Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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« Il y a infiniment mieux que moi en moi : il y a Dieu ! »
Lectio divina pour le 2ème Dimanche de l’Avent
Bar. 5, 1-9 Phil. 1, 4-11 Lc. 3, 1-6
Avec ce deuxième dimanche de l’Avent nous sommes mis en face d’un personnage essentiel de la Révélation qui est le Précurseur : Jean le Baptiste. Personnage si important que la Liturgie lui consacrera deux dimanches pendant ce temps de préparation à Noël. Dimanche prochain, en effet, nous aurons encore à entendre sa prédication. Et nous pouvons donc nous poser la question de savoir pourquoi Jean-Baptiste est si important.
Jean : un homme pour témoigner de la Lumière…
On ne peut pas parler du Baptiste sans faire référence au Prologue de saint Jean qui nous décrit d’abord l’être, la personne de ce fils de la vieille Elisabeth : « Il y eut un homme envoyé de Dieu ». Cela sera repris dans l’Evangile de Luc d’une manière plus poétique lorsque l’ange, apparaissant à Zacharie, dit à ce dernier : « Il sera grand car rempli de l’Esprit Saint. »
Puis l’évangéliste bien aimé de Jésus va nous parler ensuite de la mission de Jean, de son agir. Il est envoyé de Dieu ; pour quel motif ? Pour être témoin ? « Pour témoigner de la lumière. » Et Luc, toujours dans le récit de l’apparition de l’ange à Zacharie qui précède de quelques versets le texte que nous entendons ce dimanche, fait dire à Zacharie, donc au père du Baptiste : « il ramènera les fils d’Israël vers Dieu. »
Ces deux descriptions de la mission du Baptiste se complètent, s’éclairent l’une et l’autre et nous permettent tout de suite de comprendre que ramener les fils d’Israël vers Dieu ne se situe pas, bien entendu, au niveau d’une localisation. Car on aurait pu le penser après l’Exil, les Israélites étant appelés à revenir vers le Temple.
Mais non, il ne s’agit pas d’un lieu. D’ailleurs le Christ dira à la Samaritaine que « ce n’est plus au mont Garizim ni à Jérusalem qu’il faut prier Dieu car Dieu le Père cherche des adorateurs en esprit et en vérité » !
Jean vient nous révéler qui est Dieu.
Ramener les fils d’Israël vers Dieu ne consiste pas à les rapprocher physiquement d’un Dieu visible (représenté au moins matériellement). Il s’agit, par le témoignage, de les rapprocher intérieurement, spirituellement, de Dieu. Il s’agit de leur donner une proximité plus grande, c’est vrai, mais une proximité intérieure, spirituelle, due à une meilleure connaissance de ce Dieu.
Et voilà en quoi consiste le témoignage de Jean : Jean vient nous révéler qui est Dieu. Jean est le témoin.
On ne parle pas de Jésus-Christ, on parle tout simplement de Dieu.
Jean se situe dans la ligne des prophètes. Il est donc la langue acérée de Dieu, le messager, en quelque sorte l’ange, l’envoyé. D’ailleurs, dans la tradition orientale Jean-Baptiste n’est-il pas représenté avec les ailes des anges ?
Jean est le témoin. Il est le témoin de Dieu. Et il est si important ce témoin dans la ligne prophétique, qu’il est annoncé par Isaïe, le grand prophète, sept siècles auparavant.
Jean témoigne d’un Dieu qui est en relation…
Jean-Baptiste dans la lignée prophétique appartient à l’Ancienne Alliance. Il est à la charnière entre le Nouveau et l’Ancien Testament, mais il appartient à l’Ancienne Alliance et son rôle est de nous faire découvrir ainsi qu’aux hommes de son temps, de faire redécouvrir aux Juifs qui forment le peuple élu que Dieu est, qu’Il existe.
Mais aussi et surtout que Dieu marche : « Préparez les chemins du Seigneur » dit-il en utilisant les versets d’Isaïe qui furent écrits pour sa personne. Ce Dieu n’est pas immobile, c’est un Dieu qui est en route.
« Préparez les chemins du Seigneur » Il n’est pas mort, mais vivant, et ce n’est pas seulement un Dieu vivant, c’est le Dieu des vivants ! Yahvé le dira à plusieurs reprises dans la Bible : « Je ne suis pas le Dieu des morts, mais des vivants », faisant ainsi allusion non seulement à la Vie éternelle, mais à cet être profond de Dieu qui est d’être en relation.
Dire « Je suis le Dieu des vivants »c’est dire : Je suis en relation avec les vivants, avec les hommes. C’est le sens du génitif : la maison de Dieu, le chapeau de Pierre… dit qu’il y a une relation entre le chapeau et Pierre, entre la maison et Dieu. De même : « Je suis le Dieu des vivants » signifie : Je suis en relation avec les hommes. Je ne suis pas replié sur moi-même, Je suis tourné vers…
Je suis Celui qui suis, Je suis Celui qui suis pour vous…
Ce sera la grande Révélation du Prologue de Jean lu à Noël : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu et le Verbe était tourné vers Dieu… »
De même que le Fils est tourné vers le Père, Dieu dans Sa Trinité Sainte est tourné vers les hommes. En même temps que Dieu est, Dieu est pour l’homme et avec l’homme.
Nous sommes presque à l’opposé de la conception philosophique du siècle dit « des Lumières » et du Dieu des philosophes qui est un Dieu immobile, égoïste. Pour Jean au contraire, c’est le Dieu de nos Pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob…
Ce fut la grande Révélation de l’Exode : « Que dois-je dire, qui m’envoie ? » questionne Moïse au Buisson ardent. « Tu diras Je suis m’envoie. » Je Suis, c’est-à-dire : J’existe, mais aussi et surtout : Je suis avec vous, Je suis pour vous. Je suis pour vous… sauver de l’Egypte. La grande Révélation de Yahvé est liée à la grande Pâque.
Nous sommes donc en face d’un Dieu qui ne se révèle pas tant comme ‘l’Être en Soi’ mais comme ‘l’Être pour’. Je suis Celui qui suis, Je suis Celui qui suis pour vous, pour vous sauver… Les Justes de l’Ancien Testament à partir de Moïse, à partir de cette Révélation fulgurante du Buisson ardent, les Justes ont bien compris cette notion de Yahvé : un Dieu qui est, qui dure, -la fidélité de Dieu !- qui est « pour toujours » pour reprendre l’expression de l’Ecriture, qui est présent, qui est parmi vous : « Dieu pour mon peuple ».
« Dieu se souvient »
D’où le nom de El. Le nom hébraïque pour désigner Dieu qui est El exprime le concept – concret, chez les Juifs toujours ! – de la vie, de la durée, de la présence en opposition avec un concept tout à fait à la mode à l’époque, qui est le concept de Baal. Baal c’est le nom de Dieu qui est dans un lieu. Le dieu Baal représenté par le moloch, par le veau d’or, par toutes les représentations suivant les religions qui ont adopté cette divinité.
Les Juifs de l’Ancien Testament, enseignés par les Patriarches, par la Révélation passant par la prophétie, ont pris résolument, -en réponse à cette Révélation de Dieu- un engagement radicalement opposé avec les religions de l’époque qui étaient des religions naturelles. La religion juive est une religion révélée pour dire que Dieu n’est pas un Dieu localisé, Dieu est un Dieu pour l’homme.
Et après les Prophètes, le rôle du Baptiste est de faire revenir le peuple juif de cette époque -donc sept siècles après Isaïe !- à cette option, à ce choix fondamental répondant à la Révélation de El, à cette foi en ce Dieu qui s’inscrit dans une relation interpersonnelle avec chacun.
Regardons le très beau texte de Baruch : « Dieu se souvient » ! Pour les personnes mariées, comme pour celles qui sont dans une relation purement amicale, le souvenir c’est ce qui marque la relation entre deux êtres. Je me souviens, je me souviens de notre rencontre… Je me souviens de notre mariage… Je me souviens de ton anniversaire… Je me souviens de ce que nous avons fait ensemble… Dieu se souvient.
Dieu c’est ‘l’Etre-avec’, l’Emmanuel
Dieu est donc Celui qui accompagne l’homme. Dieu est Celui, non seulement qui n’est pas localisable, mais Celui qui est partout où il y a l’homme, partout tourné vers l’homme, partout pour l’homme.
On comprend alors pourquoi le passage de l’Evangile de Luc, historique jusqu’au détail (avec l’empereur Tibère, Ponce Pilate, les Princes, toute cette description géopolitique digne d’un diplomate…), cette description du contexte historique de l’époque, n’aboutit pas au Christ. En effet, l’Evangile c’est la vie du Christ et l’on était en droit de penser que, partant de Tibère nous arrivions à Bethléem, partant de l’empereur nous arrivions au Roi des Rois, partant de Rome nous arrivions à la Maison du Pain !…
Justement, pas du tout ! Nous arrivons au Baptiste ! Car ce que Luc veut nous faire comprendre c’est la teneur profonde, avant le Christ, du message du Baptiste : Dieu est un Dieu pour l’homme donc qui va S’incarner dans une histoire, dans un pays, dans une terre, dans une langue, dans une race, pour être avec l’homme, avec tous les hommes de tous les temps, avec chacun et chacune d’entre nous…
Le message de Jean, son témoignage ? : Dieu c’est ‘l’Etre-avec’. Nous fêterons à Noël l’Emmanuel : « Dieu avec nous. »
Le message de Jean sera repris à la fin de l’Evangile : « Les routes seront redressées, les ravins seront comblés, les montagnes seront rabaissées pour que tout homme voit le Salut de Dieu. » C’est donc vraiment un Dieu qui est et qui agit pour tout homme, comme on chante dans le Credo : c’est « propter nos », « pour nous et pour notre Salut », qu’Il s’est incarné . « Pour que tout homme… » voilà la finalité de l’Être de Dieu qui se traduit dans l’univers, dans Ses créatures et finalement, à travers le Christ, dans l’Eglise : que tout homme soit sauvé !
« Jean est le plus petit du Royaume »
Cette expression « pour que tout homme » devrait nous interpeller parce que cela nous montre que ce n’est pas seulement un message que Jean adresse à ses contemporains, c’est un message que Jean adresse à tous les hommes de tous les temps.
Autrement dit, Jean doit continuer son témoignage sur cet « être de Dieu pour l’homme ». Et c’est à travers nous, c’est par nous que Jean va continuer ce témoignage.
Nous nous souvenons de ce que dit le Christ dans l’Evangile : « Jean est le plus grand de l’Ancien Testament et pourtant il est le plus petit du Royaume. » Pourquoi Jean est-il le plus petit du Royaume, à l’image d’ailleurs du Christ qui s’est fait le dernier de tous ? Parce que c’est le modèle de la similitude. Quand nous regardons des triangles semblables en géométrie, il y a le petit triangle qui est le modèle et qui se prolonge par ce qu’on appelle les triangles semblables. Le premier, le modèle, le triangle de base : c’est le plus petit. Jean est le plus petit parce que c’est lui qui va se prolonger à travers notre être et notre agir chrétien, notre être et notre agir d’apôtre.
« Dieu, l’Être pour notre joie ».
Nous avons la même mission que Jean c’est à dire faire redécouvrir à l’homme qu’il est aimé de Dieu. Je dois faire redécouvrir à mon prochain, pas tant par mes paroles que par mes actes, par ma vie, par mes attitudes, par ma relation à l’autre, faire découvrir à mes frères que Dieu est un Être pour l’homme, pour sa vie, pour son bonheur, pour sa joie.
Voilà quelle mission nous est confiée en ce dimanche. Nous ne devons pas seulement revenir à Jean-Baptiste comme à un souvenir passé. Nous ne devons pas seulement le voir comme le précurseur historique de Jésus.
Nous devons le voir comme étant en nous à l’image de Jésus, présent en nous (par l’Esprit Saint dont nous sommes, tout comme lui, remplis), présent en nous comme le modèle de notre mission de chrétien appelé à porter la Bonne Nouvelle que Dieu n’est pas un Être en soi mais que Dieu est « l’Être pour notre joie. »
Cela demande bien sûr une intimité avec cet ‘Être-pour-moi’. Je ne peux enseigner que ce que j’ai expérimenté, que ce que je connais, c’est-à-dire ce à quoi je renais… Le temps de l’Avent nous est donné pour cela dans le silence et le dépouillement, dans l’esprit de fiançailles et d’attente : revenir en moi-même pour y découvrir un Dieu qui est présent à moi encore plus que je ne le suis moi-même, un Dieu qui est intéressé par ma joie encore plus que je ne peux l’imaginer, un Dieu qui est intéressé par ma vie, un Dieu qui ne veut que mon bonheur.
Il me faut témoigner à mon prochain que : « Il y a infiniment mieux que moi en moi : il y a Dieu ! » comme disait Marthe Robin.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
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