Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.
Lectio divina pour l’Épiphanie
APPRENDRE A RENCONTRER CELUI QUI VEUT M’OFFRIR SA COMMUNION
Heureusement que l’Eglise a inventé dans sa liturgie cette fête de l’Épiphanie car sans elle le mystère de Noël resterait incomplet ou du moins incompréhensible. Saint Paul nous dit que Dieu révèle à travers Ses apôtres, comme à travers lui-même Son mystère. Mais quel est donc ce mystère de Dieu ? C’est que tous les hommes, (ceux qu’il appelle les païens) sont appelés à la connaissance de Dieu, à la Vie éternelle.
Du petit reste d’Israël…
Oui, la grande nouvelle dont Paul nous fait part, c’est cette universalité du Salut : la catholicité de la Rédemption. Et si nous nous tournons vers le mystère de Noël, nous nous apercevons qu’effectivement le Salut commence, puisque Dieu vient à la rencontre de l’homme, Dieu se fait visible, Dieu se fait proche. Il vient chez l’homme pour être totalement lui et pour que l’homme soit totalement en Lui.
Mais, cette visibilité semble réservée à la fine fleur de ce peuple, à la nuque raide qu’est le peuple juif. En effet ; mais à qui Dieu se montre-t-Il ? A ceux que l’on pourrait appeler la fine pointe, l’apex du peuple juif : Marie, Joseph et les pauvres, les anawims, ce « petit reste d’Israël » concrétisé par quelques bergers. Quelle révélation du sens profond de l’Alliance éternelle que Dieu a passée avec ce peuple qu’Il s’est choisi : Marie, Joseph et les anawims sont les premiers à connaître la visibilité de Dieu !
… A l’universalité du Salut
Mais alors, le mystère reste incomplet ! Qu’en est-il de tous les autres hommes ? D’ailleurs, comment Dieu, qui a du mal à contenir Son Amour dans la Trinité, pourrait-Il le contenir dans une étable ?
Aussi, le premier acte du Salut, le fruit immédiat de la descente de Dieu sur la terre, c’est la manifestation au monde entier. Or manifestation est le sens du mot ‘épiphanie’. Dieu dévoile à toutes les nations qui sont représentées ici par les Mages, exprimant la gentilité, le monde connu, Dieu manifeste au monde entier sa visibilité.
Nos frères orientaux ont bien compris comme ce message de l’Epiphanie fait partie intégrante du mystère de Salut célébré à Noël. C’est pour cela que sans l’Epiphanie, Noël reste incomplet. A tel point que Matthieu, Juif s’adressant aux Juifs, risque le tout pour le tout et lui seul, malgré les conséquences que cela va avoir dans sa proclamation évangélique, va préciser dans son évangile cet épisode des mages. Ce n’est pas le grec Luc, c’est bien le Juif Matthieu qui a saisi la plénitude de ce mystère et qui, à ses risques et périls, va annoncer à ses coreligionnaires que le Salut ne peut être tel que s’il est compris dans son universalité. Dieu dévoile donc au monde entier sa visibilité.
C’est logiquement que Dieu dévoile Son être de Père à travers le Fils.
Nous pourrions réfléchir aussi sur un autre point : l’union entre le Père et le Fils. Dieu se dévoile en tant que Père et Père des hommes, non pas en Lui-même, mais par Son Fils. « Qui m’a vu a vu le Père. » Nous avons déjà là toute la quintessence de l’Evangile de Jean, des discours après la Cène, du testament spirituel de Jésus. « Qui m’a vu a vu le Père. » Voilà le mystère que nous célébrons à l’Epiphanie : le dévoilement universel, par le Fils présent et visible, de la paternité divine sur tous les hommes. Ce sera le fil rouge du Prologue de Jean entendu dans la Liturgie de Noël.
De la grâce à la foi…
Cette visibilité de Dieu reste mystérieuse. Elle reste dans un certain sens cachée ; elle est sacramentelle : on a dit que le Christ est le premier sacrement du Père. Ce n’est pas la raison humaine, ce n’est pas la logique qui poussera les Mages devant l’enfant à reconnaître Dieu. Cette connaissance du Père et de Celui qu’Il a envoyé, Jésus-Christ, cette visibilité de Dieu qui donne la Vie (« La Vie éternelle, c’est qu’ils Te connaissent. »), cette connaissance de Dieu reste un don de Dieu parce qu’elle reste sur notre terre, ici-bas, mystérieuse : « Nul ne va au Fils si le Père ne l’attire. » rapportera Jean.
C’était déjà le message de son Prologue : « Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom… » En effet, à ce don de Dieu, à cette grâce, à cette attirance que Dieu dépose dans mon âme, va répondre la foi, l’adhésion.
C’est bien cette double action, d’abord celle de Dieu en l’homme qui dépose la grâce de l’attirance, puis la réponse de l’homme dont la foi accepte cette grâce, qui est décrite par l’épisode des Mages. L’étoile n’est que le signe visible de cette grâce intérieure, de cette Lumière qui attire ces rois, astronomes ou savants, peu importe, mais qui ne font pas partie du peuple élu. La route si longue entreprise par ces mages n’est que le signe visible de la réponse toute simple, sans questions, je dirais spontanée, que ces trois hommes ont faite à la grâce de Dieu. Double action, grâce et réponse par la foi.
« Ils se prosternèrent et l’adorèrent… »
Quel est premier le fruit de ces deux démarches discrètes, de Dieu vers l’homme et des Mages dans l’adhésion à cette lumière intérieure ? Quelque chose d’absolument merveilleux : la rencontre. La rencontre à l’étable, dans le silence de la crèche. Une rencontre de regards. Comme le Père s’émerveilla de la grâce de Marie, l’Enfant Jésus, dut s’émerveiller de cette présence de trois grands de la terre. Il y eut sûrement un échange de regards entre ces puissants, humblement à genoux devant l’Enfant-Dieu, et ce Dieu-enfant qui s’émerveille silencieusement du premier fruit de Sa présence.
Le texte originel de Matthieu, tronqué par le lectionnaire dominical, précise qu’ « ils se prosternèrent… et adoraverunt eum. » Ils L’adorèrent, c’est-à-dire ils tournèrent vers Lui leurs bouches, ad os, ad orare… La bouche exprime la parole, la pensée, l’esprit. Le premier fruit de la grâce de Dieu à laquelle ces hommes ont répondu dans la foi, c’est la conversion de l’esprit, sans paroles. Ce ne sont que des paroles silencieuses qui entourent Jésus et les Mages. Ce sont deux extases réciproques : les Mages tournés vers l’enfant-Dieu, le Dieu-enfant tourné vers ces trois hommes qu’Il ne connaît pas humainement, mais dont Il saisit le sens profond de la présence.
« Et ils s’en retournèrent par un autre chemin »
Le deuxième fruit de cette démarche de Dieu qui envoie Sa lumière, de cette réponse de l’homme qui adhère dans la foi, le deuxième fruit après cette rencontre statique, silencieuse, c’est la dynamisation de cette rencontre.
On ne peut pas connaître Jésus sans L’aimer. Et si l’on aime Jésus, toute notre vie devient centrée sur Lui, peu à peu, bien sûr. C’est la conversion du cœur après la conversion de l’esprit. Après le fruit de la foi qui est la vision de Dieu, c’est notre cœur qui se retourne vers son objet, vers son amour, ce cœur qui est le moteur de la vie, ce cœur qui est le moteur de la tendance vers l’accomplissement de la personne, ce cœur qui nous oriente vers ce que nous voyons être notre bonheur. Après avoir converti leur esprit, c’est-à-dire l’avoir tourné vers l’enfant Dieu, les Mages convertissent cet élément si essentiel à leur vie, ce muscle qui palpite et dont les hommes ont fait le symbole du mouvement, de la volonté, de l’amour : « Et ils s’en retournèrent par un autre chemin. »
« Ce n’est plus moi qui vis c’est Jésus qui vit en moi »
Voilà la conversion de la vie. Cela ne veut pas dire qu’il faille changer de condition, nous dit Paul. Cela veut dire que là où Dieu me trouve, là où Dieu m’a pris, je dois mettre la lumière de Dieu, cette lumière contemplée par les Mages, cette lumière qui a converti mon esprit, cette lumière que je découvre dans ma vie de prêtre, de laïc, d’homme, de femme, de jeune ou d’ancien, de riche comme de pauvre.
Ma vie n’est plus ma vie. Ma vie est éclairée par une autre Lumière, ma vie est éclairée par cette présence de l’Enfant-Dieu. Ma vie ne m’appartient plus, ce n’est plus ma vie que j’aime, c’est Jésus dans ma vie. Ce n’est plus vers moi que je regarde, tout en marchant dans la vie, c’est vers Celui qui se fait le compagnon de ma route, en même temps que la route elle-même, en même temps que son terme. « Ils s’en retournèrent par un autre chemin ».
Nous devons demander dans l’Eucharistie de l’Epiphanie -Rencontre qui reproduit avec autant de force la Rencontre effectuée entre les Mages et Jésus- nous devons mendier trois grâces.
D’abord, la grâce de la foi qui nous fait répondre à la lumière de Dieu, à Son attirance. Ensuite la grâce de la conversion de l’esprit pour qu’il se tourne définitivement vers ce « Soleil de Justice », vers cette Vérité qui se donne. Enfin, que par cette connaissance du Dieu-Père à travers le Dieu-Fils, notre vie soit illuminée, que nous Lui donnions le véritable et bon sens que Dieu a voulu lui donner, que toute notre vie soit convertie, soit retournée vers Celui d’où nous venons et vers Lequel nous sommes appelés à aller pour nous établir en Sa communion définitive.