L’attente patiente de Dieu de notre conversion, c’est notre vie !
Notre vie est la vraie réponse à ce temps de sanctification que nous évoquions dans la Lectio du 1er dimanche et que saint Pierre nous rappelle dans la lecture d’aujourd’hui. Dieu est patient, Il attend notre conversion. Et cette attente par Dieu de notre conversion, c’est notre vie. Donc je réponds à ce temps qui m’est donné par Dieu et j’y réponds dans la vie qu’Il me donne, par cette vie qu’Il me donne. Je ne m’échappe pas de ma vie pour m’enfermer dans un ermitage, c’est dans ma vie que je Le trouve !
Ainsi la vie n’est pas ce temps perdu si le Christ est en moi, me ‘christisant’ et donc formant une relation de mon âme à Dieu.
« Voici, je suis prêt ! »
Jésus n’attend qu’une chose : c’est effectivement d’être accueilli dans notre âme. Nous pourrons relire au cours de notre journée la lecture d’Isaïe où Dieu dit : « Voici, je suis prêt ! » Je suis à votre disposition. Si vous m’accueillez en vous je serai votre guide, je vous guiderai comme le troupeau est guidé par le pasteur. Avec cette précision si typique de la tendresse de Dieu, de Son attention pour les hommes, de Sa vigilance à nous guider suivant nos besoins, suivant les lois de la vie qu’Il a Lui-même créées : « la brebis qui allaite, la brebis qui attend les petits, je la soignerai, je prendrai soin d’elle plus particulièrement. »
Nous avons peur de Dieu ; nous pensons que si nous Lui donnons notre cœur et notre intelligence, Il va les briser. Oui ! D’une certaine manière c’est vrai ; Il émonde. Mais ce n’est pas l’intelligence qu’Il émonde : ce sont les boursouflures qui viennent se mettre sur elle et qui s’appellent l’orgueil, la vanité, la vaine gloire… De même, si nous Lui donnons notre cœur, Il ne va pas le briser. Il rabotera seulement ses duretés, ses ‘durillons’ qui s’appellent l’égoïsme, la possessivité…
« Je te guiderai sur les sentiers de vie. »
Voyez-vous il faut avoir foi dans cette promesse que Dieu nous fait tant de fois dans l’Écriture : « Je te guiderai sur les sentiers de vie » ou encore : « Donne-moi la main, je te guiderai sur la route… » Ne prenons pas Dieu pour un dictateur prenant plaisir à nous humilier ! Dieu est notre Père et Son seul plaisir est de nous aimer et de nous éduquer.
Cette manière d’accueillir le Seigneur pour christiser nos activités, Jean Baptiste l’appelle la conversion. La conversion pourquoi ? Parce que pour faire entrer quelqu’un chez soi, que ce soit physiquement dans notre maison ou spirituellement dans notre cœur, il faut ouvrir la porte, il faut se tourner vers lui, se convertir, pour lui montrer l’ouverture. Si je montre mon dos au Christ, Il n’entrera pas en moi.
Ou sinon Il entrera, comme nous le rappelle saint Paul, comme un voleur. Parce que cette vie qui m’est donnée pour me sanctifier, je n’en connais ni la durée, ni l’ultime moment ; seul le Père le connaît. C’est vrai que Dieu est patient, jusqu’au moment où, dans le mystérieux dessein de Sa Providence, la vie s’arrête… A ce moment-là, oui, Dieu entre en moi comme un voleur, pour soupeser l’amour de ce cœur que, si souvent, je n’ai pas voulu Lui offrir !
Pour que Dieu n’entre pas en moi comme un voleur, pour qu’Il y entre et qu’Il y soit comme un ami, pour qu’Il s’y sente bien, il faut « préparer les chemins du Seigneur » diront Isaïe et Jean-Baptiste.
« Tant que nous n’avons pas tout donné, nous n’avons rien donné ! »
Il faut donc que je tourne vers Lui mon cœur pour qu’aucun domaine ne Lui soit fermé. Souvenons-nous de cette pensée de la petite Thérèse : « Tant que nous n’avons pas tout donné, nous n’avons rien donné ! » Alors qu’au contraire nous avons cette fourberie de donner un petit peu au Seigneur (nous Lui donnons par exemple notre heure dominicale…) pour qu’ensuite Il nous laisse tranquilles. Tranquilles dans notre vie familiale, dans notre vie professionnelle et sociale, nous laissant tordre et gauchir les principes de l’Évangile que sont la justice et la charité.
Non ! Si nous voulons que Jésus christise toutes nos activités, il faut qu’Il soit pleinement chez Lui dans tous les centres de ces activités : notre intelligence et notre cœur en particulier. Il ne faut qu’aucune chambre de notre château intérieur ne Lui soit fermée. Il faut qu’Il puisse entrer partout, s’emparer de tout.
Vers toi Seigneur j’élève mon âme !
Comment faire pour ouvrir notre cœur au Christ ? Il y a des moyens très simples pour ouvrir notre cœur au Christ.
Le premier moyen c’est la prière du matin. Car par la prière du matin, nous saluons Jésus. Par la prière du matin, nous offrons notre personne et notre journée c’est-à-dire nous nous disons prêts à ce que le Christ en nous accomplisse Sa vie, selon Ses principes à Lui qui sont les principes de l’Évangile. Cet acte d’offrande est très bref : point besoin de réciter des dizaines de patenôtres… Quelques secondes d’élévation pure vers Jésus suffisent amplement pour dire bonjour au Christ, Le saluer, offrir sa journée en Lui disant que l’on est prêt à l’accomplir selon Ses principes à Lui.
Ce court temps que nous consacrons à Jésus en début de journée va ouvrir notre cœur, nous mettre en appétit… Nous aurons faim de cette respiration reposante, pacifiante, nourrissante… par ce que nous aurons découvert dans cette petite présence à Dieu du matin (nous sommes encore tranquille, pas encombré par les soucis) … Et nous recommencerons alors à remonter en Dieu quelques secondes entre deux activités, pendant un transport, une attente… Nous réconforterons notre cœur par une élévation instantanée, spontanée, filiale, comme celle du matin : amoureuse, simple, vraie… Voilà pour le premier moyen.
Le deuxième moyen c’est, justement, pendant la journée de stimuler à nouveau l’orientation de notre cœur vers notre Fin, vers la Source de l’amour par ces élévations, ces prières brèves, que personne ne voit. Elles sont brèves comme une respiration : nécessaire, spontanée, instinctive. C’est donc cette habitude de respirer en Dieu quelques secondes dans la journée, pour nous rappeler notre Amour, qui orientera régulièrement toutes nos activités vers Dieu.
Toujours dans la journée, il y a une autre activité indispensable pour ouvrir notre cœur à Dieu, c’est d’analyser les motions de nos actes : d’où vient l’énergie de nos actes ? Lorsque je vais parler, lorsque je vais agir, penser, lorsque je vais éduquer ou construire, suis-je mû par la force qui vit en moi depuis le Baptême et qui s’appelle l’Esprit Saint, ou suis-je mû encore par le vieil homme et sa rancune, sa paresse, son ressentiment, sa duplicité et sa cupidité ?
Il y a un moyen facile pour savoir quelle est la motion dirigeant ma parole et son ton. Je vais tout simplement me poser la question et me demander si le Christ dirait cette parole ainsi. Et la réponse viendra immédiatement, claire, nette et précise…
« Aujourd’hui je dois descendre chez toi ! »
Le troisième moyen, c’est la prière du soir. Rendre grâce à Dieu pour tout le bien que Dieu a fait par nous (afin d’éviter toute vanité) et faire notre examen de conscience pour voir le bien que Dieu n’a pas pu faire en nous, à cause de nous.
Il faut ensuite demander pardon pour essayer, le lendemain, de ne pas empêcher le Christ d’agir à Sa manière, par notre cœur, par notre intelligence, et toutes les facultés, de notre personne.
Remarquons qu’entre la prière du matin et la prière du soir il y a comme une relation sacramentelle. La prière du matin est une activité eucharistique : j’offre mon âme au Christ pour une journée. D’ailleurs, prenons une résolution fixée par l’unité de temps de notre vie humaine : la journée. Aujourd’hui, pour reprendre le hodie de la liturgie pascale ; « aujourd’hui » pour reprendre la rencontre de Jésus avec Zachée (« Aujourd’hui je dois descendre chez toi »), aujourd’hui, je vais m’essayer à telle attitude évangélique. Ne pensons pas à demain : « A chaque jour suffit sa peine » disait Jésus.
Le soir, au contraire, la prière est une activité de réconciliation, de pénitence, de pardon, de retour : comme le fils prodigue dans la maison du Père.
Viens Esprit Saint en mon cœur !
Cela pour souligner que prière du matin et prière du soir sont liées à l’Eucharistie et à la Réconciliation. Et donc, ce qui nous semble être enfantin et qui est, en fait, fondamental pour notre vie chrétienne, à savoir cette offrande au Seigneur le matin et cette action de grâce le soir avec la réconciliation au centre intime de notre âme, nous aidera ensuite à avoir une activité eucharistique à la Messe et une activité de réconciliation au confessionnal d’autant plus vraie, profonde, amoureuse, que nous aurons chaque jour déjà exercé ces activités par la prière du matin et du soir.
Voilà les trois moyens pour ouvrir notre âme au Christ afin que le Christ entre en nous et que nous ne vivions plus cet écartèlement douloureux qui atteint le plus profond de notre psychologie, écartèlement entre ce temps mangé par ce que nous appelons la vie et le temps que nous sentons devoir consacrer au Seigneur pour être vraiment à Lui.
Car, rappelons-le, il ne s’agit pas de partager notre journée quantitativement entre les cinq minutes que nous donnons à Dieu et le reste que nous donnons à notre vie, mais au contraire d’accueillir le Christ en nous pour que nos vingt-quatre heures soient christisées et relationnées à Dieu. C’est la grâce que je vous souhaite.