Jésus dirige notre vie selon Son amour.
Et bien sûr nous le savons, nous sommes incapables par nous-mêmes de poser un acte d’amour vrai et profond vis-à-vis de Dieu qui est infini et ne peut être aimé vraiment que par un amour à Sa mesure comme nous dit saint Paul : « Qui connaît Dieu si ce n’est l’Esprit de Dieu ?» Qui peut aimer Dieu si ce n’est Dieu Lui-même ?
Alors le Christ va nous donner ce dont nous avons besoin et que nous ne possédons pas en nous-mêmes puisque nous sommes justement Ses créatures, Il va nous donner cet Amour que Dieu en Lui porte pour Lui, et porte aux hommes. Et cet Amour c’est l’unique Esprit qui a présidé à la Création, qui a présidé à l’Incarnation et qui présidera à la naissance de l’Église…
Donc dans ce deuxième moment, où nous rejoignons la deuxième partie de la Collecte : « Afin que nous portions du fruit au nom de Jésus », le Christ, pour que nous puissions achever cette relation amoureuse et filiale que nous désirons, une relation à l’image de Sa relation avec Son Père, nous donne ce qu’il nous faut pour aimer Celui que nous serions bien incapables d’aimer par nous-mêmes : « Nul ne va au Père que par moi. ».
C’est pour cela qu’Il dit à Ses apôtres : « Vous devriez vous réjouir que je monte vers le Père, parce que si je ne monte pas je ne vous enverrai pas le Consolateur. » Et nous serions comme des enfants attristés, sentant que nous sommes faits pour aimer ce Père et que nous n’en avons pas la capacité.
« Dieu a tant aimé le monde qu’Il a envoyé son Fils pour que le monde ait la vie »
Donc le Christ, Fils de Dieu, cette fois-ci par causalité efficiente, nous donne Dieu par l’Esprit qu’Il communique à Son Église et qu’Il nous communiquera personnellement par le Baptême puis par chaque sacrement. Il nous donne à chacun, dans l’Église, cet Esprit, c’est-à-dire cet Amour de Dieu, afin que nous puissions accomplir, comme Lui-même accomplit, la Loi dont la perfection est l’amour comme dit saint Paul. Autrement dit, nous pouvons achever cette relation amoureuse avec Dieu que nous désirons parce que le Christ nous a révélé l’amour de Dieu pour nous : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a envoyé son Fils pour que le monde ait la vie. »
Et puis, à ceux qui Le suivent c’est-à-dire dira saint Jean « à ceux qui L’ont reçu » comme tel dans ce rôle de sacrement de l’Amour du Père (« qui me voit, voit le Père »), « à ceux qui Le reçoivent Il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » c’est-à-dire Il a donné cet Esprit Saint.
Et l’épître aux Hébreux dira pareillement : « à ceux qui Lui obéissent, à ceux qui Le suivent, Il est devenu cause de salut » c’est-à-dire Il est devenu la porte par laquelle nous entrons dans le pâturage, par laquelle nous entrons en relation avec le Père.
Comme nous le voyons, le Nouveau Testament déborde de cette analyse sur la double action rédemptrice de Jésus qui nous attire, et ensuite, donne l’Esprit à celui qui est venu à Lui parce qu’il a soif de cet amour, pour qu’effectivement il puisse s’accomplir dans sa relation de fils avec le Père : « Celui qui a soif, qu’il vienne à moi et des fleuves d’eau vive jailliront de son sein !
« Ils venaient tous à Lui et Il les guérissait tous. »
Cette dualité de l’acte rédempteur de Jésus se retrouve dans la manière que le Christ a d’entrer en relation avec les hommes de Son temps.
Toute cette semaine, nous l’aurons remarqué, l’évangile de Marc a décrit ces foules qui suivaient Jésus.
L’évangéliste insiste sur la multitude : « Toutes » les foules, « Tous » les malades, et Il guérissait « toutes » les maladies, « ils venaient tous à Lui et Il les guérissait tous. »
Donc saint Marc, toute cette semaine passée, nous a décrit dans ces premiers chapitres le mouvement de ces foules qui suivent Jésus, attirées par Lui et qui viennent à Lui. Puis très curieusement, dans le chapitre 3 qui suit le paragraphe que nous lisons ce dimanche, après avoir décrit ces foules qui Le suivent, car attirées par Ses miracles, par Sa bonté, Marc dit : « Il gravit la montagne et Il appela à Lui ceux qu’Il voulait » reprenant et confirmant donc l’appel des premiers disciples que nous venons de lire aujourd’hui.
Il y a donc deux sortes d’appel, ou plus exactement deux relations bien différentes entre Jésus et les hommes de Son temps.
« Il gravit la montagne et Il appela à Lui ceux qu’Il voulait »
Jésus n’appelle jamais les foules. « Il est ! et ça suffit. » disait saint François d’Assise « Il est perfection ; c’est tout. » disait Thérèse d’Avila. Il est perfection attirante et c’est là l’appel. Il est perfection et si on prenait la peine de regarder cette perfection, Il nous attirerait car Il est perfection attirante pour tous ! C’est un appel implicite, mais qui est absolument universel. Il ne dit rien ; ce sont les foules qui Le suivent ; Il se laisse suivre.
En revanche, Il va en appeler explicitement quelques-uns à Le suivre. Il passe le long du lac raconte Marc, Il voit Pierre et son frère André, puis Jacques et son frère Jean ; Il leur dit : « Suivez-moi ». Il passera devant le bureau de Matthieu : « Suis-moi ! » Nous avons là un acte totalement différent.
Dans le premier appel, qui n’est qu’un silence, toutes les foules sont capables de Le suivre, d’être attirées, d’être aimantées par cette perfection d’amour. Ce sont ces impressions premières que nous avons souvent dans nos premiers moments de conversion…Ensuite, il en appelle quelques-uns explicitement.
Pourquoi ? Pour poursuivre en Son nom Son action vivifiante qui est le don de l’Esprit. Et cela par un pouvoir spécial : le pouvoir d’ordre, le pouvoir sacramentel c’est-à-dire pouvoir de de continuer Ses gestes à Lui, le Sauveur, et donc de donner l’Esprit-Saint !
Voilà la deuxième vocation, le deuxième appel précis et personnel, qui est lié à la Rédemption, à l’image du calvaire : « Il gravit la montagne… » Et « Il appela à Lui ceux qu’Il voulait », non pas les plus saints, non pas les meilleurs, mais ceux qu’Il choisissait pour continuer Sa mission de Salut.
« Je vous ai choisis pour que vous alliez et portiez du fruit. »
Ces hommes sont d’abord comme tous les autres de cette foule : attirés par Jésus. Souvenons-nous, dimanche dernier : « Celui-ci est l’Agneau de Dieu, …et ils Le suivirent. »
Jean et André sont d’abord, si je puis dire, des baptisés ; ils ont d’abord cette vocation, qui est celle des laïcs, de suivre, d’être attirés : « Maître, où demeures-tu ? »
Puis ces mêmes hommes, qui sont désirés par le Christ, sont appelés nommément pour continuer le don de Dieu aux hommes par le biais de l’Église qui naît à la Croix : la remise de l’Esprit-Saint à travers l’organe sacramentel et en particulier, bien sûr, le Baptême…Pour que tous les hommes qui sont attirés puissent entrer en relation avec Dieu et y trouver leur bonheur.
Donc deux vocations différentes, mais qu’on ne peut pas opposer : d’un côté le fidèle du Christ, de l’autre côté l’évêque qui a la charge pastorale en plénitude et avec lui, pour l’aider dans sa charge pastorale qu’est le don de l’Esprit aux âmes, les pauvres prêtres que nous sommes.
Nous sommes là pour donner cet Esprit aux fidèles. Là nous rejoignons encore, en étant à la suite de Jésus, la deuxième partie de la Collecte : « Afin que nous portions du fruit au nom de Jésus. » C’est un rappel explicite du discours après la Cène dans lequel le Christ redéfinit et l’appel pastoral et la charge du berger : « Je vous ai choisis pour que vous alliez et portiez du fruit. »
Et ce fruit c’est l’Esprit que nous donnons à tous nos frères et sœurs dans les baptêmes, les mariages, les confessions ! En dehors de notre sainteté bien sûr, mais aidés par notre recherche de sainteté.
« Afin que nous portions du fruit au nom de Ton Fils », disait Jean, éclairant ainsi la Collecte : « Que vous alliez et que vous portiez du fruit. » Le fruit, encore une fois, c’est l’œuvre radicale de l’Esprit semé en vos cœurs par l’intermédiaire du Christ, puisque c’est Son Esprit ; c’est accomplir effectivement cette relation désirée par le Père avec chaque être humain qui devient ainsi Son enfant !
« C’est Lui !»
Nous avons donc deux vocations qui ne sont pas au même niveau. Il y a la vocation fondamentale qui est décrite par Jésus dans son discours après la Cène : « Demeurez en mon amour », demeurez en cet Esprit-Saint que Je vous donne pour que vous puissiez effectivement vivre en union filiale avec Mon Père.
Et pour recevoir cet Amour, Il en ordonne quelques-uns, « pour qu’ils portent du fruit » c’est-à-dire pour que ce fruit qui est l’Esprit-Saint soit fécondé dans les âmes, que les âmes soient ensemencées par cet Amour.
Depuis l’onction sacerdotale de l’Ordination, le prêtre n’est fait que pour donner Dieu aux hommes, à la suite de Jésus, en espérant aussi qu’il puisse donner les hommes à Dieu, en espérant que par sa conduite, par sa charge de ministère, il puisse attirer son prochain au Christ et, par le Christ, qu’il puisse l’attirer au Père… Qu’il puisse en tous cas Le montrer comme le Baptiste : « C’est Lui !» Qu’il puisse provoquer en chacun cette flamme, ce déclic, cette découverte : mais oui, c’est Lui, nous L’avons trouvé, c’est le Messie ! Pour qu’ensuite, par son pouvoir d’Ordre, il vous donne la capacité de répondre à cette attirance, d’actualiser cette attirance en vous donnant l’Esprit.
Prions pour que nous comprenions bien dans l’Église d’aujourd’hui ce travail complémentaire qu’il y a entre la vocation fondamentale du baptisé et cette vocation de l’apôtre qui est fait, lui, pour être pêcheur d’hommes. Il n’est pas fait seulement pour être missionnaire comme le baptisé dont le rôle est d’être témoin. Il est fait pour être pêcheur d’hommes !