Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

Etre un évangile vivant pour nos frères !

Lectio divina pour le 27e dimanche du temps ordinaire

Les prières et lectures de ce dimanche se situent à l’opposé de celles que nous avons entendues dimanche dernier. Il y a huit jours, l’Évangile nous proposait l’exemple du mauvais riche, représentant l’homme qui, « aveugle », ne fait pas – au sens où, dans l’Evangile, Jésus  fait – le bien. Il ne voit pas Lazare, et il ne fait pas la charité. À l’opposé, nous est donné aujourd’hui, comme objet de contemplation, Dieu qui voit toutes choses.

« Seigneur, vous avez dépassé mon attente ! »

On le dit souvent aux enfants : « Tu sais, Dieu voit ce que tu fais… » Mais est-ce que nous, adultes, nous en sommes conscients ? Pensons-nous que Dieu scrute les reins et les cœurs, non pas à la manière d’un espion indiscret, mais ainsi que l’entend l’Écriture, qu’Il perçoit la forme entière de nos actes et de nos intentions : Il sait fort bien ce qu’il y a de bon en nous, et ce qu’il y a de mauvais. Donc, Dieu voit tout, jusqu’au plus petit, au plus insignifiant de nos actes.

Et, à l’opposé du mauvais riche, Dieu agit. Il fait. Comme Il fait la création, comme Il fait l’Eucharistie, comme Il fait l’Église. Il rend, Il répond à l’acte de l’homme avec une démesure inimaginable, dépassant toute justice, dépassant toute attente comme le prie la Collecte au début de la messe, rejoignant la pensée de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : « Seigneur, vous avez dépassé mon attente ! »

L’Évangile illustre cet échange disproportionné avec l’image du grain de moutarde désignant ce petit acte de foi que l’homme pose envers Dieu, (peut-être est-ce le nôtre ?) et récoltant au centuple la réponse divine dont la puissance est symbolisée par l’image de l’arbre allant se planter dans les eaux.

L’on remarquera que Saint Paul dans son épître ne dit pas autre chose lorsqu’il annonce à Timothée, – et donc à travers Timothée à chacun d’entre nous : « Par l’adhésion que tu as donné à Dieu », tu reçois quelque chose d’extraordinaire : le dépôt de l’Évangile accompagné de l’Esprit qui nous permet de le vivre concrètement !

« Tu es le dépositaire de l’Evangile »

Cela nous laisse peut-être froids : que peut bien nous importer d’être dépositaires de l’Évangile ? Un livre de plus à porter ! Ou à entreposer dans sa bibliothèque…

Mais être dépositaire de l’Evangile et de l’Esprit est bien le plus grand cadeau que Dieu nous fait à chacun ! L’Évangile, c’est LA Bonne Nouvelle du Salut, ce par quoi l’homme, chacun de nous, est sauvé lorsqu’il y adhère. Réfléchissons que Dieu, en réponse à notre acte de foi si minime, si boiteux et qui se reprend sans cesse, qui n’est pas souvent suivi d’effet cohérent, et porte si peu de fruits, en réponse à cet acte de foi, Dieu a fait de chacun et chacune d’entre nous, le dépositaire, le gardien, de ce trésor inestimable. Il nous a confié ce par quoi chaque homme peut être sauvé si nous savons devenir cet évangile vivant pour ce frère… « Celui qui croira sera sauvé. »

En un mot, Dieu nous a fait co-auteurs de la Rédemption et nous fait participer pleinement à l’Œuvre du Salut en suscitant la foi chez notre frère. Quelle est l’œuvre de Dieu ? demandaient les Juifs à Jésus au chapitre 6 de Jean : « L’œuvre de Dieu est que vous croyiez. » En aidant mon frère à croire à cet Evangile dont je suis le dépositaire vivant, grâce à Son Esprit, je deviens instrument de cette Œuvre de Salut inaugurée par Jésus.

 

Marie est la première co-rédemptrice parce qu’elle donne le Christ. De même le chrétien est, à l’image de Marie, co-rédempteur parce qu’il donne l’Évangile. Il est gardien de l’Évangile. Ce n’est pas seulement le prêtre. L’Évangile n’est pas le trésor des sacristies, des musées ou des gens consacrés. C’est à tous les baptisés qu’est confié cet écrin de l’Esprit. Quel exemple de la munificence de Dieu !

L’Evangile doit être usé par notre rédemption…

Alors, quelle conséquence pour notre vie ? Bien entendu, le dépôt de cette Bonne Nouvelle du salut n’est pas à garder scellé au fond de notre cœur comme le talent de l’intendant craintif qui enterre le talent de son maître.

L’Evangile est un instrument de salut, il doit donc être usé par notre rédemption. D’ailleurs, nos bibles ne devraient-elles pas être usées à force d’être tournées, d’être feuilletées, d’être lues et relues, ruminées, remâchées et méditées ?

L’Évangile n’est pas un livre comme les autres, l’Évangile est un instrument : Il doit servir. Il s’agit pour nous d’abord de le prendre-avec nous, comme Dieu a pris l’homme avec Lui par l’Incarnation de Son Fils… Prendre-avec-nous, c’est à dire le comprendre, cum-prendere, le prendre avec notre intelligence. Non l’esprit fou et autonome, mais bien l’intelligence descendue dans le cœur et pour être ainsi illuminée par l’Esprit Saint reçu au baptême et qui nous rend fils.

« Celui qui est fils de Dieu a l’Esprit du Christ. »

Paul dira : « Celui qui est fils de Dieu a l’Esprit du Christ. » L’Esprit du Christ, c’est à dire tout ce qui a été dit dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau Testament sous la motion de l’Esprit-Saint. Il faut donc posséder, nous, pauvres hommes créés, cet Esprit de Dieu, pour pouvoir comprendre comme le rappelle Paul, ce que Dieu nous dit : « Nul ne sait ce qu’il y a en Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu. » Il faut l’accueillir en nous, encore une fois comme le fit Marie. Tel est le sens du don de l’Esprit à l’Église : « Recevez l’Esprit-Saint » pour que ces mystères de Dieu nous soient compréhensibles, pour que nous puissions les comprendre, c’est-à-dire les prendre-avec-nous, les faire nôtres, les incarner, les vivre…

Car il ne s’agit pas seulement de comprendre « Aimez-vous les uns les autres ». Il s’agit de l’actualiser en nous, de le réaliser, de le vivre, de faire de ce commandement nouveau notre devise profonde quotidienne : « Lorsque l’on te demande de faire dix pas, fais-en vingt. Lorsque l’on te demande ta tunique, donne ton manteau … Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse … Ne juge pas, et tu ne seras pas jugé … Donne avec abondance, une mesure bien tassée, débordante. »

Redisons-le : l’Esprit m’est donné pour que je puisse dire oui au mystère de la Sainte Trinité, pour que je puisse dire oui au mystère de la paternité de Dieu, pour que je puisse dire oui au mystère de l’Eucharistie, au mystère de l’Église, au mystère de la Rédemption du monde par le Sacrifice de la croix, folie, scandale pour les Grecs ou pour les Juifs, mais sagesse pour Dieu et ses enfants. Mais cet Esprit-Saint me sert aussi, et c’est l’acte le plus essentiel, à vivre cet évangile dans son intégralité.

« Venez à moi, vous tous qui peinez et je vous soulagerai… »

Le meilleur moyen qui m’est donné pour transmettre la Bonne Nouvelle aux autres et pour leur faire partager la joie d’être sauvé, c’est bien en effet de vivre l’Evangile et pas seulement de le connaître !

Nous le comprenons bien : pour transmettre l’Évangile aux hommes, pour attirer les hommes à accueillir la Rédemption, il faut qu’ils nous voient le vivre, et qu’ils nous voient heureux de le vivre !

Trop souvent, nous insistons sur le caractère peineux de la vie chrétienne. Mais cela frise l’erreur et le péché. Si Dieu nous donne un évangile pour accroître notre peine, il est complètement illogique ! Comment pourrions-nous persuader ceux qui nous entourent et qui ne sont pas ou peu croyants de l’utilité profonde de l’évangile si nous commençons par leur dire : c’est difficile ! Parce qu’il faut aller à la messe, parce qu’il faut se confesser, parce qu’il ne faut pas faire de péchés…

L’Evangile doit être considéré et vécu par nous les chrétiens comme une nourriture quotidienne qui nous remplit de force, de lumière, de joie, d’amour et de vie ! Voilà comment nous devons arriver à comprendre l’Évangile et à le vivre. « Venez à moi, vous tous qui peinez » devons-nous dire à nos frères, après Jésus. Venez à moi et je vous soulagerai… Mais si nous disons le contraire, si nous montrons que notre éthique est desséchante et liberticide alors là, oui, on comprend que certains hésitent à croire et désertent nos églises…

Demandons à l’Esprit de Dieu de nous faire comprendre en quoi l’Evangile pour nous est libérateur et porteur de joie ! « Heureux les pauvres en esprit, heureux les persécutés, heureux ceux qui ont soif et faim de justice, heureux les cœurs purs car ils verront Dieu ! »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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