Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« DIEU NE CONNAIT PLUS LE PECHE LORSQUE LE PECHEUR LE RECONNAIT ! »
Lectio divina pour le 30ème Dimanche Ordinaire – Année C
Sir.35, 12-18 2Tim.4, 6-18 Lc.18, 9-14
Les lectures de ce 30ème dimanche mettent devant nos yeux deux comportements : celui du pharisien et celui du publicain, comportements d’ailleurs que l’on utilise de manière abusive lors de nos jugements sur nous-mêmes ou sur les autres. Qui ne connaît pas l’opposition si familière entre le ‘méchant pratiquant’ et le ‘bon mécréant’ ?! Combien de fois entendons-nous cette remarque qu’il vaudrait mieux ne pas pratiquer, mais être bon plutôt que de se rendre à la messe et de se conduire mal…
« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. »
Aussi, devons-nous tout de suite remarquer que le texte de l’Évangile ne se situe pas dans cette perspective psychologique du jugement externe des uns sur les autres.
Nous nous situons dans le Temple dans lequel deux hommes se rendent pour prier. Il s’agit donc de notre analyse personnelle, de la réflexion que chacun de nous doit faire sur sa relation privée avec Dieu. Il ne s’agit pas du tout, dans ce texte, de cohérence entre la foi et la pratique. D’ailleurs, qui de nous pourrait se dire cohérent, que ce soit au niveau religieux, au niveau politique, au niveau des idées sociales, ou philosophiques ? Il s’agit de cette relation intime et absolument personnelle de l’âme avec Dieu que Jésus nous demande d’analyser.
Il ne s’agit pas de se placer au niveau de la perfection, il s’agit de se placer au niveau du besoin ressenti par l’homme, besoin à combler par Dieu.
« L’Esprit veut ce que Dieu veut. »
Ceci étant posé, ce qui caractérise la prière du pharisien, (je dis bien ce qui caractérise la prière et non pas ce qui caractérise le pharisien qui est un personnage comme nous tous, à multiples facettes, avec des côtés vertueux et des côtés peccamineux), c’est qu’elle est vide de toute demande correspondant à la relation de l’homme à Dieu. Elle est vide de toute demande parce qu’elle est exprimée par un cœur qui se croit juste, c’est-à-dire qui pense vouloir et faire juste ce que Dieu veut qu’il soit et qu’il fasse.
Et c’est ce que Jésus stigmatise : l’attitude venant d’une illusion d’orgueil et conduisant à une absurdité, parce que, nous rappelle Saint Paul dans son épître aux Romains, pour vouloir parfaitement ce que Dieu veut, pour être juste, il faut avoir l’Esprit de Dieu qui Lui seul connaît Dieu. Il faut être en communion avec Dieu par Son Esprit. Il faut donc avoir ce don de l’Esprit. Il faut donc le demander et se mettre dans une situation, dans un état de dépendance.
« L’Amour de Dieu a été diffusé en nos cœurs par l’Esprit… »
C’est bien une situation et un état dont il s‘agit et non pas un acte ponctuel. Nous pourrions dire que nous recevons l’Esprit au baptême, et qu’ensuite, nous n‘avons donc plus besoin d‘être enseignés, d‘être guidés, d‘être accompagnés. Nous pourrions même penser recevoir l’Esprit une fois par semaine le dimanche, par notre communion eucharistique, et donc ensuite ne plus avoir besoin d‘être guidés et accompagnés…
Mais il s’agit d‘une situation et d‘un état parce que l’homme est en situation. C‘est une nature qui est en état, c‘est-à-dire dans un état habituel. Nous ne sommes pas faits de plusieurs instants qui s’ajouteraient seconde après seconde les uns aux autres. Nous sommes faits d‘une nature, d‘une substance qui subsiste et qui a un état : l’état d‘homme, l’état de femme, l’état de prêtre, l’état de laïc, l’état de célibataire, l’état de veuf, l’état de père ou de mère, l’état d‘enfant… Nous sommes dans cet état.
Et nous sommes en marche. Nous sommes en marche dans notre vie, et nous sommes en marche pour correspondre de mieux en mieux par notre amour à l’Amour que Dieu nous porte, à l’Amour que Dieu projette en nous par Son Esprit justement.
« Laissez jaillir l’Esprit ! »
Ainsi, l’état de dépendance, l’état filial pour employer le concept sous-entendu par Jésus, est un état permanent. Donc, pour que le pharisien puisse se déclarer juste, il faudrait que l’Esprit de Dieu qui est en lui certainement pour une part, soit absolument libre à tout instant d’agir à la manière de l’Esprit agissant en Jésus.
C‘est une illusion, nous le savons bien. L’Esprit de Dieu, l’Esprit de la charité en nous, que nous recevons à chaque sacrement, à chaque fois que nous sommes en union avec Dieu et que nous demandons cette charité divine, cet Esprit est presque immédiatement limité, mesuré par la part de nous-mêmes, du vieil homme, qui est encore dans les ténèbres, qui est encore passionnée. Il nous faut donc sans cesse demander l’Esprit de Dieu, nous remettre en face de l‘Évangile et de ses exigences pour coller de mieux en mieux, et pour pouvoir répondre toujours plus profondément à l‘Amour que Dieu nous porte, et qui Lui, est infini.
« Je ne suis pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs. »
Avant que je puisse répondre parfaitement à cet Amour de Dieu, j’ai toute ma vie.
Alors, au lieu de nous illusionner comme le pharisien, mettons-nous délibérément du côté du pécheur qui n‘est rien d‘autre que l’homme en insuffisance de charité pratique. C’est pour nous, les pécheurs, que Jésus est venu. Jésus s‘adresse à eux -et donc à nous !- systématiquement. Il se tourne toujours du côté des pécheurs. C’est à eux et c’est pour eux qu‘Il parle. C’est avec eux qu‘Il prend Ses repas, c‘est eux qu‘Il guérit, c‘est eux qu‘Il enseigne.
Si je veux profiter du Christ et redescendre, comme le publicain, justifié, c‘est-à-dire rendu juste, il faut que je me place du côté où Jésus regarde, du côté où Jésus parle et où Sa voix porte ! Si je ne me mets pas du côté des pécheurs et que je reste derrière le Christ, comme un juste, je n’entendrai pas Sa voix, je ne profiterai pas de Son enseignement, Sa main ne pourra pas s’étendre sur moi pour pratiquer la miséricorde, pour me guérir et me transformer !
« Celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix, qu’il me suive tous les jours. »
Nous devons, et c’est la leçon de l’évangile, repartir à la découverte de notre expérience quotidienne, repartir à la découverte de nos besoins véritables, ceux qui s’inscrivent dans notre relation à Dieu. Il s’agit de découvrir les besoins vrais et profonds, qui sont les nôtres, pour que chaque jour, à chaque instant, nous collions à l’évangile.
Nous nous souvenons de cet ordre de Jésus dans Saint Luc : « Celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix, qu’il me suive tous les jours. » Prendre sa croix tous les jours, c’est supporter le poids du jour, les souffrances, les fatigues, les peines, les soucis, c’est les porter avec le Christ, les porter derrière Lui. Et c’est là où nous nous apercevons que nous avons irrémédiablement besoin de la grâce du Christ parce que, pécheurs, nous sommes faibles, nous sommes impuissants.
« Je suis la servante du Seigneur ! »
C’est ce qui s’appelle l’humilité : accepter la vérité du regard de Dieu sur nous. L’humilité n’a rien à voir avec la psychologie, qui transforme ou qui déforme l’humilité en ce que l’on appelle la fausse humilité. L’humilité, c’est le regard de Dieu sur nous : nous nous plaçons au niveau de la relation Dieu-homme. Nous nous plaçons au niveau de la Vie divine qui est donnée par Dieu à l’homme, c’est dire que nous nous plaçons au niveau de la foi qui éclaire notre esprit, de l’espérance qui nous fait tendre vers un mieux, et de la charité qui nous fait aimer ce mieux.
Il ne s’agit pas seulement d’être humble, ce qui n’est déjà pas facile ! Il faut aimer l’humilité, comme la Vierge l’aima. Il faut aimer la petitesse, il faut aimer être serviteur.
« Venez à moi, vous tous qui peinez, parce que je suis humble… »
D’où la Collecte de notre dimanche à laquelle nous arrivons toujours ou de laquelle nous partons quand nous explorons le sens de la Liturgie : « Augmente en nous la foi, l’espérance et la charité afin que nous puissions aimer ce que tu commandes… » c’est-à-dire l’humilité !
Voilà le commandement de Dieu : Sois humble, dit le Christ en m’invitant à venir à Lui : « Venez à moi, vous tous qui peinez, parce que je suis humble… »
La seule fois où Jésus parle de Sa vertu dans l’évangile, c’est pour mettre en avant Son humilité et c’est pour nous demander de venir nous mettre en elle, sous elle : « Je suis doux et humble de cœur. »
« Fais-nous aimer ce que tu commandes… », c’est-à-dire ce regard vrai sur moi qui me fait découvrir ma filiation divine, bien entendu, mais aussi l’abîme qui m’en éloigne et doit être rempli de la grâce de Dieu…
« …Afin d’obtenir ce que tu promets » c’est-à-dire la grâce du pardon, la grâce de la transformation, comme le levain qui fait gonfler, lever la pâte, pour donner la nourriture aux hommes.
Car Dieu ne connaît plus le péché lorsque le pécheur le reconnaît !
C’est la finale de l’évangile : « Qui s’élève sera abaissé (comme ce pharisien), qui s’abaisse (dans l’humilité) sera élevé (dans la grâce de Dieu). »
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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