Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« Tiens-toi hors de toi pour exister en vérité ! » Benoît XVI
Lectio divina pour le dimanche 5 février 2017
Dimanche dernier, Matthieu nous donnait la charte du Royaume des Cieux. Tout d’abord, en nous définissant de manière encore plus intime que par le Décalogue, la nature de Dieu qu’il nous présente comme le Magnifique : Celui qui est dans la Gloire parfaite et la Joie sans fin à cause de Sa Pauvreté, de Son Humilité… Et puis, par conséquence, en définissant ce que doit être l’homme qui veut appartenir au Royaume de ce Dieu : pauvre, dépouillé, humble : Heureux êtes-vous les pauvres en esprit parce que le Royaume des Cieux, c’est-à-dire Dieu lui-même, vous appartient !
Aujourd’hui, l’Eglise nous propose de méditer sur le moyen que Dieu nous donne pour entrer dans ce Royaume des Cieux. Comment l’homme en effet peut-il prétendre atteindre cette perfection divine de pauvreté ou d’humilité sans y être aidé par Dieu ?
« Comme le Père vous a aimés, moi aussi je vous ai aimés… »
Le Christ a une réponse très claire : « Celui qui croit en moi, celui qui est en moi, fera les œuvres que je fais. » Et l’Œuvre du Christ par excellence, ce qui surgit de Sa personne c’est l’Amour, le Don : « Je suis venu non pas pour être servi, mais pour servir et pour donner ma vie en rançon pour la multitude. » Celui donc qui reste uni à Jésus par la foi fera l’Œuvre du Christ, c’est à dire arrivera à se dépouiller totalement par amour de l’autre !
Le Christ dit dans un autre passage de Jean : « Qui me voit, voit le Père. » Et encore : « Je fais les œuvres de mon Père… » Donc le fidèle qui s’unit à Jésus par la foi non seulement fera l’Œuvre du Christ, mais fera l’Œuvre du Père. Il aura ce même cœur que le Cœur de Dieu défini par Matthieu : un Cœur absolument ouvert à Son Fils et aux hommes.
C’est donc par le Christ, unique Médiateur entre Dieu et les hommes que le fidèle peut adhérer à l’Œuvre du Royaume des Cieux qui est œuvre d’amour et de don jusqu’au dépouillement définitif de soi…
« Sans moi vous ne pouvez rien faire ! »
C’est pourquoi Paul insiste, dans la deuxième lecture du 5ème Dimanche, sur cette prédication centrée sur le Christ et le Christ crucifié : « Je ne veux savoir qu’une chose, Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié. » Je ne veux avoir d’yeux que pour ce Cœur, et ce Cœur transpercé sur le gibet de la croix, qui résume, qui totalise, qui explique la grandeur de l’Amour de Dieu pour l’homme. Comme nous sommes loin quelquefois, dans notre mentalité intellectuelle, d’avoir ce centrage de l’esprit sur Jésus ! Combien de lectures inutiles, combien de sciences vaines essayons-nous d’acquérir alors que Paul insiste, et les Pères du désert le feront après lui, sur la nécessité de recentrer notre esprit à chaque instant sur la Personne du Christ et Son Esprit qui, en nous, désirent orienter notre vie vers le don et l’amour pléniers !
Parce que sans Lui nous ne pouvons rien faire ! Sans Jésus nous sommes incapables de poser un acte du Royaume, un acte d’Amour parfait ! Nous pouvons agir bien entendu en tant qu’hommes, nous sommes libres. Mais c’est seulement dans notre enracinement par la foi en Jésus, et fondés sur l’Amour que nous pouvons poser un acte nous faisant appartenir au Royaume de Dieu Humble et Pauvre, parce que nous faisons alors l’Œuvre de Jésus, c’est-à-dire l’Œuvre du Père. « Je ne veux savoir rien d’autre que Jésus, et Jésus-Christ crucifié… » Sans Lui, je ne peux rien, mais avec Lui, je peux tout : « Je peux tout en celui qui me fortifie » par la présence de Son Esprit que je laisserai agir en mon cœur.
« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi… »
Cet enracinement en Jésus, cet enracinement de Jésus en nous n’est pas l’œuvre de nos mérites : il est le seul fruit de la grâce que nous accueillons ! C’est un don de Dieu qu’il nous suffit d’accepter !
Et ce don, pour pouvoir l’accepter, il nous faut d’abord le désirer et le demander. C’est la collecte de la messe par laquelle nous demandons la protection de Dieu, parce que sans Sa grâce nous ne pouvons rien. Nous demandons cette protection de Dieu bien entendu au niveau du quotidien, c’est légitime. Mais nous demandons surtout cette protection qui nous permettra, comme disait Péguy, de nous cacher derrière le Christ, ne faisant plus qu’un avec Lui, pour monter jusqu’à notre Père. Il nous faut demander cette grâce dont le fruit est l’enracinement en Jésus, l’identification au Fils ! Car cet enracinement est si fort que nous aboutissons, oui, réellement, à une identification.
« Vous êtes la lumière du monde »
C’est le message de l’Evangile d’aujourd’hui qu’il nous faut méditer et sur lequel il nous faudra revenir durant toute la semaine, tellement il est extraordinaire.
Sommes-nous conscients de la portée de ces paroles divines dites par Jésus : « Vous êtes la lumière du monde » ? Surtout lorsque nous les rapprochons de cette autre révélation : « Je Suis (dans ma divinité partagée avec le Père) la lumière du monde » !? C’est donc à une identification absolue à laquelle le Christ nous appelle !
Le principe de cette identification surgit à notre Baptême, lorsque nous mourons avec le Christ pour ressusciter à Sa Vie, c’est-à-dire à une vie nouvelle, à la vie que nous définissons comme la vie du don, comme la Vie de l’Amour infini, Amour qui nous est alors diffusé par l’Esprit qui est donné selon les mots de Paul.
Quel mystère extraordinaire que ce fruit de notre Baptême renouvelé dans l’Eucharistie, renouvelé dans nos sacrements de Réconciliation : l’identification à Jésus ! Nous sommes avec Lui et en Lui, la Lumière du monde !
Notons que parallèlement, Jésus se définit, Lui qui est l’Etre parfait, subsistant, uni au Père, par le rien, par ce qui se consume en donnant la saveur de la vie : le sel qui fond pour donner le goût aux choses, à l’instar de la lumière qui se consume pour éclairer et réchauffer… Nous avons ainsi la définition complète du Chrétien, pourrait-on dire : celui qui n’est rien parce qu’il est tout pour les autres !
C’est d’ailleurs, notons le avec Benoît XVI, la définition même de l’existence : il faut ex-sistere, se tenir hors de soi pour être réellement !
« Celui qui me mange vivra par moi… »
Cette configuration, cette identité entre le Chrétien et le Christ, nous en avons la semence, le principe, l’énergie vitale dès le Baptême. C’est pourquoi Jésus parle au présent : « Vous êtes », et non pas vous serez. Vous êtes la lumière du monde parce que par la foi, vous êtes unis à ma Personne.
Cette identification doit devenir notre vie, la vie de notre vie, l’ethos de notre existence… Et c’est là que c’est plus difficile…
C’est le thème de la première lecture de la Liturgie : Partage, accueille, réconforte, ne repousse pas ton semblable, mais au contraire, sois tourné vers lui… Nous devons vivre selon la nouvelle nature surgie de notre nouvelle naissance du Baptême. Nous ne devons pas vivre comme des hommes, mais comme des chrétiens, c’est-à-dire d’autres Christ. Nous sommes morts à nous-mêmes, nous sommes morts au vieil homme, nous avons ressuscité dans le Baptême et nous ressuscitons chaque jour dans les sacrements (en particulier, le dimanche avec l’Eucharistie) à la Vie nouvelle, à la Vie de l’homme nouveau, à la Vie du Christ qui fait l’Œuvre de son Père, c’est-à-dire qui donne la Vie en donnant Sa Vie.
« C’est dans mes faiblesses que se manifeste la puissance de Dieu… »
Alors notre lumière, notre lumière baptismale, la flamme que Jésus a mise en nous dans le Baptême, « jaillira comme l’aurore », elle sera vivante, éclairante, réchauffante pour le monde !
« Et la gloire du Seigneur t’accompagnera… » C’est dire que dès ici–bas, unis à Jésus dans notre être et notre agir chrétiens, nous appartenons au Royaume et entrons de plain-pied dans la Béatitude, dans cette Gloire que Matthieu a décrite dimanche dernier avec les Béatitudes. Magnifique est-Il le Pauvre, Dieu dans Sa Joie et dans Sa Gloire.
« Et ton obscurité sera ta lumière. » C’est dans ta faiblesse d’homme et dans ton humilité, c’est à cause de cette petitesse reconnue parce que tu es un homme et non pas un dieu, que ton prochain verra la présence de Dieu… « Je ne suis pas venu pour parler avec de la sagesse humaine », je suis venu avec ma faiblesse dira Paul, pour que dans cette faiblesse, la Gloire de Dieu, la Puissance de Dieu se manifestent… Pour que la présence lumineuse et amoureuse de Dieu soient palpables. Alors les hommes qui nous entourent, loin de nous glorifier car connaissant nos faiblesses, rendront gloire à Dieu le Père, à Sa Lumière éclairante et consolante donnée pour nous guider vers la Béatitude finale.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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