Il faut se savoir pécheur et faible !
C’est par l’Eucharistie que nos genoux et nos cœurs c’est-à-dire notre vie chrétienne est fortifiée. Donc c’est parce qu’on est faible, c’est parce qu’on est pécheur que l’on doit s’approcher de la communion.
C’est parce que l’on se sait faible et que l’on connaît son besoin de pain, c’est parce que l’on se sait pécheur et que l’on connaît son besoin de rachat que l’on doit s’approcher de l’Eucharistie.
Cela n’a bien sûr rien à voir avec l’indifférence de celui qui ne se sait pas pécheur et qui vient communier sans savoir s’il a faim, dans quel état il se trouve.
Il faut se savoir pécheur et faible ! Mieux : plus on se sait pécheur et faible plus c’est beau pour Dieu que nous Lui fassions confiance et que nous nous approchions de Son corps pour être guéri à l’image de la femme hémorroïsse qui essaye de toucher une frange de Son manteau.
Quelle est la place de la confession ?
Alors, direz-vous, quelle est la place du sacrement de la Réconciliation ?
N’est-elle pas inutile puisque nous venons de dire qu’il faut être pécheur, faible, malade pour se nourrir à la table eucharistique ? Mais c’est parce que nous avons une mauvaise idée du sacrement de la Réconciliation !
La confession n’est pas faite pour nous rendre digne ! D’ailleurs, nous ne serons jamais dignes du don de Dieu parce que le don de Dieu c’est Dieu dans Sa perfection infinie et que le vase fragile, appelé à recevoir ce don de Dieu, c’est mon âme qui est limitée…
La confession n’est pas faite pour me rendre digne d’aller communier, mais bien au contraire elle est là pour me montrer mon indignité c’est-à-dire mon besoin de Sa Nourriture. La confession n’est pas là pour me rassasier : je suis psychologiquement à l’aise, je suis en état de grâce, je viens de me confesser, donc je peux communier !
La confession ne me rassasie pas ; au contraire elle stimule ma faim de Dieu en me dévoilant toujours plus mon état d’enfant prodigue par rapport au Père qui attend. Elle est là pour creuser en moi le sillon de la pauvreté, de la dépendance ! Chaque fois que je reçois l’absolution s’approfondit le regard intérieur que j’ai sur ma misère, ce sillon dans cette terre arrosée par le Sang du Christ.
La logique et l’amour ça fait deux, surtout chez Dieu !
C’est cette démarche de la confession qui va donc stimuler ma faim. En effet, ce n’est pas que plus je me confesse plus je deviens juste, c’est le contraire : plus je me confesse plus je sens ma misère, plus je sens que je suis loin de Dieu et plus je sens que Dieu m’aime, plus je sens que Dieu m’attend dans cet éloignement même.
C’est ce qui explique que les saints se confessaient de plus en plus fréquemment alors que dans notre conception de la confession ça devrait être le contraire : puisque je suis saint je n’ai plus besoin de me confesser !
Voyons ! C’est contre la réalité profonde de la confession et de l’Eucharistie que de dire et de penser qu’il faut se confesser pour communier.
Il n’y a pas de « pour » dans la vie chrétienne, il n’y a pas de logique, il n’y a que de l’Amour. Or la logique et l’amour ça fait deux, surtout chez Dieu !
Mais attention, c’est en me confessant c’est-à-dire en pratiquant le mystère de la confiance de l’homme vers Dieu que l’Eucharistie, qui est le mystère de la confiance de Dieu qui se donne à l’homme, prend, dans mon âme, tout son sens !
La confession est là pour nous faire pauvre.
Souvenez-vous de ce que nous dit la lecture de l’Exode : « Je t’ai fait cheminer pour que tu aies conscience de ta pauvreté, de ta faim… » Afin que lorsque la manne arrive tu la désires vraiment et tu la reçoives comme un don de Dieu, comme l’Amour de Dieu et non pas avec la mentalité de rassasiés que nous avons, avec la certitude d’être de bons chrétiens parce que nous pratiquons le dimanche, parce que nous sommes prêtres, parce que nous sommes engagés dans tel ou tel service paroissial…
La confession est là pour nous faire pauvre. La confession est cette démarche d’exil, cet exode, avec cette double certitude de notre misère et de l’accompagnement de Dieu. C’est une démarche de Carême…
Donc c’est en se confessant, en pratiquant ce mystère de la confiance de l’homme en Dieu que le mystère de la confiance de Dieu en l’homme (parce qu’il se donne à l’homme) prend tout son sens et que notre communion à ce moment-là n’est pas, comme le dit saint Paul, un motif de condamnation, mais au contraire porte du fruit à cent pour un, porte la Vie éternelle comme le dit Jésus dans l’Évangile : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. »
« Éloigne-toi Seigneur, je suis un pécheur ! »
Alors demandons dans cette Fête-Dieu, dans cette fête de l’Eucharistie, de nous réajuster par rapport à la théologie de l’Eucharistie et à la théologie du sacrement de la Réconciliation. Nous demandons de comprendre qu’il n’y a aucune formalité qui lie l’un à l’autre : je me confesse une fois par an donc je peux communier, c’est absurde !
Mais, plus je m’approche du sacrement de la Réconciliation, plus je suis, non pas digne, mais conscient de mon état d’enfant prodigue, de femme pécheresse, de Matthieu, de Saint Pierre : « Éloigne-toi Seigneur, je suis un pécheur ! » Plus je me confesse et plus je prends conscience de cette dépendance du fils par rapport au Père, de cette faim de mon âme et de toutes mes facultés, de ce besoin de la vraie nourriture… Et à ce moment-là, oui, je peux m’approcher, j’ai pour ainsi dire le droit à cette nourriture, cette Eucharistie qui m’est donnée. Non pas parce que je suis pur, mais au contraire parce que je sais que je ne le suis pas !