Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
COMME JE VOUS AI AIMÉS, AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES !
Lectio divina pour le 6ème Dimanche de Pâques au 6 mai 2018
Avec le 6èmedimanche, nous progressons dans le chapitre 15 de Saint Jean dans lequel le Seigneur s’assimile à la Vigne. Ce n’est plus seulement, comme dans l’Ancien Testament, le peuple élu et choyé par Yahvé qui est la vigne et pour lequel Dieu n’est qu’un gardien amoureux, certes, mais extérieur. Avec le Nouveau Testament, c’est le Christ Lui-même qui est la vigne, engendré par le Vigneron qui est le Géniteur, celui qui donne la Vie. Les chrétiens sont les sarments, ceux-là qui restent greffés sur le cep à tel point que c’est la même sève qui passe du Père dans le Fils, du Fils dans les sarments, et des sarments dans les fruits…
« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. »
C’est avec cet arrière-fond sur l’unité entre le Père et le Fils comme entre le Fils et les hommes qu’il nous faut aborder la deuxième partie du discours de la vigne qui commence par cette apostrophe magnifique : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. » Il ne s’agit pas ici de l’amour comme nous pouvons le connaître et l’expérimenter, nous les êtres créés qui posons des actes d’amour, c’est-à-dire une relation de don à l’autre.
Il ne s’agit pas de poser pour Jésus un acte qui soit extérieur et différent. Dieu est Amour et l’acte d’aimer, en Dieu, s’identifie pleinement à Son Etre divin. Aussi, lorsque Jésus nous dit : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés » cela veut dire que nous recevons dans cet acte d’Amour la communication de l’Etre divin. Comme le Père m’a donné la Vie, comme le Père m’a donné Sa Vie, moi aussi Je vous donne ma Vie, Je vous donne mon être, veut dire Jésus !
Oui, Jésus nous aime comme le Père L’aime. Et comme en Dieu, il n’y a pas l’être et l’amour, mais il y a l’Etre qui égale l’Amour, Jésus nous révèle qu’Il nous engendre à Sa vie, à Son Etre, comme Lui-même fut engendré à la Vie du Père ! Quelle grandeur d’amour qui dépasse infiniment le niveau subjectif du sentiment !
« Celui qui n’aime pas ne connaît pas Dieu car Dieu est amour. »
Paul et Jean décrivent de la même manière dans tous leurs écrits cet Amour de Dieu qui nous entraîne à partager Son Etre, Sa vie : nous sommes élus, nous sommes sanctifiés, nous sommes choisis, nous sommes fils adoptifs dans le Fils !
D’ailleurs, dans l’extrait de la première épître de Jean que nous entendons dans la Liturgie dominicale, l’apôtre nous dit : « On reconnaît l’amour à ceci : Dieu a envoyé son Fils pour que nous vivions par Lui », faisant ainsi le lien entre l’Amour de Dieu et la Vie par Dieu.
Pour Jean, la preuve de l’Amour de Dieu n’est pas tant la grandeur de l’acte par lequel le Père nous envoie Son Fils, -ce qui est déjà absolument merveilleux !- que le résultat obtenu par cet acte : nous vivons par Lui, nous sommes réellement immergés dans la Vie trinitaire ! Et c’est ce qui fascine le disciple bien-aimé.
Car le mystère de Dieu, le plan de Dieu sur l’humanité que Paul nous dévoile à l’envi dans ses écrits, c’est de nous faire partager cette Vie, de nous introduire dans le mouvement perpétuel de la Vie divine, Père, Fils et Esprit qui est une Vie d’Amour : « Dieu vous a réconciliés avec lui, grâce au corps humain du Christ et par sa mort, pour vous introduire en sa présence, saints, irréprochables et inattaquables » écrivait-il aux Colossiens.
« Dieu est Amour. »
Si nous sommes introduits dans cette Vie d’Amour, c’est que Dieu nous a donné cet Amour. « Car l’amour vient de Dieu …» Jean veut nous dire par là que, de Dieu seul peut venir l’Amour, car Dieu est l’Amour en plénitude, Il le possède totalement. Mieux, Il l’est : « Dieu est Amour. »
Et nous devons aller plus loin en avançant une vérité difficile à comprendre. Nous devons dire que nous ne pouvons pas aimer sans Dieu ! Donc là où dans nos vies de baptisés ou de non-croyants, là où dans nos vies d’homme, il y a amour véritable (du moins, tension, effort vers un amour véritable) il y a forcément Dieu !
Si donc nous sommes introduits dans cette Vie d’Amour, c’est parce que nous avons reçu de Dieu, comme un don gracieux, cet Amour qui est le principe même de Sa Vie, Lui qui est Amour. C’est en cela qu’Il « nous a aimés le premier. »
Celui qui est né de Dieu, celui-là a reçu le don de l’agapè. Inversement, celui qui aime, partage la Vie de Dieu, est appelé fils de Dieu.
Dieu nous a aimés le premier, et Dieu nous demande, à travers Jésus, de demeurer dans Son Amour. Et là encore, il nous faut bien faire attention de dépasser le seul stade sentimental ou sensible. Demeurer dans Son amour, ce n’est pas seulement être en relation de gentillesse, de sympathie philanthropique. Il ne s’agit pas de cela.
« Demeurez en mon amour »
Le commandement que Dieu me donne par Son Fils, c’est de demeurer dans Son Etre, dans cette Vie que je reçois par le Baptême. Jésus nous supplie de préserver cette unité substantielle (par grâce, alors que Lui était uni substantiellement à Son Père par l’union des deux natures humaine et divine, dans Son unique Personne).
Jésus demande au baptisé de subsister en conscience, c’est à dire en vérité effective, dans cette unité de personne avec Lui, unité, répétons-le, acquise au Baptême. Et comment préserver cette unité ? Tout simplement en faisant en sorte que ma personne humaine et bien à moi, soit l’acteur des pensées, des actes et des paroles de Jésus. Comment pourrions-nous comprendre autrement l’affirmation de Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » ?
Le baptisé est configuré à Jésus pour faire une unité personnelle. Nous sommes appelés à être effectivement d’autres Christ. Nous sommes missionnés pour être les sacrements dans le monde actuel de la présence de Jésus. C’est pourquoi de notre personne doit surgir la pensée, l’agir de Jésus qui, encore une fois, se résume à la charité. C’est pourquoi Jésus nous invite avec autant de force que de tendresse à nous aimer fraternellement : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. »
Là encore, ce n’est pas seulement une comparaison avec un modèle qui nous serait étranger dont il est question. Jésus ne nous demande pas d’essayer tant bien que mal, avec notre pauvre humanité de L’aimer et de nous aimer comme Lui nous a aimés. Jésus est le principe intérieur de notre agir. Il demande à ce que ce soit Lui qui, à travers nous et par nous, aime le prochain, avec ce même Esprit d’Amour qui L’a poussé à donner Sa vie sur la Croix pour chacun.
« Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres… »
« Comme… » : Laissez-Moi aimer en vous ceux qui vous approchent !
Alors, si nous préservons cette unité qui ne vient pas de nous, mais qui vient de l’Amour premier de Dieu, si nous sommes cohérents avec ce don reçu au Baptême, ce don qui est augmenté, qui est cultivé à chaque Eucharistie, ce don qui est retrouvé à chaque sacrement de Réconciliation, si nous préservons cette unité, nous pouvons dire, comme Jean nous le rappelle, que nous sommes un avec le Christ, de la même manière que le Fils est un avec Son Père : « Car de même que j’ai gardé les commandements de mon Père et que je demeure dans son amour, si vous gardez les commandements, vous demeurerez dans mon amour. »
Et l’on rejoint ainsi l’unité de la vigne. La sève, le sang de Dieu, la Vie divine qui part du Père pour vivifier Son Fils « engendré non pas créé, de même nature que le Père, et par qui tout a été fait » et les sarments.
« Pour qu’ils aient en eux l’amour dont tu m’as aimé… »
Dans le même Discours après la Cène, au chapitre 17 de Jean, Jésus exprime ce désir profond qu’Il partage avec Son Père : « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé.»
Nous porterons du fruit, dans notre mission, nous transmettrons la foi et donc le salut et la Vie, à cette seule condition de rester dans l’unité du Père, avec et par le Fils, dans leur Esprit d’Amour commun.
Cette unité du Père et du Fils est si forte dans la Trinité, qu’elle est Personne : la Personne de l’Esprit Saint, la Personne de la Caritas ou de l’Agapè, c’est-à-dire de « l’Amour manifesté. »
C’est d’ailleurs l’Esprit qui préserve en nous notre unité avec le Père et le Fils, une unité en soi infinie car expression de l’Amour infini que le Père porte au Fils et le Fils au Père. L’Esprit Saint qui, en Dieu, est le fruit de l’Amour entre le Père et le Fils, est pour nous, et en nous depuis le Baptême, la cause, le moteur, le principe, l’énergie de notre union au Christ et par Lui au Père.
C’est pourquoi Jésus terminera Son testament spirituel énoncé tout au long de ces Discours après la Cène, par l’expression de cette demande qui illumine toute Sa mission rédemptrice : « Pour qu’ils aient en eux l’amour dont tu m’as aimé… » Jésus n’a d’autre souhait que cet envahissement de l’âme humaine par l’Energie divine de l’Amour afin que tous les hommes, redevenus enfants du Père puissent accéder à nouveau à la communion trinitaire.
« Tout ce que vous demanderez en mon nom, le Père vous l’accordera. »
C’est pour cela que Jésus peut dire : « Tout ce que vous demanderez en mon nom, le Père vous l’accordera. » Parce que le désir de Dieu, c’est que tout soit récapitulé en Jésus, que tous les frères humains subsistent en Lui, subsistent dans cette unité indissoluble, créée par l’Esprit, fécondée par l’Esprit dans cette terre à la fois vierge et mère qu’est l’Eglise.
Si nous demandons à l’Esprit Saint cette grâce d’unification pour préserver notre unité avec Jésus, nous sommes certains que Dieu nous l’accordera puisque c’est le désir de Dieu. Demandons l’Esprit Saint pour demeurer dans l’Amour de Jésus afin que nous soyons un avec Lui, comme Il est un avec Son Père.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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