Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
Lectio divina
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« POUR QUE MA JOIE SOIT EN VOUS ! »
Lectio divina pour le 3ème Dimanche de l’Avent Année A
Is.35, 1-10 Jc.5, 7-10 Mt.11, 2-11
Nous imaginons Jean-Baptiste, au fin fond de sa prison de Macheronte, dans un cachot humide, et qui de ce trou obscur envoie ses disciples pour poser cette vibrante question : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Question qui dépasse infiniment le doute momentané du Baptiste, pour atteindre et représenter l’angoissante interrogation de l’homme, celui qui « a été fait ni terrestre, ni céleste, ni mortel, ni immortel afin qu’il se façonne lui-même. » comme l’écrivait Pic de la Mirandole.
« Es-tu celui qui doit venir ? »
« Es-tu celui qui doit venir ? » N’est-ce pas aussi notre interrogation qui dévoile nos incertitudes sur nous-mêmes, sur notre devenir, sur notre bonheur ? Sommes-nous si sûrs finalement que Jésus est Celui qui doit venir, qui vient à nous dans tel ou tel de nos frères, dans tel ou tel des évènements de notre vie ? Es-tu celui qui doit venir pour nous aider à nous construire et à nous définir comme enfant de Dieu ?
Regardons le Baptiste, celui qui fut « le plus grand parmi les hommes », celui dont la mission, profondément inscrite dans son être, était d’annoncer le Messie, celui qui devait venir au nom de Yahvé pour sauver Israël en recouvrant le peuple de la gloire de Dieu… Ce Baptiste, ce précurseur sanctifié dans le sein de sa mère, conçu miraculeusement, regardons-le devant la simplicité de cet Agneau de Dieu qui vient se faire baptiser, homme parmi les hommes !
N’était-ce pas alors logique de douter ? De se poser la question : mais où donc est passé la magnificence de Dieu ? Où donc est passée cette gloire de Yahvé sauvant Son peuple, où donc sont passées les caractéristiques de la théophanie du Sinaï, du miracle de la Mer Rouge avec le grand Moïse, de la Pâque ?
« Les aveugles voient, les sourds entendent, la Bonne Nouvelle est annoncée… »
Réponse de Jésus à Jean : N’attends-tu pas celui qui vient donner la Vie de Dieu ; et ne suis-Je pas, moi qui guéris les aveugles, les sourds, les muets, les boiteux, ne suis-Je pas celui-là qui amène justement la plénitude de Vie ? Ne vois-tu pas, Jean, ces réalités eschatologiques -des temps derniers- que tu attendais avec Isaïe : les aveugles voient, les sourds entendent, la Bonne Nouvelle est annoncée… ?
Vois ces réalités qui présentent devant tes yeux, Jean mon précurseur, comme devant les vôtres, un monde de vie, un monde sans larmes, sans peines, tel que le décrira l’Apocalypse…
Laissons dans l’intimité de son âme éclore la propre réponse du Baptiste…
Mais nous, quel sens pouvons-nous donner à cette plénitude de vie promise et présentée par Jésus dans notre monde de souffrance, de lutte ? Où sont-ils les malades guéris ? Où sont-ils les pauvres soignés et nourris, où sont-ils les traités pacifiques, mettant fin aux discordes, aux disputes, aux guerres ?
Et pour nous-mêmes, personnellement, ne nous posons-nous pas aussi cette question, soit avec l’âge lorsque nous faisons un retour sur nous-mêmes, soit dans la jeunesse lorsque se présente à nous un avenir incertain : où est-il mon bonheur ?
Pouvons-nous répondre à cette question : Où est-elle notre paix ? Où est notre plénitude à chacun, chacune d’entre nous ? Avons-nous une réponse ?
« Le Royaume de Dieu est au dedans de vous »
N’avons-nous pas, comme Jean, des vues sur le Royaume qu’il nous faut purifier, dépasser ? Par exemple, ne voudrions-nous pas nous aussi voir la gloire de Dieu éclabousser le monde, remplir notre âme, l’absorber entièrement ? Et ne sommes-nous pas alors découragés, désespérés de nous voir piétiner dans nos faiblesses, sans sortir de l’ornière de nos péchés ?
Revenons alors aux réalités eschatologiques. Revenons à l’Évangile pour trouver la réponse donnée par Jésus.
Ces réalités sont aussi des signes. Le Royaume eschatologique n’est pas tant celui où l’aveugle voit, où le boiteux marche, et où le sourd entend que le Royaume de la perfection intérieure signifiée par ces guérisons, le Royaume du perfectionnement intérieur rendu possible par le médecin qui est Jésus, et qui est venu soigner ceux qui étaient malades, les pécheurs.
Alors, posons-nous cette question face à ce perfectionnement intérieur : n’avons-nous pas déjà vu Jésus dans notre vie ?
N’avons-nous pas, comme les aveugles guéris, vu la présence de Dieu dans notre vie ? N’avons-nous pas comme ces sourds guéris, entendu déjà un ou plusieurs appels de Dieu dans nos vies, dans notre jeunesse, pour nous marier, pour nous faire prêtre, pour poser un acte important et fondamental d’homme, de femme, un choix de vie ?
N’avons-nous pas déjà, dans notre vie, fait des pas et des pas pour aller à la rencontre du Christ, pour assister à l’Eucharistie, pour nous réconcilier tant et tant de fois ? N’avons-nous pas, chacun à notre manière, tenté de dire et de proclamer les merveilles que Dieu a faites pour notre âme, nous permettant de supporter une épreuve, nous faisant découvrir un amour, une amitié, nous faisant vivre ?
« Réjouissons-nous, le Seigneur est proche ! »
Si le temps de l’Avent nécessite une lucidité pour voir notre misère, pour appeler le Christ à nettoyer notre âme, le temps de l’Avent nécessite aussi la lucidité, l’humilité, c’est-à-dire le regard vrai, le regard de Dieu pour voir en nous ces signes eschatologiques, ces signes de présence du Royaume qui existent et qui sont nombreux, mais que nous ne savons pas détecter. Nous sommes pessimistes de nature, voire un petit peu jansénistes.
Il nous faut demander la grâce de cette vision intérieure pour redécouvrir -et c’est le thème de ce 3ème dimanche- cette foi, cette espérance, cette charité qui sont en nous-mêmes en pointillé…
Cela nous montre que dans ce vase d’argile qu’est notre âme, Dieu est déjà présent, Dieu est déjà en action. Et nombreux sont les actes, nombreuses sont les paroles, nombreuses sont les pensées en chacun et chacune d’entre vous, de chacun et chacune dans nos communautés familiales ou professionnelles, qui ont fait du bien, qui ont brillé, qui ont réchauffé, qui ont aidé…
Cette constatation humble, puisque le bien qui est en nous vient de Dieu !, est source de joie. C’est le dimanche en rose, le 3ème dimanche de l’Avent : « Gaudeamus… Réjouissons-nous, le Seigneur est proche… » Il n’est pas seulement proche parce qu’Il va venir dans dix jours, Il est proche en vous, en chacun de nous.
« Seigneur, que je vois ! »
Il est en vous, sachez Le voir. Sachez voir que le désert de votre âme contient déjà des parcelles de verger, de jardin fleuri pour reprendre les expressions de l’Écriture !
Et comme l’homme est fait d’abord pour le bien, comme nous sommes tous co-naturels au bien, (puisque créés à l’image de Dieu), malgré la faille du péché, malgré la brisure du mal, malgré nos claudications et nos aveuglements, lorsqu’en nous, nous voyons le bien, nous voyons le bon, nous nous réjouissons !
Oui, nous sommes heureux, et cela nous redonne l’espérance, comme dit la Collecte de cette Liturgie. Cela renouvelle notre courage, cela fortifie nos genoux chancelants, parce que nous savons qu’il y a en nous du bien, que nous avançons lentement vers notre construction, notre plénitude.
Nous sommes heureux de voir l’œuvre de Dieu en nous et cela fortifie notre persévérance pour continuer, pour développer ce bien en vue duquel nous avons été créés, pour lequel nous avons été faits, et par lequel nous avons été modelés.
Souvenons-nous de cela ! Que ce soit cette idée fondamentale du 3ème dimanche de l’Avent qui oriente notre semaine : nous sommes d’abord faits, modelés, créés, pour la grâce, pour la vie, pour la plénitude qui est déjà un peu en nous, à l’état de semence certes, mais qui nous réjouit de sa présence et nous appelle à la laisser grandir.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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