Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
Vivre dans la Vérité de l’Amour…
Lectio divina pour le dimanche 12 février 2017
Cela fait trois dimanches que l’Église donne à notre méditation le Discours sur la montagne qui inaugure le mystère de Jésus, et qui est, comme Jésus le présente Lui-même, la charte du royaume nouveau, la loi fondamentale qui constitue ce royaume de Dieu commencé : « Heureux les pauvres d’esprit, le Royaume des Cieux est à eux… heureux les cœurs purs, ils verront Dieu… heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. » En ce 6ème Dimanche Ordinaire, Jésus va comparer cette justice nouvelle à l’ancienne.
La loi ancienne, dont Jésus parle, et que le prophète nous rappelle dans la première lecture, c’est la Loi de la Vie, ce sont les Paroles de Vie que Dieu nous donne pour nous aider à entrer dans Sa Vie. Cette Loi ancienne, ces Paroles de Vie que l’on appelle aussi les Commandements, mot fort souvent mal compris, c’est la Loi du Décalogue. Jésus précise que ce Décalogue est immuable. Il n’est pas venu changer la Loi : et quiconque se permettra d’en changer un iota, celui- là sera appelé le plus petit dans le Royaume de Dieu, dans ce nouveau Royaume que Jésus est venu annoncer et construire.
Shema Israël !…
Qu’est-ce que c’est que le Décalogue ?
Le Décalogue, ces dix commandements sont l’explicitation, le mode d’emploi de deux principes fondamentaux que Dieu donne à Son peuple. Le premier principe (qui se trouve dans le Deutéronome) est l’amour de Dieu : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toutes les forces, de toute ton âme, de tout ton esprit ». C’est le fameux shema (« Ecoute… »), la prière d’Israël que tout bon juif récite le matin et le soir. Le second (qui appartient au Lévitique) est l’amour du prochain : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Et donc les trois premiers commandements sont la manière d’aimer Dieu que Yahvé Lui-même nous révèle pour nous aider. Comment aimer Dieu ? En honorant le jour du Seigneur, en ne blasphémant pas le nom de Dieu, en n’aimant que Lui seul.
Les sept autres sont la précision que Yahvé nous donne pour nous indiquer comment nous devons aimer notre prochain. En quoi cela consiste d’aimer notre prochain ? D’abord aimer ses parents, ensuite, respecter l’autre dans sa dignité, dans ses biens matériels ou personnels (sa femme et ses troupeaux…), respecter l’autre dans son droit à la vérité (le témoignage), etc…
Nous nous souvenons que lorsqu’un scribe interroge Jésus pour lui demander quel est le plus grand des commandements, Jésus répondra par ces deux principes qui n’appartiennent pourtant pas aux commandements ! Jésus répondra : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme, tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Il répondra par ces deux principes, car ils sont la raison constitutive des commandements.
« Je suis venu accomplir, achever la Loi… »
Si cette Loi ancienne a pour raison d’être l’amour de Dieu et du prochain, c’est-à-dire la charité, cela devient évident que la Loi des Béatitudes, Loi du Royaume de Jésus qui est royaume d’Amour (« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés… ») ne peut venir abroger l’ancienne ! Ces deux Lois ne sont ni en contradiction ni en opposition mais elles s’achèvent l’une et l’autre. Jésus dira : « Je suis venu accomplir, achever la Loi… »
Car elles sont toutes les deux des expressions pratiques de la charité, que ce soit le respect du jour du Seigneur dans l’Ancien Testament, que ce soit la pauvreté d’esprit dans le Nouveau…
Ce que le Christ oppose donc, ce n’est pas la Loi ancienne qui aurait été donnée par un Dieu impérial (Dieu qui nous imposerait une morale venue de l’extérieur, comme si nous étions de simples animaux), à une Loi libérale donnée par ce même Dieu, (Dieu qui aurait réfléchi et se serait dit : L’homme est créé libre, comment ai-je pu lui donner ces dix commandements ?! Changeons tout et donnons une Loi d’amour…)
Non, Il y a une homogénéité parfaite entre la Loi ancienne et la Loi nouvelle.
Ce que Jésus met en opposition ce ne sont pas les deux Lois mais les comportements des hommes, face aux deux Lois. Et Il dit : « Si votre justice, -Il ne dit pas : si Ma justice- ne dépasse pas celle des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu. »
Autrement dit, Il met en opposition la compréhension de la Loi qu’en ont eu les pharisiens, et le comportement juste qu’Il enseigne aux apôtres, aux disciples, à l’Église, à nous-mêmes : « Si votre justice ne dépasse pas celle des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu. »
« Il les aima jusqu’à la fin. »
Ce que le Christ combat encore, à travers la pédagogie de cette Liturgie, c’est le regard que nous portons trop souvent sur la Loi, comme Il a combattu le regard des pharisiens.
Nous savons bien ce que c’est qu’être pharisien, injure que nous nous envoyons mentalement souvent à la figure. Etre pharisien, c’est être formaliste, hypocrite… C’est-à-dire proclamer quelque chose que nous ne vivons pas… Dit autrement, c’est mesurer le commandement. Mais la charité, qui est la substance du commandement, qui en est la raison d’être, la charité n’est pas mesurable ! Pourrions-nous dire à notre conjoint ou à notre enfant : « Je t’aime mais jusqu’à tel point, après c’est terminé… » Cela est absurde ! Avec la mesure, l’amour disparaît ipso facto ! La mesure de l’amour est d’être sans mesure, disait Saint Thomas d’Aquin, et c’est cela sa particularité.
Lorsque deux êtres se rencontrent dans une amitié ou dans un amour sponsal, ils se jurent amour infiniment, et indéfiniment, c’est à dire pour toujours. C’était d’ailleurs, pour le philosophe Gabriel Marcel, la meilleure preuve de l’éternité de l’âme ! Même si la promesse n’est pas toujours tenue par la suite, au départ, c’est la caractéristique de ce mouvement vers l’autre qu’est l’amour. Or le pharisien, justement, limite le commandement. Il limitera l’amour du prochain, puisqu’il pourra donner libre cours à sa haine, du moment qu’il n’attente pas à sa vie !
« L’amour a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint… »
Alors posons-nous la question : est-ce que notre justice de baptisés dépasse celle des pharisiens, ou en sommes-nous encore au même stade que les pharisiens ?
Est-ce que nous nous rendons compte par exemple que nous allons contre la charité du prochain dès que nous disons du mal. C’est un meurtre lorsque nous calomnions… Lorsque nous médisons, lorsque nous envions, nous sommes encore dans le meurtre ! Eh oui, nous pouvons même tuer notre prochain dans sa dignité spirituelle d’enfant de Dieu, rien qu’en pensant du mal de lui !
Soyons honnêtes et regardons quelles sont les limites que nous mettons à la charité en comparant notre amour, si vite limité, à l’Amour jusqu’au bout de Jésus pour le Père et pour les hommes ! Est-ce que j’aime mon Père et mon prochain, en me servant de l’Amour même de Dieu pour pouvoir aimer infiniment et indéfiniment, comme Lui, me souvenant que l’Amour a été répandu dans mon cœur par l’Esprit Saint qui m’a été donné, comme l’écrit Paul ?
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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