieu en se faisant homme et enfant a accepté non seulement l’Incarnation, mais ce qui suit naturellement la naissance de l’être humain : l’éducation. Il a accepté de grandir humainement et surnaturellement dans la main de Marie. Est-ce que nous nous rendons compte de cette humilité de Dieu, que le Fils de Dieu Lui-même a appris de Sa Mère ce qu’était la foi, ce qu’était la charité ?! Le Fils de Dieu s’est mis à l’écoute de Sa mère pour que celle-ci Lui apprenne les vertus les plus naturelles, mais aussi la quintessence de la relation à Dieu : une relation filiale au Père ! Montre-moi ton maître, je te dirai qui tu veux être !
En regardant Marie, je découvre qui est Jésus…
Montre-moi celui que tu choisis comme éducateur, comme enseignant et je te montrerai celui que tu veux devenir.
Voilà comment Marie nous dévoile les vertus de Jésus. Lorsque je regarde Marie, je devine ce que le Fils de Dieu veut devenir, je devine les grâces et les vertus qu’Il veut mettre en avant dans Son Incarnation, dans Son mystère de visibilité. En regardant Marie, en regardant les vertus mariales, je découvre avant même la naissance de Jésus, avant même le mystère de Noël, les vertus christiques, les vertus qui plaisent à Jésus, les vertus qui vont aimanter Jésus pour Le faire venir dans mon cœur. Je n’ai pas besoin d’attendre Noël pour prendre une résolution, pour me sanctifier ! Dès maintenant, je sais ce que Jésus veut être sur terre, dans l’Église, dans mon âme.
« Heureuse es-tu car tu as cru… »
La vertu que cette Église voudrait montrer à notre âme aujourd’hui, c’est la vertu de foi mise en avant dans la Liturgie : « Heureuse es-tu car tu as cru à l’accomplissement des paroles du Seigneur. » Relisons l’encyclique Redemptoris Mater sur la mère de Dieu de Saint Jean-Paul II où il exprime le cœur de sa pensée mariale : « Heureuse es-tu, toi qui as cru à la Parole de Dieu. » C’est la foi et son fruit que l’Église nous montre aujourd’hui comme étant l’axe central du mystère de l’Incarnation. Car la foi n’est pas une vertu morte. Et le fruit de la foi, c’est le bonheur : « Heureuse es-tu » !
On peut même dire, avec plus de justesse que « bonheur » : « fécondité ». Parce que le bonheur fait partie de ces biens de participation : il est comme la vérité, lorsqu’on le capte, on le perd, lorsqu’on veut le garder pour soi, il nous échappe ! Il y a quelque chose de plus fort que le bonheur parce que justement cela se communique, et, par définition ne se garde pas pour soi : c’est la fécondité ! « Que me vaut ce bonheur que la mère du Seigneur, (première fécondité) vienne jusqu’à moi » (deuxième fécondité). Voilà le fruit de la foi, le fruit qui ne disparaît pas : la fécondité.
Pour être féconde, la foi doit être virginité de soi !
La foi de Marie, c’est la confiance parfaite. C’est cette abnégation de la personne qui se jette en l’autre, en celui qui veut faire son bonheur. La foi, c’est donc la virginité. La virginité physique de Marie n’est que le signe et la conséquence sensible de sa virginité intérieure : virginité de soi. Être vierge de soi, quelle difficulté pour nous qui avons toujours le regard posé sur notre nombril, sur ce que nous sommes, sur ce que nous ressentons ! Être vierge de soi, pouvoir se regarder l’âme en y contemplant le visage de Dieu pour reprendre l’expression de Claudel disant de Marie qu’elle est si pure que lorsqu’elle se regarde, elle ne se voit pas, mais elle voit l’image du Père.
C’est cela la foi. Et c’est la vertu du principe. Sans foi, il n’y a pas de charité, il n’y a pas de vie chrétienne. La foi est la vertu du départ. C’est se jeter dans l’Autre en acceptant que ce soit cet Autre qui soit maître de mon bonheur, me dirigeant suivant Sa Volonté vers ce qu’Il a désiré être ma fin. Et s’il y a bien une chose de personnel en l’homme, c’est sa conception du bonheur, son désir de l’atteindre et de s’y reposer ! …
La foi de Marie c’est : je me donne, j’accepte que cela soit, ô Toi, Dieu qui sais tout, qui peux tout, qui m’aimes et qui es le metteur en scène de ma joie. Si Tu penses qu’il vaut mieux cela : « Fiat voluntas tua » ; si tu penses qu’il vaut mieux ceci : « Que ta volonté soit faite ».
Faire confiance à Dieu, c’est Lui donner ma volonté
Tout ce que nous sommes appartient à Dieu, absolument tout. Lorsque, soi-disant, nous donnons, en fait nous prêtons. Lorsque nous donnons un euro à la quête, nous prêtons finalement, parce que tout appartient à Dieu. Nous ne sommes que des lieutenants des biens de ce monde, -c’est d’ailleurs la doctrine de l’Église à propos du bon usage des biens de consommation. Il n’y a qu’une seule chose qui nous est propre, notre volonté. Il n’y a qu’une chose que Dieu respecte en nous, notre volonté. Tout le reste Lui appartient. C’est pourquoi Il dit aux Juifs : – vos holocaustes, je n’en ai point besoin, les bœufs, les veaux, les agneaux sont à moi, toute la terre m’appartient… Ce que je veux c’est un esprit brisé, contrit… Et nous retrouvons l’Épître aux Hébreux : « Tu n’as voulu ni sacrifices, ni holocaustes, alors j’ai dit voici je viens faire Ta volonté. »
La volonté, c’est bien cette vertu de la tendance, du désir qui se projette vers la fin, par appétit, par amour. C’est cela qui m’est propre, que Dieu ne prend pas, mais que Dieu attend que je Lui donne. Faire confiance à Dieu, c’est Lui donner ma volonté, car c’est Lui mon désir, c’est Lui mon amour… C’est Lui donner ma tendance vers ce bonheur que j’entrevois et qu’Il me dévoile progressivement. C’est donc finalement Lui donner ce que j’ai en propre, c’est me donner moi-même, c’est m’abandonner. C’est autrement plus difficile que de faire un chèque, car c’est vraiment l’enracinement de toute ma personne, ma volonté : « je », « moi » … Le « je » indestructible, c’est ce « je » que Dieu veut que je Lui donne.
Ephrata la féconde et donc la bienheureuse…
Revenons au fruit de la foi. Première lecture de la liturgie dominicale : « Ephrata, le plus petit des clans… » – Ephrata, cela veut dire « la féconde » en hébreu : de toi, le plus petit, le plus humble, le vierge… Ce modeste clan est l’image parfaite de Marie, l’almah du prophète Isaïe, la vierge qui va concevoir : de toi va surgir le Germe, la Justice !
Première fécondité donc : Marie, qui, de Vierge qu’elle était, devient Mère de Dieu. « Que me vaut le bonheur que la mère de mon Seigneur… » Elle est mère parce qu’elle était vierge d’elle-même.
Deuxième fécondité : Cette Mère de Dieu, elle vient à moi à travers Elisabeth : « Que me vaut cette joie que la Mère de Dieu, que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? » C’est la deuxième fécondité. Marie est non seulement Mère de Jésus, mais elle est Mère de l’Église, elle nous engendre à la vie surnaturelle.
Fécondité ! Marie ne garde rien pour elle. Son bonheur, où le voyons-nous ? Nous le voyons dans le Magnificat, c’est-à-dire après la Visitation, après ce geste de don ! C’est la fécondité qui lui donne le bonheur.
Cette foi de Marie et sa double fécondité de maternité du Christ et de l’Église, cela explique le pourquoi de l’Épître aux Hébreux, curieusement placée à quelques jours du mystère de la joie, de la paix de Noël.
Pourquoi ? Parce que Marie nous enseigne que Jésus l’a choisie pour apprendre d’elle à vivre parfaitement la foi. Jésus est venu pour rendre l’homme à Dieu, pour le rétablir dans la relation d’enfance, de confiance, de foi. Et ce que l’auteur sacré fait dire au Christ en naissant : « Je suis venu pour faire Ta volonté », cela va se réaliser dans la vie de Jésus. Mais Il va quand même l’apprendre ! « Bien que fils, Il apprit par les souffrances ce que c’était que d’obéir », au chapitre 5 de la même Épître. Et de qui va-t-Il l’apprendre ? De Marie !
Apprendre de Marie le chemin du bonheur par la fécondité de la foi…
Voilà ce que nous devons apprendre aujourd’hui.
Oui, pour la joie de Noël, oui pour la paix de Noël, oui pour le mystère avec toute sa lumière, mais il y a une condition. Il y a une condition à la fécondité qui donne la joie et le bonheur, et la condition, c’est la foi ! C’est la confiance que Marie a vécu avant Jésus pour que Jésus puisse la vivre, et pour que nous, à notre tour, nous puissions la vivre en Jésus, avec Marie.