« Puissions-nous éprouver qu’Il demeure avec nous… »
Juste au commencement de ce testament spirituel, dans le chapitre XIII, lorsque le Christ se met à genoux pour laver les pieds de Ses apôtres, Saint Jean nous dit : « Sachant que son heure était venue, qu’il était venu de Dieu et qu’il retournait vers Dieu… »
Saint Jean va donc essayer de nous expliquer cet aller-retour, le mystère de la sortie de Jésus dans l’Incarnation et Sa remontée vers le Père.
En fait, de même que Jésus, dans le mystère de l’Incarnation, sans quitter Son Père, vient à nous, Jésus dans le mystère de l’Ascension, sans nous quitter, remonte à Son Père. C’est le thème de la Collecte de ce dimanche, thème déjà entr’aperçu dans le mystère de l’Ascension. Aujourd’hui nous prions pour que notre foi soit fortifiée en cette double présence : nous savons que Tu es dans la gloire auprès de Ton Père, mais nous savons qu’également Tu restes parmi nous jusqu’à la fin du monde.
Donc il y a ce double mouvement apparemment absolument parallèle et identique, de l’Incarnation et de l’Ascension : le Christ qui part du Père sans Le quitter et qui part de chez nous sans nous quitter pour retourner au Père…
« Moi je viens vers toi, Père saint… »
Sauf que, dans ce mystère de l’Ascension le Christ a une humanité concrète ! Cette humanité qu’Il a prise de la Vierge Marie et qu’Il a donc désormais et à jamais, pour toujours ! Aussi, le Christ remontant vers Son Père remonte avec cette humanité concrète, personnelle. Donc depuis cette Ascension le Verbe est auprès de Dieu -comme nous l’enseignait Saint Jean dans son Prologue : « Il était auprès de Dieu, le Verbe était Dieu »- mais Il est auprès de Dieu avec Son humanité !
Le Christ est présent à Dieu dans cette gloire qu’Il avait « dès le commencement du monde » en tant que Fils unique, Verbe de Dieu, nous rappelle l’Évangile.
Dans cette gloire, le Christ est présent à Son Père avec cette humanité. C’est ce que l’on appelle la présence glorieuse qui est, comme les trois autres (présence historique, présence liturgique, présence mystique), marquée au coin par le sceau de l’Incarnation. La présence historique bien entendu puisque c’est la première présence incarnée, la présence liturgique parce que les sacrements refont, représentent les gestes de Jésus Sauveur, la présence mystique car c’est pour elle qu’Il s’est fait homme et la présence glorieuse parce qu’effectivement le Christ est auprès de Son Père avec Son humanité.
« Je prie pour eux… »
C’est cette présence glorieuse qui va engendrer la force de grâce de la présence liturgique. Et là nous avons affaire au nœud essentiel de notre vie liturgique.
C’est en effet parce que le Verbe dans Son humanité est auprès de Son Père et prie et intercède -« Je prie pour eux » dit Jésus et l’épître aux Hébreux dira que le Christ est dans Sa gloire, intercédant-, que, lorsque le célébrant prononce les paroles de la consécration -« Ceci est mon corps,… ceci est mon sang »- nous nous trouvons, réellement, par ce mystère liturgique, au pied du Sacrifice de la croix.
Ce n’est pas de la magie, ce n’est pas de l’invention, c’est une logique dans le mystère de Dieu. Insistons sur ce fait majeur : c’est parce que le Verbe est auprès de Son Père dans Son humanité, humanité qui est marquée à jamais par les stigmates de la Passion et qu’Il a offerte sur la croix, et qu’Il continue à prier Son Père pour le monde que la présence liturgique est une présence engendrant la grâce.
Ce qui fait que la présence mystique, l’ultime présence, celle pour laquelle a été ‘inventée’ cette présence liturgique, la présence du Christ dans mon âme, s’origine en dernier ressort dans cette présence glorieuse.
C’est grâce à cette présence glorieuse que, par l’intermédiaire de la présence liturgique, le Christ est mystiquement présent en moi, mystiquement mais réellement, réellement mais spirituellement et non pas charnellement.
« Nous viendrons chez lui faire notre demeure. »
Et mieux encore, cette présence mystique du Christ en nous, puisqu’elle s’origine dans la présence glorieuse, elle en prend donc la forme ! La présence glorieuse, la présence éternelle de toute éternité, dans la gloire près du Père, est le modèle, la forme qui va façonner la présence mystique de Jésus en nous. Autrement dit, le Christ est présent dans notre âme, (présence mystique), et cette présence, c’est la présence glorieuse qu’Il a, comme Verbe de toute éternité avec Son Père, auprès de Son Père ! C’est la présence de l’Engendré !
Ce n’est pas seulement la présence du ‘petit Jésus’, c’est la présence de l’Engendré avec cette gloire qu’il avait dès le commencement du monde. En un mot, c’est la présence de la Vie trinitaire, puisque la Vie trinitaire c’est l’engendrement éternel du Fils par le Père et le retour éternel du Fils vers le Père.
La présence mystique de Jésus dans notre âme que nous accueillons à travers la présence liturgique, n’est autre que la présence de la Vie trinitaire !
Dans cette Vie trinitaire, l’humanité du monde est désormais incluse par l’humanité du Christ, et c’est pour cela que dans la foi nous pouvons contempler l’inclusion de la Vie trinitaire dans notre âme.
« Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous. »
Il faut réfléchir à ça. La religion, ce n’est pas seulement de venir à la messe le dimanche, se signer, communier, donner le denier du culte, s’en aller en pensant avoir réglé l’assurance-vie éternelle ! Il faut réfléchir à la conséquence spirituelle, métaphysique, ontologique, profonde, essentielle de cette vie chrétienne !
Par le Baptême qui nous engendre à cette humanité nouvelle du Christ nouvel Adam, nous avons la possibilité, dans la foi, de contempler l’inclusion de cette Vie trinitaire dans notre âme. Et ce n’est pas une simple reproduction, ce n’est pas une image, ce n’est pas un faux-semblant : c’est la Vie trinitaire de Dieu le Père qui de toute éternité engendre l’Engendré avec l’Engendré qui retourne vers Son Père, dans la puissance de l’Esprit ! Et ceci grâce à l’humanité que le Verbe a prise en Jésus, humanité offerte par la Vierge Marie !
Depuis que cette humanité de Jésus est présente dans la gloire du Père, c’est dans mon cœur, dans le cœur de chaque chrétien, de chaque baptisé que cette Vie trinitaire, non seulement est contemplée, mais agit.
« La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent. »
Et je dirais que la vie chrétienne est orientée vers la contemplation de cette Vie trinitaire. C’est même à cette contemplation lumineuse et amoureuse qu’elle est destinée ! « Je leur ai fait connaître ton nom », dit Jésus. Le nom c’est la nature de Dieu, c’est donc avant tout l’expression trinitaire du Père, du Fils et de l’Esprit.
La vie chrétienne est orientée, elle est dirigée par cette contemplation : « La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent. » La Vie éternelle c’est qu’ils Te connaissent, c’est-à-dire qu’ils entrent dans cette contemplation.
C’est dire que cette contemplation, non seulement elle oriente la vie chrétienne, mais c’est la vie chrétienne, car qui dit contemplation dit union, dit communion. Nous revenons ainsi à ce commandement de Jésus au chapitre XIV de Jean : « Demeurez dans mon amour. »
Qu’est-ce que la vie chrétienne ? Demeurer dans Son amour ! C’est user, ‘abuser’ de la grâce de la foi que nous recevons au Baptême et qui est revigorée à chaque sacrement, pour regarder, pour nous unir, pour jouir de cette contemplation de la Vie trinitaire dans notre âme.
Voilà ce à quoi nous sommes appelés. C’est la grâce que nous demandons dans ce dimanche : réfléchir à intérioriser notre vie, pour faire de nous, comme le demande Saint Paul, des hommes spirituels, des hommes intérieurs : « Mon Père cherche des adorateurs en esprit et en vérité. »
SAINT ET JOYEUX TEMPS PASCAL A VOUS TOUS CHERS AMIS !