Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« Mon Dieu prends pitié de moi pécheur ! »
Lectio divina pour le 30e dimanche du temps ordinaire
Ce n’est pas faire de la politique que de prendre au sérieux l’invitation renouvelée des Papes de prier pour la paix dans le monde et plus spécialement pour tous nos frères qui sont persécutés ici et là, particulièrement au Moyen-Orient. Chacun pourra se demander si ces multiples conflits, voire guerres, avec leurs cortèges de souffrances, de morts, d’injustices, ne sont pas plus ou moins le fruit de son mépris, à l’image du pharisien de l’évangile.
« Je ne suis pas comme les autres… »
C’est sûr que lorsque nous écoutons la parabole du Christ nous sommes loin de nous assimiler spontanément à ce pharisien. Il ne nous viendrait pas à l’idée de nous mettre au premier rang pour proclamer devant Dieu, toutes nos bonnes œuvres : nous avons encore une certaine – fausse – humilité pour nous taire. Mais ce mépris des autres dont parle Jésus, ne se traduit-il pas chez le pharisien par un silence, une passivité, un rejet de l’autre que nous retrouvons, dans notre monde occidental vis-à-vis des foules qui souffrent la persécution ? C’est un mépris politique, diplomatique et donc un mépris plein de charme, c’est un mépris dilué dans une responsabilité diffuse !
Essayons de nous resituer honnêtement, théologiquement, face à Dieu et plus particulièrement face à la prière, que l’on nous demande de faire monter vers le Seigneur pour la paix dans le monde.
« La prière du pauvre traverse les nuées… »
Qu’est-ce que la prière ? Nous pourrions nous poser quatre questions : Premièrement, est-il légitime de prier pour demander ? Ensuite, comment être exaucés ? (et cela nous intéresse !) Puis, quel est le rapport de ma prière avec la guerre dans le monde ? Enfin, quel langage employer pour la prière ?
Abordons la première question : faut-il prier pour demander ? Puisque, nous dit Paul, « Dieu sait par avance ce dont vous avez besoin », il n’est pas nécessaire de perdre son temps à murmurer des paroles comme font les païens ! Dieu sait ce qu’il nous faut, alors, n’est-ce pas superfétatoire de réclamer ? N’est-ce pas une marque d’égocentrisme, voire un manque de foi ? Si nous prions pour demander quelque chose, n’est-ce pas que nous manquons de confiance en la divine Providence de Dieu ?
« Que veux tu que je fasse pour toi ? »
Pourtant, le Christ nous dit : « Demandez et vous recevrez ! » C’est un ordre. Alors pourquoi Dieu nous ordonne-t-Il de demander ? Est-ce que cela Lui serait nécessaire ? Non, puisqu’Il sait tout ce dont nous avons besoin. Mais cela nous est nécessaire à nous, pour que nous prenions conscience de nos besoins.
Je suis sûr que si Jésus venait à nous miraculeusement en nous demandant : « Que veux tu que je fasse pour toi ? », comme il le fit avec l’aveugle de Jéricho, nous serions bien embarrassés pour Lui répondre… Parce que nous ne sommes pas habitués à considérer cette réalité intérieure qu’est notre âme, réalité dont nous sommes les lieutenants vis-à-vis de Dieu et que nous devons mener jusqu’à la fin en la construisant, en la perfectionnant. Nous ne sommes pas conscients de nos besoins d’hommes ! Nous savons qu’il faut se nourrir tous les jours, mais sommes-nous conscients de nos besoins d’hommes dans la dimension spirituelle de notre humanité ?
« Demandez… » Ah ! Que demander pour notre humanité profonde, celle qui est appelée à la Vie éternelle déjà commencée ici-bas, de quoi a-t-elle besoin ? Donc, il faut prier pour arriver à savoir ce qu’il nous est utile de demander.
Lorsque Dieu exauce, Il accueille et Il justifie
Passons à la deuxième question : comment être exaucés ? Le Christ se doit de nous promettre d’être exaucés en toute certitude. Car la demande n’a d’intérêt que dans la mesure où il y a certitude de recevoir ce qui a été demandé. C’est pourquoi Jésus, en même temps qu’Il nous ordonne de demander, nous assure d’être exaucés : « Demandez et vous recevrez ! »
Est-ce sans condition cependant ? Non : nous serons exaucés à condition de demander… ce qu’il faut demander ! Dieu ne nous ordonne pas de Lui demander les trucs de la vie, les tuyaux pour gagner en Bourse, ou réussir son examen sans travailler. Non, ce n’est pas cela. Alors que nous faut-il demander à Dieu ? Pour le savoir, tournons-nous vers ce que Dieu donne quand Il exauce, comme cela nous saurons ce qu’il nous faut Lui demander pour être exaucés avec certitude…
Il nous suffit de revenir à la prière du pauvre de la première lecture et plus encore à celle du publicain décrite dans l’Evangile. Lorsque Dieu exauce, Il accueille et Il justifie. Il accueille le pauvre. Et, plus précisément encore, Il justifie ce publicain, c’est-à-dire qu’Il rend juste, Il rend saint. Il donne Sa grâce, Il donne Sa vie !
Voilà le fruit de l’exaucement divin. Donc, si je veux être exaucé, je dois demander à Dieu d’être en Lui, de participer à Sa vie, à Sa sainteté.
« Mon Dieu prends pitié du pécheur que je suis ! »
Et donc, il faut que je sois conscient que je ne suis pas encore parfaitement enraciné dans ce monde du Bien et de l’Amour infini que Dieu m’offre de partager dès maintenant… Je dois reconnaître qu’il y a une part de ma personne, de mes facultés, de ma vie personnelle, sociale et familiale qui n’est pas divinisée car pas vécue en Christ. Est-ce que je m’en rends compte ou suis-je comme le pharisien, me croyant parfait ?
Nous rendons-nous compte que, justement, ce que Dieu nous demande, c’est cette démarche du publicain reconnaissant son manque de clarté : « Mon Dieu prends pitié du pécheur que je suis ! ». Cela ne veut pas dire qu’il a tué père et mère. Etre pécheur signifie qu’il y a une part de lui-même qui appartient encore au Mal. Il demande donc de pénétrer plus avant dans le monde du Bien, et il est exaucé, c’est-à-dire rendu juste, remis sur la route de la sanctification.
« Une âme qui s’élève élève le monde… »
Mais nous devons nous poser une troisième question qui est celle du rapport entre cette prière personnelle et la paix dans le monde. Quel est le rapport, entre les publicains, c’est-à-dire des gens aisés qui allons vivre notre dimanche bien tranquillement dans notre maison, justifiés, si nous faisons la démarche de l’Evangile, et les pauvres, les persécutés, les affamés et les sans-abri, les veuves et orphelins qui vivent en tremblant dans des pays assaillis par les guerres et les conflits ?
Pourtant, le rapport existe et il est essentiel.
Seule, la prière, telle que nous venons de la définir peut effectivement aider nos frères en humanité qui continuent en leur chair ce qui manque à la Passion du Christ, pour reprendre saint Paul… Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas donner d’argent, bien entendu, mais le lien premier, essentiel et vital est celui que je tisse avec ma prière. Pourquoi ?
Parce que lorsque je prie comme le publicain, lorsque je prends conscience de mon péché, que j’essaie de m’insérer un peu plus à l’intérieur de mon âme dans le Royaume de Dieu, je participe au combat du Bien contre le Mal, je participe au combat de Dieu contre Satan, gigantesque combat entrepris depuis le péché et qui a été définitivement gagné pour Dieu par la Croix de Jésus.
Lorsque je prie comme le publicain, j’utilise la Croix, je la rends efficace en ce 30° dimanche ordinaire de l’année de grâce 2016. Je rends présente la Croix, je la fais avancer comme une pièce sur la carte du monde, une pièce qui n’est pas politique, une pièce qui est beaucoup plus forte qu’une légion d’anges… La Croix de Jésus Christ, seul remède, seule victoire contre le Mal et contre ses conséquences : la mort, la haine, la guerre !
Si, par notre sanctification nous faisons reculer le Mal, et toutes ses conséquences de mort, de maladie, de péché, de haine, si nous nous mettons du côté de Dieu dans le combat, alors oui, nous avons une influence sur ces conséquences du Mal qui rongent le monde et le détruisent…
« Priez pour nous pauvres pécheurs »
Quel langage employer dans la prière, sera la dernière question à laquelle nous répondrons très simplement.
N’importe quel langage, du moment que nous arrivons à exprimer à notre Père ce sentiment de proximité : nous nous mettons de Son côté pour lutter contre l’Ennemi, nous sommes avec Lui contre Satan : « Qui n’est pas pour moi est contre moi… »
Nous devons utiliser un langage d’enfant qui passe de notre cœur dans le Cœur de Dieu, et si nous ne savons pas, si nous nous sentons vraiment trop indignes (et il n’y a pas de quoi en avoir honte puisque Dieu écoute la prière du pauvre !), nous pouvons toujours nous référer à Marie !
« Priez pour nous pauvres pécheurs » : avec ces mots, nous avons vraiment la certitude d’être exaucés car la prière de Marie est la plus belle des prières qui ne se soit jamais élevée de la terre vers Dieu.
Mgr Jean-Marie Le Gall, Aumônier catholique, Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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