« POUR VOUS QUI SUIS-JE ? »

De la théophanie à l’Epiphanie par l’humilité de Dieu

On remarquera la discrétion de l’Église qui ne parle pas de théo-phanie, de manifestation divine, mais de simple épi-phanie, de manifestation sur… le monde. Si nous prenons une analogie dans le monde du visible, nous nous tournons automatiquement vers la lumière qui est la plus simple, la plus belle et la plus totale manifestation sur le monde créé.

En cela l’Église suit la leçon de discrétion et d’humilité de Jésus qui naît non dans un palais mais dans une crèche, non dans la capitale, Jérusalem, mais dans ce bled perdu de Bethléem.

De l’Epiphanie à la théophanie par la foi de l’homme…

Discrétion d’une Église qui, dès ces premiers instants de la vie de Jésus, sollicite notre foi personnelle. C’est notre foi qui nous fera passer de l’épi-phanie à la théo-phanie. Pour cela, on se base, nous les chrétiens, sur la foi de l’Église. Et celle-ci a retenu deux évènements bien particuliers, pour ne pas dire opposés afin de fonder son témoignage.

Le premier événement est l’apparition aux bergers qui appartiennent au peuple élu mais n’ont pas vraiment d’existence juridique dans la société de l’époque. Le berger est encore plus bas que l’esclave.

Le deuxième événement, c’est la manifestation aux Mages. Ceux-ci, au contraire, font partie de l’élite du temps : puissants, grands, sages, riches… Mais ils n’appartiennent pas au peuple élu.

Etre un rien bienveillant pour être un vide vivifiant

Nous en tirons l’enseignement suivant : Dieu se montre d’abord à ceux qui, dans Son peuple (actuellement, c’est l’Église), sont prêts à L’accueillir : les humbles, les petits, les rien du tout…

Ensuite Dieu se laisse trouver par tout homme qui Le cherche avec droiture et persévérance, comme l’exprime ce récit des Mages venus de très loin pour voir… Un certain lien entre les deux évènements ne peut manquer d’être fait : nous devons accueillir le Seigneur (comme les bergers), si nous voulons que les hommes (même loin de la foi) finissent par Le trouver !

Ceci dit, on ne peut rien s’attribuer de la foi des autres !

Regardons les Mages. D’après le récit de l’évangile, ce qui les a mis en mouvement et entreprendre ce long voyage c’est une étoile merveilleuse. C’est donc une réalité cosmique bien peu en rapport avec l’ordre spirituel…

Oui, nous devons, comme les bergers, accueillir le Sauveur dans l’humilité de la foi, et pour autant nous n’avons aucun droit de propriété sur la foi des autres, même si, pour une part, nous en sommes responsables. C’est dire que la responsabilité missionnaire du chrétien se vit dans la gratuité, le silence, l’invisible.

« Venez et voyez… »

Cette non emprise est normale quand nous constatons que nous sommes, nous aussi des mages en chemin. Nous aussi nous continuons de marcher sur notre route de la foi vers la vision. Nous ne sommes pas arrivés, loin de là ! Notre Avent, chaque année, notre marche vers le Christ venant, n’est-il pas le signe de cette permanence du pèlerinage ?

D’ailleurs quand Paul aux Ephésiens parle des païens, c’est bien à nous que cela s’adresse. Une part de notre cœur reste encore sous l’emprise du péché, du mal, du vieil homme adamique, de l’idolâtrie… Dire cela n’est pas pour nous décourager ; au contraire, c’est pour nous souvenir que nous sommes appelés à la vision ! « Venez et voyez » disait Jésus à Ses premiers disciples qui venaient vers Lui.

« Je suis la Lumière du monde… »

Aussi pouvons-nous faire un test. Fermons les yeux et essayons de voir, dans l’intérieur de notre cœur quel visage de Jésus nous avons contemplé à Noël. Qu’avons-nous vu de Lui ? « Pour nous qui est-Il ? » pour reprendre l’interrogation que le Maître fit à Ses apôtres.

Qu’est-ce que notre foi voit en Jésus, en cet Enfant couché dans une crèche ? Nous y voyons Dieu, sûrement… Mais le voyons-nous comme « Lumière de notre vie » ? Le percevons-nous comme le prophète Isaïe nous y invite : comme Lumière éternelle, Lumière de Salut ? Car c’est bien à cela que la foi nous appelle.

Jean rapportera cette parole de Jésus : « Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. » Ce qui est normal, puisque Jésus est Lumière du monde. C’est d’ailleurs le thème central du Prologue de Jean. Jésus n’est pas seulement Fils de Dieu ; Il est Celui qui vient éclairer notre vie, lui donner son sens et sa fin. Il est Celui qui nous aide, comme Il le fera avec les compagnons d’Emmaüs, à relire notre vie à la lumière de la Parole, de cette Parole qu’Il est pour nous, pour nous éclairer sur notre route vers le Père.

« Ils s’en retournèrent par un autre chemin. »

Comment savoir si c’est bien comme Lumière de notre Vie que nous accueillons Jésus ? Regardons les Mages : « Ils s’en retournèrent par un autre chemin. »

Et nous, depuis la rencontre avec l’Enfant Dieu, avons-nous déjà pris la résolution de changer quelque chose à notre vie ? Avons-nous pointé ce qui, dans notre vie, doit être amélioré pour que Jésus puisse se sentir bien avec nous, à nos côtés ?

Un deuxième critère qui peut nous signifier que nous avons vraiment rencontré Dieu comme la Lumière de notre vie, c’est la Joie. La Joie fut le sentiment retenu par saint Luc pour nous exprimer le sentiment profond des Mages : « Gavisi sunt ! »

A l’image des apôtres rencontrant Jésus ressuscité qui vient à eux en traversant les murs de la peur et du doute. La Joie est le signe de la confiance. Et c’est quand on a rencontré vraiment la Lumière du monde, que l’on peut retourner dans la vie quotidienne sans crainte ni tristesse, mais au contraire le cœur plein de la Joie de se savoir à jamais accompagné par un Dieu d’Amour qui est venu habiter en notre cœur !

Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart
Retrouvez la lectio divina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweet : @mgrjmlegall