Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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« CELUI QUI DEMEURE EN MOI PORTE BEAUCOUP DE FRUIT ! »
Lectio divina pour le 33ème Dimanche Ordinaire Année C
Mal.3,19-20 2Thess.3,7-12 Lc.21,5-19
Dimanche prochain, nous célébrerons le Christ-Roi, fête qui clôture l’Année Liturgique. Reviendront à cette occasion les textes bibliques concernant la fin des temps. Et avec ces textes reviennent aussi le cortège de nos curiosités, de nos questions sur l’apocalypse telle qu’elle peut nous être dévoilée de manière alléchante par les secrets de Fatima, Garabandal et autres lieux de révélations… Nous sommes, pour une bonne part, très friands de ce catastrophisme évangélique et essayons de lire dans les signes de certaines époques ce qui pourrait rassurer notre conscience quant au jugement que Dieu portera sur nous… Ce faisant, nous passons la plupart du temps à côté du message de Jésus. C’est ce message que j’aimerais vous proposer avec les Lectures de ce 33ème dimanche.
« Voici que je fais toutes choses nouvelles… »
Pour cela, nous partirons d’une vérité simple, présente dans la Bible : lorsque Dieu nous parle de la fin des temps, c’est toujours en relation avec le commencement d’un autre monde : monde de justice, monde nouveau, monde de paix… La littérature apocalyptique (c’est-à-dire des derniers temps) qui va de Daniel au dernier livre de Jean, nous révèle cette union indissoluble entre la fin de notre monde et l’arrivée d’un monde nouveau.
C’est avec cet instrument que nous allons décortiquer la Parole de Dieu.
Si l’on regarde l’évangile, on s’aperçoit facilement que Jésus ne s’intéresse pas à la fin historico-physique du monde terrestre. Il décrit, certes, des évènements de caractère général : soulèvements, cataclysme, guerres… Mais Il dépasse ce signe, Il ne s’y arrête pas et va plus loin. Et les autres signes qu’Il nous donne sont, curieusement, des signes personnels : « On vous arrêtera, on portera la main sur vous, on vous livrera aux synagogues aux gouverneurs et aux rois… Vous serez trahi par votre famille, vos amis… »
Nous passons donc de signes collectifs, et donc vagues, à des signes absolument personnels.
« Pas un de vos cheveux ne tombera… »
Que sont ces signes ?
Nous remarquerons que ce sont les signes de la Passion de Jésus : on a porté la main sur Lui, on L’a livré au Sanhédrin, Il a comparu devant le Gouverneur Pilate et le Roi Hérode, Il fut trahi par Sa famille de Nazareth (les frères du Seigneur…), Il fut livré par Son ami Judas…
Les signes dont nous parle Jésus pour nous indiquer la fin du monde, et qui sont les signes de Sa Passion, sont donc les signes de la fin du règne du Mal et de la victoire de la Vie sur la mort puisque par la Passion la mort est clouée sur la Croix : « Mort où est ta victoire ? » Et avec la Résurrection débute le règne de Dieu, le règne de la grâce, le règne de l’Eglise : « Pas un de vos cheveux ne tombera…
Cela veut dire que ces signes de la Passion du Christ, lorsqu’ils se produiront en nous, signifieront, comme chez Jésus, la fin de l’ancien monde du péché et la venue du monde nouveau de la grâce, ces deux mondes dont nous parle l’Apocalypse.
Tout cela n’est rien d’autre que l’explication de la phrase de Paul : « J’achève en moi ce qui manque à la passion du Christ. »
« J’achève en moi ce qui manque à la passion du Christ. »
Voici les signes donc et leur signification. Ce ne sont pas des signes apocalyptiques : le dernier pape, la prophétie de Malachie ou de Nostradamus… , signes et prophéties qui finalement ne nous concernent pas ! Les signes dont nous parle Jésus sont des signes personnels et ce sont les signes que Lui-même a d’abord vécus !
Bien entendu, nous nous doutons bien -pour en avoir l’expérience malheureuse- que cette fin du monde du péché, cette apparition du monde nouveau ne se fait pas en nous du jour au lendemain ! Notre fin du péché n’arrête pas de commencer… Car nous sommes faibles et pécheurs.
D’où les appels répétés de Jésus à la vigilance.
Être vigilants d’abord parce que ma vie quotidienne est la trame sur laquelle se brode le Royaume de Dieu. Je suis responsable de mon salut, comme me le rappelle Jésus en m’indiquant ces signes personnels. Je suis responsable avec Jésus, avec l’aide de Jésus, de la fin de mon monde de péché et de la construction du royaume intérieur de Dieu. Donc je dois être vigilant et ne dois pas faire comme certains chrétiens : attendre et passer mon temps à lire les messages de tel ou tel indiquant le passage de l’ère du Verseau à l’ère du Poisson ou vice-versa…
Nous devons être vigilants pour une deuxième raison.
C’est vrai que ma vie est l’endroit, le lieu de ma sanctification. Mais quelle vie ? De quelle durée ? Un accident, une maladie, une épreuve grave peuvent nous déstabiliser, nous déséquilibrer… Combien d’entre nos frères sont dans l’incapacité psychique de se raccrocher à l’évangile, pris qu’ils sont dans la spirale dépressive… Sans parler de la mort qui met fin brutalement à notre souffle et à nos efforts.
Nous ne savons donc pas jusqu’à quand nous aurons droit à nos 24 heures quotidiennes pour mettre fin -avec la grâce de Dieu- à notre monde interne du péché et pour mettre à la lumière l’homme nouveau fondé sur le Christ. Nous ne le savons pas et le Fils de l’Homme Lui-même l’ignore !
« Voici que vient le jour du Seigneur brûlant comme une fournaise… »
Cela ne veut pas dire que Dieu est la cause de ces évènements qui mettent fin à notre vie. Comme si Dieu pouvait causer le mal !
Il n’en est point la cause. Mais de fait, lorsque s’achève ma vie terrestre, c’est pour moi la fin de mon travail de sanctification : la pendule du Temps -cet ‘espace de sainteté’ que Dieu me laisse- s’arrête et je me trouve face à Dieu, face à Celui qui est très justement comparé au soleil.
Dieu est le soleil. Non seulement parce que l’astre représente la lumière, la chaleur, la vie, la puissance. Mais parce que, comme le soleil, Dieu est immuable. D’ailleurs, Dieu ne fait-il pas lever le soleil sur les bons et sur les méchants ? Jésus Lui-même assimile Son Père et le soleil car ils agissent tous les deux de manière identique. Ce n’est pas en effet le soleil qui va chauffer plus ou moins fort, faire grandir ou brûler ce que touchent ses rayons. Son action dépendra de la réalité qui est face à sa lumière, de la consistance de la réalité qui est face à lui. Ainsi en va-t-il pour Dieu.
Si je suis un homme détaché du Christ, détaché du cep comme le sarment qui n’a plus de sève et qui est bon à être jeté et à être brûlé, si je suis détaché de Celui qui est l’Homme Nouveau, qui possède en Lui-même la plénitude de la divinité et de l’humanité, celui qui est l’archétype, l’Icône, alors je ne peux rien faire, je ne suis rien. Je ne suis qu’une paille inconsistante qui sera brûlée par la chaleur lumineuse de Dieu.
C’est l’impiété dont parle le prophète. L’impiété ne consiste pas à ne pas mettre de cierge devant la statue d’un saint. L’impiété, c’est la non-compassion. Celui qui a pitié, celui qui est en piété, c’est celui qui compatit à la peine de l’autre. L’impie ne compatit pas… Ne nous reconnaissons-nous pas un peu, avec notre égoïsme, notre désinvolture face aux problèmes de notre prochain ?
« Je suis le cep, vous êtes les sarments… »
L’homme qui est dans l’impiété, qui ne compatit pas, ne participe donc pas à la Passion du Christ, en Lui ou en Ses membres. En conséquence, il ne participera pas à la résurrection du corps. Il n’a pas en lui les signes dont nous parlions tout à l’heure.
Il ne possède pas les signes de la mort au péché et de la tension vers la vie nouvelle. Ce n’est donc pas Dieu qui le juge mais tout simplement Sa Parole, l’Évangile qui n’a pas été entendu et gardé dans le cœur.
À l’inverse, celui qui reste enté sur le cep de la vraie vigne est, comme dit le Psaume 1er, ce feuillage verdoyant, cet arbre au bord du ruisseau qui fleurit et donne des fruits en toute saison et en abondance. Cet homme-là est greffé sur Jésus, sur la Vigne ; il puise à la sève divine qui est le Sang du Fils. Il est alors, bien sûr, solide et consistant : lorsque Dieu le regarde, c’est Son Fils en lui qu’Il contemple… Cet homme n’est ni brûlé ni ratatiné. Au contraire, le soleil le fait grandir et lui fait porter plus de fruit, en abondance, comme une végétation luxuriante : « Celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruit. »
Parce que cet homme aura été en compassion, (par le Baptême il est mort comme et avec le Christ), parce qu’il aura été fidèle (comme dit la Collecte) à ce Baptême, à cette mort au péché marquée dans sa chair, il participera à la Résurrection marquée elle aussi par ses signes particuliers dans la sanctification de sa personne. La mort au péché c’est la mort à l’égoïsme, la mort à l’orgueil, à la vanité, à la jalousie, à l’envie… Et la Résurrection, c’est déjà la christianisation des facultés : de l’intelligence et du cœur…
Voilà ce que signifient ces textes sur la fin du monde, la fin du monde du péché.
Essayons de bien nous préparer à notre fête du Christ-Roi en faisant un examen de conscience sur notre année écoulée pour voir de quel côté penche notre balance : vers la paille à brûler ou vers l’arbre verdoyant qui donne des fruits…
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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