Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« IL N’Y A PAS DE PLUS GRAND AMOUR QUE DE DONNER SA VIE POUR SES AMIS ! »
Lectio divina pour le dimanche des Rameaux, 9 avril 2017
Essayons de donner en quelques lignes le sens de cette journée si belle et si populaire des Rameaux, mais difficile à comprendre à cause de ses deux faces opposées en apparence : la gloire de l’entrée du Christ à Jérusalem, et puis, subitement, avec la lecture de la Passion, la mémoire bouleversante de la mort du Christ. Double face d’un même mystère : la gloire et l’abjection, le triomphe et la mort, la royauté et l’ignominie.
« Es-tu le Roi des Juifs ? … Tu l’as dit, Je Suis Roi. » Et Jésus ajoute : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » Ces deux assertions du Christ résument et rassemblent en l’expliquant cette journée, glorieuse et dramatique.
« Tu l’as dit, Je Suis Roi. »
Oui, Dieu est Roi. Dieu est le Roi absolu et unique de Son peuple choisi, Israël, et de l’Eglise, nouvel Israël. Dieu est le Roi par Sa création. Dieu est le Roi par Sa paternité. Dieu est le Roi par Son Amour : « Je suis le Dieu unique et jaloux qui t’ai fait sortir d’Egypte pour te donner la vie. »
Est-ce à dire que Dieu va régner par sa Toute-Puissance ? Non. Et Son Fils, envoyé dans ces temps qui sont les derniers pour nous donner l’ultime révélation du mystère de Dieu et de Sa royauté précise : « Les rois dans les nations vous dominent et se font servir, pour vous qu’il n’en soit pas ainsi, et que celui qui gouverne serve, et que celui qui veut être le plus grand soit le plus petit et le plus jeune d’entre vous. »
Dans la logique du mystère divin, la royauté de Dieu est le dévouement corps et âme à la cause de la vie de Ses sujets, c’est à dire les hommes de tous les temps.
« Mon royaume n’est pas de ce monde. »
Jésus vit en plénitude, dans Sa vie jusqu’à la mort cette royauté puisqu’Il va donner Son Corps dans l’Incarnation, parce qu’Il va donner Son Sang dans Sa mort, parce qu’Il donnera Son Corps et Sa vie, Son Sang et Sa mort dans chaque Eucharistie. C’est tout le thème de l’hymne aux Philippiens que nous entendons dans cette Liturgie des Rameaux : abaissement de Dieu qui se fait homme, qui vit semblable aux hommes et qui s’humilie plus encore jusqu’à mourir sur une croix.
Pouvait-on vivre plus pleinement la royauté divine, c’est-à-dire le don de soi pour la vie de ses sujets comme l’a fait le Christ ? Oui, Jésus est vraiment Roi, comme se moquaient les soldats du prétoire.
Mais il est Roi à la manière de Dieu qui est bien loin de notre royauté humaine, lorsque nous abusons en tant que parents, éducateurs, ou élus politiques de ces parcelles d’autorité qui nous sont déléguées. C’est pourquoi Jésus nous dit que la Royauté véritable, Sa Royauté n’est pas de ce monde. Elle s’y trouve même à l’opposé.
« Aimez-vous comme je vous ai aimés… »
Si Jésus a vécu cette royauté visiblement jusqu’à mourir sur la Croix, et qu’on puisse dire en Le regardant : « Oui celui-ci est vraiment le Fils de Dieu », s’Il a accompli ainsi Sa royauté il y a deux mille ans, c’est pour que nous fassions de même, comme nous le prions dans la Collecte de cette Messe des Rameaux.
Il nous a montré l’abaissement à vivre pour régner afin que nous, chrétiens, puissions être rois avec Lui en nous abaissant comme Lui et en Lui, en nous dépouillant de nous-mêmes, en faisant don aux autres de nos personnes par amour de leur béatitude !
Jésus veut étendre Sa royauté sur le monde non par la domination, mais par la charité qu’Il nous permet de partager en nous donnant Son Esprit : « Aimez-vous comme je vous ai aimés… » Donnez, donnez encore, donnez toujours… Faites la charité, toujours la charité, encore la charité… Soyez la charité même et qu’ainsi l’extension de Son royaume se fasse à travers votre cœur !
Nous sommes appelés à partager Son Royaume, oui ! Mais un Royaume qui n’est pas de ce monde car il s’instaure par le don et sa frontière est non délimitable…
Comme Jésus, nous devons régner par le service : « Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir et donner ma vie en rançon pour la multitude. » Oui, nous qui sommes baptisés dans la mort et dans la résurrection du Christ, nous sommes baptisés dans cette royauté, c’est-à-dire dans ce service de l’évangile, de la Bonne Nouvelle du Salut.
« Si vous ne redevenez comme des enfants… »
C’est un idéal de jeunesse : la jeunesse éternelle de Dieu que nous partageons en vivant de Sa vie par la grâce reçue dans notre cœur !
D’ailleurs le récit de l’entrée de Jésus à Jérusalem le précise. Le Christ entre dans la Ville sainte acclamé par les enfants, par les jeunes, par ceux qui sont encore purs, innocents, pleins d’idéal, prêts à se sacrifier pour la patrie ou pour tout autre cause. Ce sont eux qui ont entraîné la foule, ce sont eux qui ont entraîné les adultes vieillissant sous le poids de leurs péchés et des égoïsmes, ce sont les enfants, ce sont les petits: « Si vous ne redevenez comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu. »
On imagine bien la scène : l’enthousiasme des jeunes qui voient dans le thaumaturge, dans le Prophète, dans le Messie, l’Envoyé de Dieu, le Roi divin et qui s’époumonent : « Hosanna fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Et les adultes sont pris dans cette farandole, dans ce cortège de fête, dans cette exultation… Jusqu’au moment, où comme nous, ils sont repris par les instincts du péché et de l’égoïsme… Ils réfléchissent : voyons que nous promet cet homme ? Dans notre monde d’adulte, tout se paie et tout se monnaie ! Même l’amitié : « Judas ami, fais ta besogne ! » Ce n’est pas aux enfants que Jésus dit cette parole, c’est à Ses disciples, à ces hommes mûrs touchés par le péché.
« Jésus plaça un enfant au milieu d’eux… »
Aujourd’hui, prions pour que les jeunes redonnent aux adultes la pureté du cœur, le goût du sacrifice, l’allant du don de soi… Prions pour que la jeunesse soit exemplaire et nous redonne le goût du dépouillement que nous avons tous plus ou moins perdu parce que nous sommes racornis par de l’artériosclérose spirituelle…
Prions pour que notre monde qui s’euthanasie doucement dans la facilité de l’égoïsme reprenne souffle et cœur… Que sous l’impulsion d’une jeunesse en soif de transcendance, notre société redonne une âme à ses membres usés par la richesse, la facilité de vie, le laisser-aller moral, la démission spirituelle…
Il ne s’agit pas de faire du jeunisme et d’être béat devant nos cadets. Il s’agit de se laisser réveiller et de retrouver la jeunesse du cœur, celle que donne l’espérance dans l’Amour, dans la Vie, dans le don de soi qui est, finalement, la seule définition valide de la vie terrestre.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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