Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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LAISSEZ VOUS NOURRIR COMME DES PETITS ENFANTS…
Lectio divina pour le deuxième Dimanche de Pâques
Act.4, 32-35 1Jn.5, 1-6 Jn.20, 19-31
Avec le dimanche de Quasimodo, c’est aussi le dimanche dit in albis que nous célébrons, ainsi nommé car suivant la tradition, durant la messe, les nouveaux catéchumènes se dévêtissent de l’aube pascale, le vêtement blanc de leur Baptême. C’est aussi la fin de l’Octave de Pâques. Cette Octave montre la manière dont l’Eglise vit la Fête des fêtes, la Solennité des solennités, Pâques durant un cycle complet de 7 jours. En célébrant ainsi le septénaire de la Résurrection, l’Eglise est certaine de fêter l’anniversaire propre des évènements du Christ et en particulier de Sa Pâque.
Aujourd’hui nous avons affaire, dans cette clôture de l’Octave pascale, à une question très sérieuse qui est celle de la foi.
« Tu as cru Thomas parce que tu as vu… »
Nous entendons cette phrase, pas toujours bien comprise, et sur laquelle je propose que nous réfléchissions : « Tu as cru Thomas parce que tu as vu, bienheureux -ou heureux, ou magnifique- celui qui croit sans avoir vu. »
Cette phrase du Christ est essentielle à la vie de l’Eglise dès les origines puisque Jésus dit : « Qui croit en moi a la vie » ; puisque aussi saint Jean -l’apôtre bien-aimé qui a reposé sur la poitrine du Maître- quelques versets à peine après avoir cité cette phrase du Seigneur nous dit qu’effectivement « toutes les choses qui ont été écrites dans son Evangile l’ont été pour que vous croyiez et qu’en croyant vous ayez la vie. » C’est donc bien dire que la foi est au centre ou au point de départ de la vie du chrétien !
Qu’est-ce que c’est que cette foi que certains ont ou prétendent avoir, que certains n’ont pas ou prétendent ne pas avoir ? Qu’est-ce que la vertu de foi ? Qu’est-ce que Jésus nous demande comme adhésion pour pouvoir dire : j’ai la foi, et prononcer avec saint Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu » ?
« Qui donc est vainqueur du monde ? »
C’est vrai que la foi est essentielle. Jésus le dit : « Celui qui croit et sera baptisé celui-là sera sauvé. » C’est vrai aussi, et saint Jean le dit dans l’épître que nous entendons ce dimanche que « Celui qui croit est vainqueur du monde. »
Bien entendu la foi est victorieuse de notre monde intérieur. Il ne s’agit pas de la victoire des Croisades, si tant est que les Croisades puissent être utiles, mais ce n’est pas le discours… « Qui est vainqueur du monde ? Celui qui croit. » Lorsque Jean nous dit ainsi que celui qui croit est vainqueur du monde, il s’agit de notre monde intérieur.
Celui qui croit est vainqueur de son monde de ténèbres et il accède par cette foi au monde de la Lumière pascale que nous avons célébrée dimanche dernier.
Il accède au monde de la Vie : « Celui qui croit aura la vie. »
Il accède au monde de la paix, thème récurrent des apparitions de Jésus après Sa Résurrection : « La paix soit avec vous. »
Il accède au monde de la justice.
« Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Mais de quelle foi s’agit-il ? « Tu as cru parce que tu as vu, heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Nous avons donc affaire à une Béatitude comme les célèbres Béatitudes du Discours sur la montagne : « Heureux les pauvres… heureux les miséricordieux… heureux les assoiffés de justice… » Nous avons affaire à une Béatitude donc à une perfection à laquelle nous sommes appelés, que nous sommes invités à atteindre, vers laquelle nous sommes stimulés à marcher…
Donc personne ne peut se prévaloir de la foi. Et nous ne pouvons pas dire : il a la foi… je n’ai pas la foi…, il a de la chance d’avoir la foi… il a plus de foi que moi… C’est un langage humain, compréhensible bien entendu, mais qui n’est pas théologique.
L’autoportrait du Christ…
« Heureux le pauvre en esprit… » Qui d’entre nous pourrait dire : je suis pauvre en esprit ? De même, qui d’entre nous pourrait dire : je suis assoiffé de justice ? Personne. Nous savons que c’est un appel que Jésus nous lance et que nous essayons d’atteindre.
« Thomas tu as cru parce que tu as vu, heureux celui qui croit sans avoir vu. » La foi est une perfection ; donc c’est comme les Béatitudes du Discours sur la montagne : un autoportrait du Christ.
Cette Béatitude de la foi c’est la description de Jésus dans Son état d’homme parfait parce que Jésus a cru sans avoir vu Sa Résurrection. Souvenons-nous du jardin de l’agonie, souvenons-nous de la prison du Jeudi Saint, souvenons-nous du Vendredi Saint… « Père, entre tes mains je remets mon esprit ! » Mais Il n’est pas encore ressuscité !
C’est donc en fonction de cette perfection vécue en Jésus qu’il faut voir la foi. La Béatitude de foi, elle a d’abord appartenu à Jésus pas à vous, ni à moi.
« Non pas ma volonté mais la tienne ! »
Lorsque nous lisons cet Evangile, nous sommes comme des enfants qui comparons notre attitude à celle de Thomas : lui, il a fallu qu’il touche pour croire, mais nous, point besoin… Ou au contraire : moi aussi j’aimerais toucher pour croire, moi aussi je voudrais un miracle pour croire ! Mais c’est une attitude d’enfant…
Cette Béatitude appartient au Christ, elle est Jésus, elle est, comme disait St Jean Paul II, « l’autoportrait du Christ. » Et c’est non pas en fonction de Thomas, mais en fonction de cette perfection manifestée visiblement en Jésus que je dois porter mon regard de pauvre chrétien pécheur sur cette foi. Thomas qui croit moins, ou plus, que les autres apôtres, ce n’est pas le problème.
C’est en fonction de cette perfection que je dois regarder cet appel que Dieu me lance à croire, c’est à dire à entrer dans Son propre cheminement intérieur, parce que Jésus a cheminé dans la foi en tant qu’homme ! Il a posé chaque jour des actes de foi jusqu’au jardin de l’agonie où Il dit : « Père si ce calice pouvait s’éloigner… Non pas cependant ma volonté mais la tienne. »
« Tout est possible à celui qui croit… »
La foi est donc une perfection. Elle est, comme toutes les Béatitudes, un appel que Dieu lance, à chacun, tous les jours pour entrer dans cette voie à la suite de Jésus.
Lorsque je suis baptisé je ne suis pas rendu parfait, je suis seulement posé dans l’existence d’enfant de Dieu. Comme lorsque je suis engendré par mon père et ma mère : je suis posé dans l’existence, mais je ne suis pas un homme parfait, je suis déjà un homme mais je ne suis pas un homme achevé. Je suis un homme en capacité de m’achever, de me construire en fonction de ma liberté, de ma persévérance, de ma fidélité. Il en va de même pour la foi : c’est une perfection que Jésus me montre en Lui-même et Il m’appelle à marcher vers elle. Il m’appelle à atteindre cette foi.
Alors comment puis-je atteindre cette foi ? Comment puis-je cheminer ? Comment puis-je faire de ma vie un chemin sur la route christique, une conformité de plus en plus parfaite par rapport à la foi de Jésus c’est-à-dire par rapport à Sa fidélité au Père, à l’adhésion à Son Père ?
« Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Nous aurons remarqué que cette Béatitude est au présent : « Heureux celui qui croit sans avoir vu. »
Et le présent c’est le temps de l’Eglise. Le présent, la conjugaison du présent c’est la conjugaison que nous employons dans notre pauvre langage d’homme pour décrire des réalités fondamentales qui existent, qui durent et qui sont appelées à être achevées. Ce ne sont pas des réalités passées. Ce ne sont pas des réalités futures. Ce sont des réalités qui sont. L’homme est. St John Henry Newman disait qu’il y a deux réalités qui sont dans l’Univers : Dieu qui est, et l’âme qui est, elle aussi jusqu’à la fin des temps.
Donc cette Béatitude qui est au présent signifie que nous entrons dans cette démarche de foi dans l’Eglise. C’est une réalité qui doit être vue dans l’Eglise, dans la naissance, dans la durée de la vie du voyageur chrétien jusqu’à son achèvement.
Et c’est fondamental de voir que la foi, même si c’est une vertu que je pose personnellement comme tout acte humain, et donc qui me rend responsable, la foi est une vertu qui est continuellement liée à la vie de l’Eglise, à la vie entière de l’Eglise.
La preuve : c’est l’Eglise qui me donne la foi par le Baptême.
La preuve, c’est que ma foi sera accomplie, achevée en plénitude dans la Jérusalem Céleste qui est l’Eglise.
Mais la preuve aussi, c’est que ce développement de la foi se fait dans l’Eglise. Regardons Thomas : ce sont les apôtres qui lui parlent : « Nous avons vu le Seigneur ! » Or les apôtres c’est l’Eglise. Et Thomas doute… Mais le dépôt de la foi est transmis par les apôtres !
Et huit jours après, Thomas est toujours dans l’Eglise et c’est au milieu de l’Eglise que Jésus apparaît et qu’à ce moment là Thomas croit et dit : « Mon Seigneur et mon Dieu. »
La foi est le trésor de l’Eglise dans lequel je m’insère…
C’est essentiel pour nous de désindivisualiser notre acte de foi et de cesser de le voir comme s’il nous appartenait en propre, comme si nous pouvions le mesurer à celui de notre voisin, comme si nous pouvions diviser le monde entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, entre ceux qui détiennent la vérité et ceux qui ne la détiennent pas, entre finalement les bons et les mauvais !
La foi est le trésor de l’Eglise dans lequel je m’insère. C’est elle qui va me porter.
Regardons comme cet épisode nous rend cette réalité très sensible.
L’Eglise, là, dans l’Evangile que nous venons d’entendre vient d’être formée. Elle vient de prendre consistance puisque Jésus remet l’Esprit qui est l’âme de l’Eglise. Le Christ remet à Ses apôtres le pouvoir de remettre les fautes, le pouvoir d’intégrer quelqu’un dans la communion de l’Eglise…
Donc c’est vraiment la formation de l’Eglise. Et à partir de cet instant là Jésus devient de manière particulièrement vraie la Tête de l’Eglise, de ce monde mystérieux que nous avons du mal à concevoir parce que nous nous arrêtons aux hommes que nous sommes, au monde des hommes et de leurs richesses comme de leurs crises… Mais l’Eglise est un monde mystérieux dont Jésus est la Tête.
« Il souffla sur eux l’Esprit »
L’Eglise est la couronne du Christ. L’Eglise est l’extravasion de la vie de Jésus dans le monde. En remettant l’Esprit-Saint –« Il souffla sur eux l’Esprit »– Jésus remet Sa vie, Jésus remet Sa charité, Jésus remet Sa foi, Jésus remet tout de Lui-même…
L’Eglise, c’est vraiment le débordement de la vie de Jésus dans le monde et c’est pour cela que l’Eglise peut me transmettre les vertus de Jésus.
Par le Baptême, elle me transmet la foi comme l’espérance et la charité. Ce n’est pas de la magie ; l’Eglise par le ministère ordonné des prêtres me transmet la foi de Jésus, cette Béatitude, cette perfection qu’il me demande d’achever en moi !
Elle peut me transmettre Sa foi et non pas ma foi à moi ! La foi, ce n’est pas une propriété, c’est un don de Dieu transmis par l’Eglise.
Nous voyons, dans la première Lecture, comme l’Eglise se définit dans sa nature même comme une mise en commun de toutes choses. Pas seulement les biens matériels : ne faisons pas de cette lecture des Actes des Apôtres le fondement du communisme… C’est la mise en commun d’abord des biens spirituels. Nous prions bien les uns pour les autres, n’est-ce pas ? Quand une âme s’élève elle élève le monde, c’est la communion de grâce, la communion de sainteté.
« Jésus, voyant leur foi, lui dit tes péchés te sont remis » !
Et pourquoi n’y aurait-il pas communion de foi ?
Regardons l’exemple donné par un des plus beaux passages de l’Evangile : l’histoire du paralysé qui est descendu du toit pour être déposé devant le Christ : « Jésus, voyant leur foi, -pas la foi du paralysé-, lui dit : Tes péchés te sont remis » !
C’est ça l’Eglise ! Voilà la communion de la vie apostolique, la communion de charité ! « A ceci on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. » C’est-à-dire, comme l’écrira saint Paul, si vous « vous supportez en charité », pas seulement si vous donnez une pièce au pauvre du coin. Si vous vous supportez !
Notre foi appartient à la foi de l’Eglise qu’elle nous transmet, qu’elle nous donne et que nous devons bien entendu faire croître dans notre cœur !
Le principal voyez-vous c’est d’être ouvert, d’être ouvert comme Thomas, d’être ouvert à ce fleuve d’eau vive que le Christ a en Lui-même et qu’Il nous rend présent à chacun d’entre nous pour toutes les générations à travers ce mystère de l’Eglise.
« J’ai vu l’eau jaillissant du Temple… »
L’Eglise n’est pas une institution, ne l’arrêtons pas aux hommes ! C’est un mystère. C’est le mystère décrit par Ezéchiel : « J’ai vu l’eau jaillissant du Temple et plus j’avançais plus l’eau était forte et je n’ai plus pu traverser le torrent. »
Le Temple c’est Jésus, mais c’est aussi l’Eglise et nous sommes tous noyés dans ce torrent d’eau vive.
Le principal est d’être ouvert afin que la vertu de l’Eglise, la sainteté de l’Eglise entre en moi et me porte.
Croyons-nous que les grands saints, les géants de Dieu se sont portés tous seuls ? Ils se sont laissé porter par cette vertu de l’Eglise et donc par la vertu du Christ.
Alors devant cette définition fabuleuse de la foi qui est vraiment le fondement de notre vie puisque c’est le mouvement premier, l’adhésion, élargissons notre horizon, élargissons notre regard.
Ne soyons pas là avec des œillères à notre foi, notre foi sociologique parce que nous avons été élevés dans un couvent, dans une tradition bourgeoise, parce que nous sommes d’un milieu chrétien, parce que nous avons une bonne paroisse ici ou là-bas…
« Quasimodo geniti infantes… »
« Heureux ceux qui croient sans avoir vu », heureux ceux qui se laissent ouvrir, porter comme le paralysé !
Vous n’avez pas la foi ? Laissez-vous porter par ceux qui vous entourent pour recevoir cette sainteté de l’Eglise, cette adhésion de l’Eglise. Et en premier lieu la sainteté et l’adhésion de Marie.
Regardons Simone Weil, la grande philosophe, dans son attente de Dieu qui a duré jusqu’à sa mort, jusqu’à l’ultime instant où finalement elle demanda à une amie de la baptiser pour entrer dans l’Eglise… Regardons son attente de Dieu, l’ouverture de son cœur à la foi et à la sainteté de l’Eglise qui l’entourait, qui a prié pour elle, qui l’a accompagnée jusqu’à sa mort…
Il nous suffit d’être ouvert. Disons-nous simplement que par le Baptême nous appartenons à l’Eglise et que dans l’Eglise nous sommes greffés, entés sur le Cep qu’est le Christ et donc sur la foi de Jésus, comme sur Sa douceur de Jésus, sur Sa miséricorde…
Et il nous suffit, comme l’enfant tète, sa mère d’ouvrir la bouche pour recevoir le lait pur de la vie divine. C’est l’introït de la messe grégorienne de ce dimanche de Quasimodo : « Quasimodo geniti infantes… » Nous sommes comme de petits enfants qu’il faut nourrir avec un lait très pur pour qu’ils reçoivent la force de la vie divine, la foi… C’est la grâce que nous nous souhaitons mutuellement et fraternellement en Jésus.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
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