Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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« VOUS ME VERREZ VIVANT ET VOUS VIVREZ AUSSI ! »
Lectio divina pour le 6ème Dimanche de Pâques
Ac.8, 5-17 1P.3, 5-18 Jn.14. 15-21
Nous aurons remarqué comment l’Église nous prépare peu à peu à célébrer la fête de la Pentecôte, c’est-à-dire sa propre fête, la fête de sa naissance dans l’effusion du Saint-Esprit, en nous faisant méditer depuis quelques temps sur cette Personne un peu oubliée de la Sainte Trinité. Nous allons donc essayer de voir, avec ces textes, l’importance de l’Esprit Saint dans notre vie.
« Je crois Seigneur, mais augmente ma foi ! »
Il y a donc chez l’apôtre et l’évangéliste cette distinction sur laquelle nous devons réfléchir en relevant tout de suite que la division de ce monde en deux parties n’est jamais définitive. Elle n’est pas, comme nous le pensons quelquefois, le fait de la classe sociale ou même le fait de l’inscription canonique, juridique dans une église : nous les croyants et eux les incroyants.
La division du monde dont parlent Pierre et Jean s’établit en fonction de la vision que nous avons de Jésus, en fonction de notre foi hic et nunc. De notre foi d’aujourd’hui, et pas de la foi de notre grand-mère, ou même de mon catéchisme qui remonte à 25, 35 ou 45 ans. C’est de notre foi actuelle dont il est question, c’est-à-dire de l’adhésion plus ou moins profonde, plus ou moins tenace au message que Jésus nous révèle dans Son Évangile.
Jésus dit : « Celui qui me suit, ne marche pas dans les ténèbres, mais il est dans la lumière. » D’où la définition que fera Jean dans la description de l’humanité : il y a le monde des ténèbres et le monde de la lumière, il y a une part de l’humanité qui suit le Christ et qui marche dans la lumière. Il y a une part de l’humanité qui ne suit pas le Christ et cette part de l’humanité qui est dans les ténèbres, Jean l’appellera tout simplement de ce nom de ‘monde’.
Alors nous pourrions voir aujourd’hui, pour commencer notre préparation à la fête de Pentecôte, de quel côté nous nous situons. Ce n’est pas évident. Ce n’est pas parce que nous sommes prêtres, ou fidèles laïques, participant, même par l’intermédiaire des écrans, à une Messe dominicale que nous sommes dans le monde de la lumière !
« Vous mourrez dans le péché parce que vous êtes aveugles. »
Quelle est l’adhésion véritable au Christ de l’Évangile, et pas au Christ que nous nous imaginons, que nous composons habilement avec quelques systèmes casuistiques pour élargir au maximum les principes moraux que Jésus nous enseigne ?
Faisons bien attention, lorsque nous analysons notre cas, de bien voir que, encore une fois, le ‘monde’ au sens des ténèbres n’est pas seulement le monde du crime, de la drogue, de la guerre. Le monde des ténèbres, c’est le monde de l’aveuglement. Jésus le dit suffisamment de fois aux pharisiens qui ne sont ni drogués, ni criminels, ni guerriers, mais des gens extrêmement purs, pratiquants, comme vous, comme moi…
Et c’est à nous tous, comme aux pharisiens que Jésus dit, en guise d’avertissement : « Vous mourrez dans le péché parce que vous êtes aveugles. »
« Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres… »
Par exemple, comme le rappelle Pierre, serions-nous prêts à justifier de l’espérance qui est en nous ? Nous nous disons alors : mais de quelle espérance faut-il justifier ?
Nous avons vu ces derniers dimanches que l’espoir de l’homme c’est la vie. Il n’y a qu’à voir les progrès de la médecine. Toutes les forces financières, intellectuelles, morales, de tous les pays du monde s’assemblent pour essayer de guérir les maladies les plus tenaces. Cela suffit pour s’apercevoir que ce qu’il y a finalement de plus profond dans l’homme, c’est quand même l’instinct de conservation. Et c’est normal !
Mais l’espérance chrétienne va transformer, purifier, assumer cet espoir de l’homme. Elle va se définir comme l’attente, comme la tension, comme la marche vers la Vie éternelle, vers la vraie Vie. La Vie éternelle, avant d’être éternelle, est la Vie, auprès de Celui qui se définit comme le Vivant dans l’Apocalypse, celui qui est le Dieu de la Vie, « le Dieu des vivants et non pas des morts. »
Donc l’espérance chrétienne est cette tension vers la Vie, ce désir de communier de manière totale avec Celui qui est la Vie, avec Celui qui est le Saint et qui nous appelle à partager Sa sainteté et la Joie qui en découle.
« Soyez saints parce que moi je suis saint. »
Ceci étant comment pouvons-nous, nous pauvres humains, justifier de cette espérance ? Avec deux éléments fondamentaux de notre foi qui rassemblent d’ailleurs la catéchèse primitive de l’Église.
Le premier élément, que rappelle Pierre, c’est que nous croyons que Jésus est Seigneur. Ce nom Kyrios, que nous invoquons en début de messe « Kyrie eleison, Seigneur prends pitié… » est la dénomination grecque qui traduit l’appellation juive de la divinité : « Adonaï. »
Lorsque nous reconnaissons que Jésus est Seigneur, nous reconnaissons Sa divinité, notre foi est établie sur cette divinité : « Tu es le fils de Dieu… », « Tu as les paroles de la vie éternelle… » « Pour vous qui suis-je ? » demande Jésus à Ses apôtres. « Tu es le Messie, Tu es le Fils de Dieu. » Tu es Kyrios, Tu es Seigneur. Tu es Dieu né du vrai Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu !
Et donc puisque Tu es Seigneur, puisque Tu es Dieu, Tu es le Saint, parce que pour la tradition juive et pour la tradition chrétienne, Dieu se définit par Sa Sainteté. Dieu est Celui qui est Tout-Autre, Celui qui est séparé, Celui qui est transcendant, Celui qui est parfait, Celui en qui il n’y a pas de mouvement, pas de changement, pas de composition, pas d’imperfection…
Et Dieu, parce qu’Il est le Saint, parce qu’Il possède en plénitude cette perfection de sainteté, Lui et Lui seul peut nous faire participer à Sa sainteté qu’Il veut nous faire partager. La grande révélation de l’Ancien Testament (qui se mélange à l’alliance libératrice de l’Égypte : l’Exode), c’est : « Soyez saints parce que moi je suis saint. » Voici le premier point fondamental de notre foi que Pierre nous précise dans son épître : Reconnaître en notre cœur que Jésus est Seigneur et que donc Il est le seul Saint.
« Je l’aimerai et je me manifesterai à lui. »
Le deuxième point fondamental est encore plus extraordinaire et distingue notre foi d’autres religions qui croient aussi en Dieu. Ce deuxième point fondamental est de reconnaître que ce Jésus qui est Kyrios, qui est Seigneur, Saint et Sanctifiant, Il est dans mon cœur !
C’est pour cela que Jésus est effectivement sanctifiant : parce que c’est de l’intérieur qu’Il me donne Sa sainteté, qu’Il me donne Sa vie, qu’Il me donne Sa vertu. Il ne me recouvre pas d’une chape d’or qui serait une chape de justice venant se mettre sur ma pourriture humaine, comme le pense la théologie protestante.
Il ne me sanctifie pas de l’extérieur. La Loi évangélique n’est pas un code, comme le code de la route ou la loi civile à laquelle je dois obéir. Jésus est en moi et avec Lui, le monde des béatitudes : le Pauvre, le Doux, l’Assoiffé de justice, le Cœur pur est en moi. Il va me faire vivre de Sa vie, Il va me faire vivre de Son âme et de Son humanité…
Nous sommes Son corps et Il est la Tête ! Nous sommes vraiment un !
Voilà le deuxième élément fondamental de notre foi qui nous permet effectivement de justifier vis-à-vis du prochain notre espérance en la Vie éternelle. Car la Vie éternelle qui est Dieu, elle est en nous depuis notre Baptême. Je suis configuré à Jésus, je suis un autre Christ, je suis appelé à vivre Sa Vie, grâce à Sa Vie qu’Il me donne de vivre. C’est tout le mystère de notre année liturgique.
« Le Père vous donnera l’Esprit de vérité… »
Comment avons-nous pu adhérer à ce mystère extraordinaire et comment se fait-il que d’autres hommes n’entrent pas dans cette démarche ?
C’est à cause de l’Esprit Saint. L’Esprit Saint c’est l’Esprit de vérité. L’Esprit Saint est Celui qui me permet de dire oui à la révélation que Jésus fait du mystère de Son Père et de Son propre mystère dans l’Évangile.
L’Esprit Saint, c’est l’Esprit de Jésus. Jésus est le ‘oui’ du Père dit saint Paul. Donc lorsque je reçois l’Esprit, mon cœur et mon esprit adhèrent à ces révélations de Jésus dans l’Évangile et me font dire ‘oui’ au Père. Et nous revenons encore à Pierre : « Où irions-nous Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle ? »
Cet Esprit Saint Jésus l’appelle, dans l’Évangile, le Défenseur. Parce que justement, Il défend notre foi. Il l’appelle aussi le Consolateur parce qu’Il est le fondement de notre espérance.
Cet Esprit Saint, qui est au Fils comme Il est au Père, qui est l’Amour de Jésus pour Son Père, comme c’est l’Amour du Père pour le Fils, Jésus a prié Son Père pour pouvoir nous Le donner : « Je prierai le Père et il vous donnera un autre défenseur…
Nous savons que l’instant suprême de la plus grande prière de Jésus, c’est la croix. Nous qui avons tous souffert malheureusement dans notre vie, nous nous sommes sûrement aperçus que la plus belle prière c’est la souffrance. Et la plus belle prière de Jésus ce n’est même pas la prière sacerdotale du chapitre 17 de Saint-Jean (« Père glorifie moi comme je t’ai glorifie »), la plus belle prière de Jésus, c’est la croix où Jésus, effectivement, concrètement, donne Sa vie par Amour pour Son Père et pour les hommes que le Père Lui a confiés et dont Il ne veut perdre aucun.
Et, très logiquement, c’est à cet instant qu’Il prie le Père de pouvoir remettre aux hommes l’Esprit Saint : « Il remit l’esprit. » écrit Jean (19, 30).
« Car la chair ne sert de rien, c’est l’esprit qui vivifie »
Effectivement le Père, si l’on peut dire, autorise Son Fils à donner Son Esprit au monde. Comme Jésus a déjà donné Son corps et Son sang, Jésus donne aussi Son Esprit. « Car la chair ne sert de rien, c’est l’esprit qui vivifie » prévenait Jésus lorsqu’Il annonçait l’Eucharistie au chapitre 6 de Jean. Il exprime, Il expire ce Souffle. Ce Souffle de Sa consécration par l’Esprit, comme le rappelle Jésus dans la synagogue de Nazareth, Il Le donne au monde !
À nous de Le recevoir, ou à nous de Le refuser.
Si je Le reçois, j’ouvre mon cœur et j’entre dans la profondeur du mystère de Jésus. Mais je peux Le refuser (comme le firent certains après le discours sur le Pain de vie). Je peux dire, moi aussi, en voyant ce que l’Esprit me montre, en voyant l’Évangile, en voyant que Jésus est Fils de Dieu, qu’Il me donne Son corps, qu’Il fonde l’Église, qu’Il me pardonne mes péchés -quel que soit ce péché- , lorsque je vois tout cela révélé par l’Esprit en moi : « Ces paroles sont trop dures à entendre, qui peut les accepter ! »
« Ces paroles sont trop dures à entendre, qui peut les accepter ! »
C’est quelquefois cela que nous faisons. Nous remettons en doute les paroles de Jésus auxquelles nous devrions adhérer dans l’Esprit-Saint. Et nous faisons des communions tièdes, et nous manquons à notre devoir de réconciliation, et nous manquons à la charité fraternelle, et nous ne suivons pas le commandement de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Nous basculons alors, pour une part de nous-mêmes, dans le monde des ténèbres. Pas complètement, je l’espère, mais pour une part. Combien de fois nous nous sommes dit devant une situation relationnelle difficile, en couple, en famille, en communauté : c’est difficile ! C’est difficile de pardonner, c’est difficile de donner encore, c’est difficile de comprendre, c’est difficile d’aller vers l’autre, c’est difficile de donner le baiser du pardon, c’est difficile d’excuser…
Qui de nous ne s’est jamais dit cela ? C’est difficile, devant telle et telle immoralité ou injustice de ne pas, nous aussi, tricher vis-à-vis des autres, c’est difficile de se garder propre… Ah oui, « ces paroles sont trop dures, qui peut les entendre ! » Cela ne concerne pas que l’Eucharistie, mais tout ce que l’Eucharistie dans notre vie vient éclairer, vient nourrir.
« Vous reconnaîtrez que je suis en vous et que vous êtes en moi. »
Nous comprenons l’importance de l’Esprit-Saint pour nous. C’est Lui qui nous éclaire, c’est Lui qui nous permet d’adhérer.
Nous saisissons alors la nécessité de prier l’Esprit-Saint et de nous préparer à la fête de Pentecôte pour être toujours sous Sa mouvance et pour ne pas refuser l’Évangile. Pour pouvoir au contraire, dans la mouvance de l’Esprit, dire chaque jour : oui Seigneur je crois que tu es Kyrios, je crois que tu es Dieu, le Saint, le seul Saint, qui sanctifie.
Et Jésus nous dit dans l’évangile d’aujourd’hui : « Vous reconnaîtrez que je suis dans le Père », c’est à dire que je suis Saint… Oui Seigneur je crois que Tu es en moi, que Tu demeures en moi.
Et Jésus poursuit : « Vous reconnaîtrez que je suis en vous et que vous êtes en moi. » Oui Seigneur, je crois que Tu es venu en moi comme Dieu Saint et Sanctifiant pour me donner la vie, pour me donner Ta Vie ! C’est ce que Jésus nous dit, toujours dans l’évangile : « Vous me verrez vivant et vous vivrez aussi. »
Alors faisons de ces quelques jours qui nous séparent de la Pentecôte, un temps d’effort pour demander l’Esprit, c’est-à-dire pour ouvrir plus largement la porte de notre cœur à Sa venue, à Sa Lumière, à Son Amour !
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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