Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« Vous êtes le Temple de Dieu et l’Esprit habite en vous… »
Lectio divina pour le 5ème Dimanche de Pâques, le 14 mai 2017
Pour ce 5ème dimanche de Pâques, l’Eglise, avec la première prière de la messe, la Collecte, nous invite à nouveau à nous placer en posture de contemplation pascale. Car si nous savons bien qu’après le temps de purification du Carême, le temps pascal est un temps contemplatif : on se ‘re-pose’ en Dieu, contemplant le travail de Sa grâce dans notre âme, il nous faut aller plus loin et comprendre que nous sommes appelés à contempler un double effet de la fête pascale.
« Celui qui m’aime, nous ferons chez lui notre demeure. »
Car il y a double fruit de la fête pascale, comme il y eut double effet dans notre sacrement de baptême parce que celui-ci n’est rien d’autre que notre incorporation personnelle au Mystère pascal de Jésus.
Double effet donc : le Salut par le rachat de la faute originelle, voilà l’aspect négatif. Quant à l’aspect positif, c’est l’adoption de fils, avec la certitude, fondée sur la promesse de Jésus, de pouvoir entrer dans le demeure de Dieu notre Père : « Je vais vous préparer une place et dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures sinon je vous l’aurais dit. » Nous pourrions passer tout un dimanche, toute une semaine, voire toute une vie en contemplant cette présence de Dieu en nous qui nous fait fils ; en contemplant aussi ce qui sort de nous, c’est-à-dire les œuvres de cette Présence divine : notre croissance spirituelle et filiale qui nous fait revenir progressivement dans la maison du Père.
« Nous avons cru en l’amour de Dieu ! »
Nous avons d’autant plus de motifs de contempler ce double fruit merveilleux de notre fête pascale que finalement, tout le mérite en revient à « Dieu qui nous aime comme un Père », comme nous l’avons prié dans la Collecte.
Dieu ne nous demande en retour que de croire en cet Amour. Ce sera le grand cri de Jean dans son épître: « Nous avons cru en l’amour de Dieu. » Il ne nous demande ni mérites, ni qualités intellectuelles, physiques… Non ! Il connaît bien notre misère, il connaît bien notre fragilité : c’est Lui qui nous a faits de la pâte de la terre dit le psalmiste ! Il nous demande simplement, comme le rappelle Pierre, de « nous approcher du Christ » sans crainte, c’est-à-dire de croire en Celui qui est Voie, Vérité et Vie. Approchons-nous du Christ, ne restons pas distants, comme si nous avions peur de nous faire brûler par l’Amour de Dieu. Approchez-vous dit Jésus : « Qui croit en moi sera sauvé. »
Jésus dit aussi : « Celui qui croit en moi, ne croit pas en moi, mais en Celui qui m’a envoyé. » Lorsque je crois en Jésus, vrai Dieu et vrai homme, mort pour moi sur la Croix, c’est dans l’Amour du Père pour moi que je crois ! Voilà le désir de Dieu pour que les vannes de Son Amour s’ouvrent et déversent en mon âme toute la puissance de Sa Vie.
« La vérité vous rendra libres. »
Quelles seront alors les conséquences de cette foi que Dieu attend de nous ? La Collecte là encore nous donne la réponse. A nous qui croyons : « Donne-nous la véritable liberté et la Vie éternelle. »
« La vérité, dit Jésus, vous rendra libres. » Cette foi, cette confiance que nous portons en Dieu et en Celui qu’Il a envoyé manifester Sa charité de Père pour nous, cette foi nous libère !
Parce que je découvre d’abord, au niveau simplement psychologique, la vérité de mon être et je l’établis dans une certitude. Nous savons bien que l’intelligence ne trouve sa satisfaction que lorsqu’elle connaît avec certitude l’objet qui est devant elle. Quelle est ma fin ? Où vais-je ? Qui est Dieu pour moi et qui suis-je pour Lui ? Et voilà que je connais cette fin et suis psychologiquement libéré : je sais qui je suis, je sais qui Il est et je sais où je vais : à Lui !
« Père entre tes mains je remets mon esprit… »
La vérité me rend libre aussi, et toujours psychologiquement au niveau de l’action et de la volonté. Car, si je contemple cette relation de Père à enfant que Dieu désire établir avec moi, alors je relativise tout dans ma vie : mes joies qui me portent à Dieu, mais aussi mes croix, mes souffrances qui, elles aussi d’une manière plus difficile me portent dans la sanctification. C’est d’ailleurs pour cela que Jésus se dit la Voie et qu’Il assure que celui qui Le suit marchera dans la lumière de la Vie : car, comme Lui, il relativisera tout par rapport à la seule volonté du Père qui est sa nourriture…
Notre fréquent défaut dans la vie quotidienne est de faire des montagnes de tout, c’est-à-dire des montagnes de rien : montagnes de nos susceptibilités, froissements, vexations, colères, tristesses, provoquées par des comportements, des réponses, des répliques… Nous faisons une montagne de tout comme si nous étions le centre du monde ! Mais nous ne sommes pas le centre, nous sommes des fils ! Donc notre vie n’a de sens qu’orientée vers et dans l’Amour que le Père nous porte à chacun, personnellement. Voilà ce qui va relativiser nos vies et nous tranquillisera l’âme dans les épreuves de la vie : « Père entre tes mains je remets mon esprit… »
« Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. »
Mais la vérité me rend libre d’une manière aussi plus substantielle, parce qu’elle atteint la profondeur de mon être surnaturel et non plus seulement ma chair.
La liberté est cette capacité que nous avons de nous accomplir en portant notre être à sa plénitude. L’animal n’est pas libre, il est régi par ses instincts, il ne se construit pas. L’homme se construit, l’homme se crée, l’homme se perfectionne, il s’accomplit. Encore doit-il savoir le but, le terme vers lequel il doit accomplir son intelligence, son cœur, son corps, toutes ses puissances que sont les talents de la parabole.
Ce but lui est donné par ce résumé de la Loi Nouvelle : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » ! Voilà la vraie direction qu’avec certitude l’âme doit prendre : la charité. Cette vérité engendre ma liberté lui faisant mettre tout en œuvre pour agir vers cette fin et ma plénitude, car il y a plus de joie à donner qu’à recevoir !
« C’est par les œuvres que je te montrerai ma foi… »
Car il faut que nous œuvrions. Il faut agir ! Il ne s’agit pas de se contenter de la foi. La foi sans les œuvres est une foi morte. La foi sans la vie n’est plus la foi. La foi sans la vie de foi, c’est-à-dire sans une vie vécue dans la lumière de cette relation filiale avec mon Père n’est pas la foi. Je n’ai pas d’un côté la foi pour la messe du dimanche et d’un autre côté, une vie incohérente car égoïste et paresseuse face à l’amour du prochain…
Ma foi doit donc être fidélité : ce sera la prière sur les offrandes ! La fidélité, c’est la cohérence de la foi avec la tension que nous avons vers notre fin. C’est la foi, la confiance étendue dans le temps. Comme dans une vie de couple.
Cette foi doit être le levain dans la pâte de ma vie. Combien de fois entendons-nous cette critique, si souvent juste, du manque de cohérence des chrétiens entre leur credo et leur vie quotidienne ! Tout simplement parce que nous ne sommes pas assez fidèles…
« Tu es pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon église. »
Nous devons donc œuvrer, nous devons « être des pierres vivantes » dit Pierre.
Comme le Christ qui est la pierre de fondement nous devons être des personnes sur qui notre société puisse compter, des personnes qui ne se dérobent pas : « Tu es pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon église. » C’est vrai du Prince des apôtres qu’est Pierre, c’est vrai aussi de tout chrétien.
Nous devons être des pierres vivantes, c’est-à-dire dynamiques. Nous devons être fils, à l’image du Fils Jésus, solidement ancrés dans notre foi, fidèles et vivants. Nous devons être des fidèles (le mot est révélateur !) qui agissent, chacun suivant ses possibilités.
Nous devons répondre présent à l’appel du monde, à l’appel des frères, à l’appel de la pauvreté, à l’appel au service, à l’appel de l’amour, à l’appel de tout ce qui façonne une humanité et ainsi, également, l’humanité.
« Soyez les pierres vivantes qui construisent le Temple… »
Nous devons être des pierres vivantes, mais pour construire quoi ? Pour construire le Corps du Christ, c’est à dire l’Eglise…
Sommes-nous conscients de notre responsabilité ? Pourquoi Jésus nous dit-Il à travers les apôtres que nous ferons des œuvres encore plus grandes que la sienne si ce n’est parce qu’à nous revient de construire le Corps, Corps qui est plus grand que la Tête… Oui, nous sommes appelés à construire, suivant le modèle de Jésus qui est la pierre de fondement, l’édifice vivant, spirituel, qu’est l’Eglise, Son Corps.
Regardons la part réelle que nous prenons à la construction de l’Eglise par notre sainteté, par notre prière, par notre charité, par notre sens des responsabilités paroissiales, civiles, professionnelles, familiales… Regardons comment nous annonçons à notre prochain « les merveilles de ce Dieu qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. »
Il s’agit de construire l’Eglise qui est un temple spirituel. Il ne s’agit pas seulement de construire avec des pierres, il s’agit d’édifier ce qui fait vivre les pierres ! La Pentecôte approche, dans trois semaines, nous célébrerons, avec la naissance de l’Eglise, le mystère de notre propre naissance, de notre re-naissance en 2017 par l’Eglise de Jésus-Christ, Temple spirituel.
Nous devons nous y préparer avec la force de l’Esprit auquel nous communions de manière particulièrement intime durant ce temps pascal.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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