D’abord de la libération de l’Égypte. Reprenons par exemple le Deutéronome : « Garde toi d’oublier que Yahvé t’a libéré de la maison de servitude. » Faisant mémoire de cette libération de l’Égypte, tu vas faire mémoire de l’Amour qui a présidé à cet acte sauveur. Car, toujours dans le Deutéronome, Dieu précise : « C’est par amour pour vous que je vous ai libérés de la maison de servitude… »
Et, me rappelant que c’est par amour que Dieu m’a libéré, je fais donc mémoire de l’Amour qui est la caractéristique de Dieu, qui Le définit, comme le précise encore le Deutéronome : « Tu sauras que ton Dieu est le vrai Dieu, fidèle dans son alliance et dans son amour. »
Et si donc Dieu est fidèle c’est-à-dire immuable dans Son Alliance et dans Son Amour, la Loi qu’Il me propose est une loi qui m’oriente vers mon bonheur parce que lorsque l’on aime quelqu’un on lui indique la marche à suivre pour son épanouissement, pour sa joie : « Tu feras ce qui est juste à mes yeux et tu seras heureux. » !
« Yahvé m’a libéré parce qu’Il m’aime. »
Voici la raison pour laquelle Yahvé revient sans cesse sur cette libération de l’Égypte qui fut le premier bienfait devant engendrer l’adhésion du peuple à Dieu parce qu’il signifie l’Amour que Dieu lui porte.
« Je suis celui qui est » c’est-à-dire : Je suis Celui qui sera constamment près de toi telle la Nuée le jour, tel le Feu la nuit, pour te guider parce que Je t’aime ! Le psalmiste aussi le reprend, lorsqu’il chante : « Yahvé m’a libéré parce qu’Il m’aime. »
L’Amour est la raison de tous les actes de Dieu. Donc en faisant mémoire des actes de Dieu, on remonte à l’Amour de Dieu et l’on comprend que Sa Loi n’est pas une loi d’imposition légale, au sens où nous l’entendons dans notre société humaine, civile et juridique, mais elle est un mode d’emploi pour trouver le bonheur.
Nous retrouvons la même chose dans le Nouveau Testament : l’usage bénéfique de cette Parole c’est-à-dire du Christ puisque le Christ est la Parole, Il est le Verbe : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous », pour Se manifester, pour parler, pour être parole…
Mais non seulement le Christ va nous rappeler les bienfaits de Son Père, mais Il est Lui-même le Bienfait ! Et comme, nous l’avons vu dans l’Ancien Testament c’est Lui qui nous libère : « Celui qui croit en moi ne mourra jamais. »
C’est par Lui que se manifeste l’Amour de Dieu, comme dans l’Ancienne Alliance : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a envoyé son Fils. » Et donc la Loi que Dieu me donne, si dure soit-elle à mes yeux en apparence, est une Loi pour mon bonheur : « Heureux êtes-vous si l’on vous persécute à cause de mon nom. »
« Quitte ton pays, la maison de ton père… »
Alors, si notre carême est bien l’entraînement spirituel qui nous prépare au renouvellement de notre engagement baptismal de la Vigile Pascale -renoncement au péché et adhésion à Jésus-Christ-, si le carême est vraiment le temps de préparation pour que le soir de Pâques nous nous engagions au sens profond du mot, au sens d’Abraham (comme nous le rappelle la première Lecture : « Quitte ton pays, la maison de ton père… » tes biens, ton passé, tes racines, toi-même…), pour que ce soit un engagement de notre vie -et pas seulement engagement à venir à la messe le dimanche ou à donner notre denier du culte- si vraiment notre foi est un engagement qui consiste à nous faire quitter nous-mêmes ce à quoi nous tenons le plus, même de légitime, comme il fut demandé à la Vierge Marie qui s’était consacrée dans la virginité, si vraiment pour nous la foi est cet engagement vital qui atteint le cœur, alors nous avons besoin nous aussi, (comme Saint Paul nous le rappelle lui-aussi), d’asseoir cette foi, cette adhésion !
On ne peut pas s’engager à la légère si cela engage toute notre vie, notre manière de penser, notre manière de faire, notre manière de parler, notre manière d’aimer, notre manière de vivre en famille, notre manière de travailler professionnellement, notre manière de faire de la politique…
Nous comprenons bien que si nous nous engageons en profondeur comme vous vous êtes engagés dans votre mariage ou nous-même dans votre consécration cela demande que cet engagement soit assis sur quelque chose de solide, sur une confiance qui soit forte comme Saint Paul le dit aux Galates : « Ma vie dans la chair je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. »
« Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous… »
Donc cet engagement que nous allons faire à Pâques nécessite pour nous le rappel des bienfaits de Dieu, les rappels de l’Amour de Dieu pour le monde, pour l’Église, pour chacun de nous, et donc cela nécessite cette proximité à la Parole dans laquelle nous retrouverons la mémoire de Ses bienfaits.
Relisons les évangiles, le récit de la Passion, préparons déjà notre entrée en Passion c’est-à-dire notre engagement, notre réengagement dans la foi : oui, Il m’a aimé, Il s’est livré pour moi ! Il m’aime, Il m’a libéré car Il m’aime…
Et c’est parce qu’Il m’aime que je suis sûr que la Loi qu’Il me donne, c’est-à-dire Son Évangile, c’est pour ma joie, pour mon bonheur, c’est pour que je sois heureux qu’Il me l’offre : « Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite ! »
« Mes paroles sont esprit et elles sont vie. »
Mais la proximité à la Parole demande du temps.
Il ne s’agit pas de passer devant la Parole, d’ouvrir son Évangile trente secondes avant de venir à la messe du dimanche. Nous savons qu’il faut prendre du temps pour devenir proche de quelqu’un !
Lorsque nous sommes proches de quelqu’un, nous prenons du temps avec lui, nous ne nous contentons pas de lui serrer la main, comme l’on fait entre voisins lorsqu’on se rencontre sur le palier ou dans la rue… Avec l’enfant, le conjoint, l’ami, nous prenons du temps, et c’est sur notre vie que nous prenons ce temps, que nous devons le prendre envers et contre tout en évitant les fausses excuses !
Il faut prendre le temps, il faut offrir chaque jour du temps pour être à côté de la Parole, proche d’Elle.
Et puis, il faut le faire en silence parce que même si la Parole est écrite, parce que nous sommes des hommes et que nous avons besoin d’un signe, d’un support, la Parole par essence, la Parole de Dieu est silence et donc c’est dans le silence qu’Elle se capte, qu’Elle se comprend. Le silence est nécessaire pour être proche de la Parole et L’entendre.
Enfin il y a la persévérance. Lorsqu’on établit une relation avec quelqu’un, non seulement on prend du temps aujourd’hui, mais on prend du temps chaque jour.
Lorsque se construit la relation avec le conjoint, ou avec les enfants ou petits-enfants, nous essayons de persévérer et de prendre du temps chaque jour, chaque semaine : d’écrire, de téléphoner, de passer voir, bref, d’être avec.
C’est dur, mais oui c’est dur. C’est dur le carême de quarante jours, mais oui ! C’est fait pour ça, pour persévérer dans la proximité. Et c’est au bout de quarante jours qu’arrive la tentation, mais c’est au bout de quarante jours qu’arrive aussi la victoire, le fruit, comme pour le Christ ! Il ne s’agit pas de lire son Évangile pendant trois jours, il faut persévérer dans cette relation de proximité.
Le carême c’est le désert du silence, de la persévérance, du temps donné.
Nous retrouvons trois éléments qui sont les caractéristiques de l’Exode. Le peuple hébreu a persévéré : quarante ans dans le désert !
Les hébreux ont offert leur vie : quand la Nuée partait, ils partaient, quand la Nuée s’arrêtait, ils s’arrêtaient.
Ils ont offert leur vie dans le silence du désert. Il n’y avait rien dans le désert, sauf quelques cailles, et la manne. C’est tout !
Le carême c’est le désert et le désert du silence, de la persévérance, du temps donné.
C’est cela la vraie pénitence de carême d’abord. Nous comprenons bien que ce n’est pas seulement de se priver de viande ou de poisson, de beurre, ou de sucre dans son café… Cela ce sont des petits signes que l’on donne quand nous ne sommes pas encore bien éduqués, lorsque, enfants, nous sommes au catéchisme, pour nous stimuler.
Mais la vraie pénitence c’est justement d’offrir sa demi-heure quotidienne ou son quart d’heure quotidien, c’est justement de sortir le soir à 8 heures et demie quand il fait sombre pour aller prier en adoration, pour aller écouter quelqu’un… C’est cela la pénitence de carême pour construire la relation de proximité à la Parole de Dieu.
« Adhaerere Deo bonum est… »
Et donc dans ce désert où nous entrons tous ensemble nous avons besoin d’un guide et ce guide c’est l’Église qui nous dit justement chaque jour et chaque dimanche en particulier : -Regarde ce texte, pas celui d’à côté qui te plairait mieux, celui-là, c’est celui-là aujourd’hui qui nous importe, ce sont ces trois lectures et puis demain ce seront deux autres lectures, et mardi deux lectures encore différentes…
C’est l’Église qui nous guide pour choisir la Parole dans la richesse de cette Parole afin que cela soit bénéfique, et que cela soit pour notre bonheur,
Alors demandons la grâce au cours de ce deuxième Dimanche de Carême de retrouver chacun à sa manière, chacun suivant ses capacités, cette proximité à la Parole de Dieu qui va nous dévoiler l’Amour que Dieu nous porte et qui va nous stimuler à adhérer à Dieu comme dit le psalmiste : « Pour moi adhérer au Seigneur est un bien, adhaerere Deo bonum est… » C’est un bien et c’est bon, car Dieu est amour et qu’en adhérant à Dieu dans Sa Loi je trouve ma joie !