« Dieu a tant aimé le monde… »
Souvenons-nous de ce que Jésus disait déjà au début de Son ministère public pour nous préparer : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils pour que le monde ait la vie » pour que le monde puisse vivre sa destinée qui n’est pas une destinée seulement matérielle (pour ne pas dire matérialiste et hédoniste !) mais qui est surtout une destinée relationnelle, les uns les autres étant frères, fils d’un même Père !
Ce n’est pas un vain mot, ce n’est pas une pieuse figure de rhétorique que de dire que le Christ triomphe par la croix !
Et c’est pour nous le faire comprendre que Jésus accepte cette entrée triomphale qu’Il aurait très bien pu refuser, esquiver comme Il le fit tant de fois ! C’est pour nous faire comprendre que loin d’être un paradoxe dans lequel quelquefois nous butons, il y a autre chose, en profondeur : c’est réellement Son triomphe qui est là aujourd’hui !
Ce triomphe, que la procession de la liturgie d’aujourd’hui reproduit, exprime par anticipation ce que les jours prochains vont contenir, à savoir la victoire, le triomphe de la Vie sur le péché et la Mort !
Le triomphe de la Vie sur la Mort par l’Amour !
Et ce triomphe n’est pas le fruit de la science, parce que la science, biens chers amis, est limitée et nous ne le savons que trop, malheureusement ! C’est le triomphe de la Vie sur la Mort par l’Amour ! Que j’aimerais qu’à la télévision et dans les journaux, à côté des chroniques -utiles certes- de découvertes scientifiques concernant les microbes et les vaches folles et toutes ces protéines et ces molécules de synthèse, nous puissions avoir une chronique de la victoire de l’Amour sur le Mal que manifestent tous les actes bons qui se font dans le monde ! Et il y en a partout !
‘Chronique de la victoire sur la vie par l’amour’ : est-ce que nous serions cités ? Quelquefois nous sommes dans l’admiration, devant ces grands savants qui réfléchissent sur l’ADN. Nous n’avons aucune chance d’être cités dans ces chroniques scientifiques, mais dans la chronique de l’Amour nous avons toutes nos chances !
Et pourtant peu de temps avant d’entrer à Jérusalem, Jésus dit à Ses disciples : « Les grands de ce monde se font servir et dominent en maîtres. (Nous en savons quelque chose…) Pour vous que ce soit différent, que le plus grand (celui qui veut régner, celui qui veut triompher comme le Christ), soit le serviteur de tous. »
Et ce que nous demandons à nos hommes politiques, -à juste raison- c’est à dire de nous servir, sommes-nous capables nous de le faire dans notre vie de pauvres citoyens ? Est-ce que nous nous servons mutuellement : mari et femme, parent et enfant, curé et fidèles, jeunes et personnes âgées, pauvres et riches ? Est-ce que nous nous servons mutuellement ?
« Que le plus grand soit le serviteur de tous »
Avant l’entrée à Jérusalem et le triomphe des Rameaux, cette instruction de Jésus à Ses apôtres, et par-delà à nous, nous prévient que c’est dans ce sens-là que nous devons envisager le règne et le rayonnement de notre vie chrétienne.
Si nous voulons régner et rayonner c’est dans ce sens-là : le triomphe de notre vie chrétienne sera à la mesure de notre enfoncement dans la donation.
C’est pour cela que saint Paul nous dit, par le verset d’avant notre deuxième lecture, hymne extraordinaire où il raconte le double abaissement de Jésus : « Ayez en vous les sentiments qui furent dans le Christ Jésus… », pour faire comme Lui, pour aller derrière Lui dans ce renoncement qui est triomphe !
« Ayez en vous les sentiments qui furent dans le Christ Jésus… » Mais attention au piège !
Il ne s’agit pas de se servir de Jésus pour vivre par Lui ma petite vie de sainteté, comme les pharisiens : -Regardez comme je suis bien ! Je pratique tous les dimanches, je donne mon denier du culte, je donne aux pauvres mon obole… Que je suis beau ! C’est ma sainteté, personne ne me la prendra ! Pour plagier Jésus : Ma sainteté nul ne la prend c’est moi qui la donne ! En général cette prétendue sainteté est extrêmement limitée !
« Sans moi vous ne pouvez rien faire. »
Car il s’agit bien au contraire de laisser le Christ se servir de moi, me prendre mon corps, mon cœur, mon esprit pour qu’Il puisse continuer à vivre, Lui par moi, l’Amour infini que Lui seul peut vivre ! Et non mon petit amour limité de philanthrope chrétien qui embête tout le monde avec un prosélytisme de mauvais aloi, allié avec le cancanage, la médisance, l’hypocrisie, l’orgueil, le mensonge, la vanité…
Non, mais qu’Il puisse Lui, continuer à vivre Sa vie à Lui, c’est-à-dire une vie d’Amour illimitée vers le Père et pour les hommes.
Tel est le piège qu’il faut éviter et la voie qu’il faut prendre. Il ne s’agit pas d’être bigot, il s’agit de n’être rien pour que le Christ en moi soit tout.
Ce n’est pas facile : c’est un double renoncement auquel chacun d’entre nous est appelé.
Premièrement, m’oublier pour faire grandir en moi le Christ de mon baptême. Deuxièmement, savoir et accepter que ce Christ qui va germer et grandir en moi c’est le Christ d’aujourd’hui, c’est-à-dire Celui qui est en train de vivre toute la Gloire de Son dépouillement. Et ce deuxième renoncement, chers frères, c’est celui-là que quelquefois nous ne voulons pas faire ! Nous voulons bien vivre notre foi mais de manière triomphale.
« Afin que nous sachions quel abaissement nous devons imiter… »
Non, acceptons notre marche à la suite du Christ de manière dépouillée, acceptons nos misères, acceptons nos ‘non-gloires’ pour accepter le triomphe et la gloire de Jésus. C’est cet abaissement que nous devons imiter comme nous le demandons dans la Collecte : « afin que nous sachions quel abaissement nous devons imiter… »
Cet abaissement que nous devons imiter c’est le double abaissement de Jésus dont parle Saint Paul dans la deuxième Lecture.
Premièrement : Jésus quitte Sa situation divine pour être homme : « Il se vide » pour ne pas se prévaloir de Son droit de Dieu et être homme dans l’Incarnation.
Deuxièmement Il va plus loin : « Il s’humilie plus encore… » en étant non seulement homme, mais homme des douleurs.
Entrons en Semaine Sainte dans cet esprit-là. Tous ensemble, sans nous juger mais en nous épaulant les uns les autres. Car nous en avons tous besoin pour marcher à la suite du Christ dans ce double abaissement, dans ce double renoncement.
Je vous souhaite vraiment de tout mon cœur de prêtre d’entrer en Semaine Sainte, pour vous sanctifier et recevoir Grâce, Lumière et Paix dans votre cœur.