Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
Lequel des deux fils serons-nous : celui du ‘oui’ ou celui du ‘non’ ?
Lectio divina pour le 26ème Dimanche ordinaire, le 1 octobre 2017
Dans ce 26ème dimanche, Saint Paul nous exhorte à avoir les sentiments que doit avoir tout chrétien. Et il est bon de nous rappeler cette vérité : avoir le sentiment que doit avoir tout chrétien, c’est-à-dire tout fidèle du Christ, tout baptisé, tous ceux qui se sont engagés à suivre Jésus, c’est avoir le comportement de Jésus-Christ Lui-même.
C’est pourquoi Paul, par cet hymne liturgique qu’il a emprunté à la tradition chrétienne, nous décrit d’une manière fulgurante la vie du Christ : préexistant dans le sein du Père de toute éternité, n’étant pas jaloux des prérogatives que Lui donne Sa filiation divine, Se vidant Lui-même de tous les apparats de la gloire qu’Il est en droit d’avoir en tant que Fils de Dieu, S’abaissant plus encore jusqu’à la mort et la mort d’infamie sur la croix…
Le comportement du Christ est un comportement d’humilité. Tout simplement…
« Ayez en vous les sentiments qui furent dans le Christ Jésus. »
Pour Jésus, les hommes, chaque homme, chacun de Ses frères en humanité vaut plus que Sa propre vie ! Il considère qu’Il est le dernier, le plus petit, celui qui vient pour servir. Et Il vit en appliquant ce principe à chaque instant et jusqu’au bout. Son unique souci est d’être préoccupé de ceux qu’Il considère comme étant plus grands que Lui puisqu’Il va offrir Sa vie pour eux. Son unique préoccupation est le Salut de l’homme, de chaque homme et de tous les hommes.
Cette humilité, ce don de soi, ce souci de l’autre, ne peuvent être les reflets que d’un seul sentiment : celui de l’agapè, la charité, l’Amour infini vivant, dynamique de Dieu à travers ce Fils et pour l’humanité.
Voilà à quoi se résume la vie de Jésus : la petitesse, l’humilité, la préoccupation de l’autre, la pro-existence aurait dit Saint Jean Paul II, c’est à dire l’existence pour l’autre, cet autre qui est posé avant moi et que je dois servir au lieu de servir mon ego…
Et Saint Paul nous dit : « Ayez en vous ces sentiments qui furent dans le Christ Jésus » !
« Suivez-moi… »
Avons-nous même songé, nous les chrétiens, que nous sommes effectivement appelés à vivre comme le Christ, de Son l’Esprit qui est en nous depuis notre baptême ? Appelés à agir nous-mêmes comme Jésus a agi ? Est-ce que nous avons songé que lorsque le Christ se retourne vers Ses premiers disciples, André et Jean et qu’Il leur dit : « Suivez-moi » c’est à nous tous qu’Il s’adresse ? A nous tous, fidèles du Christ, Il nous demande de Le suivre, c’est à dire de L’imiter.
Or ne sommes-nous pas trop souvent comme ce premier fils de la parabole de l’Evangile disant oui d’abord, nous inscrivant sur les registres de l’Eglise par notre baptême (par tradition familiale) et finalement, ne suivant pas Jésus, c’est-à-dire n’allant pas à la vigne ?
Soyons honnêtes et regardons l’incohérence qu’il y a trop souvent entre notre baptême et l’appel de Dieu sur notre âme lorsque Jésus nous a dit « Suis-moi ! » et notre vie, notre manière de voir, d’agir et de penser ?
Sommes-nous humbles, ou, plus exactement, essayons-nous de l’être ? L’humilité a-t-elle une place dans notre vie ? Tendons-nous à imiter Jésus dans ce dépouillement, ce Jésus qui s’est vidé Lui-même ? Essayons-nous de nous vider de ce que nous sommes, de nous oublier un peu pour que l’autre qui se présente à nous au détour de la rue, à chaque minute de notre vie, ait la première place dans notre cœur et soit notre préoccupation profonde ? Faisons un examen de conscience…
Se détourner de soi pour vivre sponsalement du Christ…
Ne nous arrêtons cependant pas trop longtemps à notre faiblesse : à force de contempler notre péché, on s’infecte. Nous savons que nous sommes pécheurs, nous savons trop bien que nous ne sommes pas parfaits. Suivons donc le conseil que Dieu nous donne par la première Lecture : ouvrons nos yeux et détournons-nous tout de suite de cette imperfection qui est en nous, de cet ego qui prend la première place et entraîne notre insouciance vis-à-vis du prochain. Détournons-nous pour vivre. Pour vivre la vie de Dieu en vivant la vie de Jésus.
Essayons tout d’abord de refaire dans notre cœur l’unité avec le Christ : c’est le rôle de l’Eucharistie. L’unité commence par l’écoute de la Parole, par la rumination du message de Dieu : « Bienheureux celui qui écoute ma Parole et qui la met en pratique. » comme nous le rappelait un des évangiles cette dernière semaine…
L’unité se consomme ensuite dans l’Eucharistie. Nous répondons dans l’Eucharistie à l’unité d’amour que Jésus nous a lancée lorsqu’Il est venu sur notre terre épouser l’humanité dans le mystère de Noël, lorsqu’Il est venu exprimant l’amour de Son Père : « Voici que je viens, ô Dieu, pour faire Ta volonté, Tu m’as façonné un corps »… Jésus, l’Epoux de notre race humaine dans le mystère de l’Incarnation fait de notre âme Son épouse dans la communion eucharistique ! Amour pour amour, cœur à cœur dans l’unité qui nous donne comme fruit l’Esprit de Jésus, l’Amour qu’Il partage avec le Père : « Ceux qui sont fils de Dieu, (c’est-à-dire ceux qui sont à l’image du Fils, ceux qui Lui sont unis), ceux-là sont agis par l’Esprit du Christ » écrivait Paul…
Faire de sa vie une pro-existence…
Alors, dans cette unité de l’Esprit-Saint, dans cette unité avec la personne de Jésus, dans cette unité qui se refait tous les dimanches par l’Eucharistie, nous nous retournons instinctivement, comme le Christ, vers les autres pour cimenter au long de notre vie l’unité de l’Eglise. Car cette unité n’est pas seulement et d’abord une unité intellectuelle ; elle est avant tout l’unité dans l’Esprit de Jésus, c’est-à-dire l’unité du cœur et de l’Amour, de la paix : s’aimer les uns les autres. C’est bien le précepte de Paul : « Appliquez-vous à garder l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix »
Ce faisant, l’Apôtre des Gentils reprenait l’ordre du Christ : « A ceci, nous reconnaîtrons que vous êtes mes disciples, à ce que vous vous aimez les uns les autres comme je vous ai aimés. » : un amour en acte et en vérité écrit Jean, et non pas un amour de paroles, ni un amour de façade, un amour profond qui exige de s’oublier dans l’humilité, qui exige que notre préoccupation soit d’abord la vie de l’autre, cette fameuse pro-existence dont parlait Jean Paul II, une existence pour le prochain…
« La charité du Christ nous presse »
Il y a quelques jours, l’Eglise présentait à nos yeux un des plus grands fous de Dieu que notre terre ait jamais porté : Saint Vincent de Paul.
Saint Vincent de Paul a donné tout, de son esprit, de son cœur, de son temps, au service de ses frères et en particulier des pauvres, des plus pauvres, ceux-là même qu’il appelait « mes seigneurs les pauvres », parce que le pauvre (sans le savoir bien souvent, peut-être même sans le vouloir) est celui qui reproduit dans sa chair la vie de Jésus, Son abaissement, Son humiliation, Sa petitesse… Et c’est pour cette raison que, comme Jésus, il est exalté et appelé seigneur…
Ce n’était pas pour Vincent une formule de rhétorique, c’était vraiment l’expression de tout son être intérieur, son être chrétien et son être de prêtre : le service de messeigneurs les pauvres. C’est mû par cette charité qui le pressait comme le rappelle sa devise tiré de saint Paul, que Vincent a produit comme fruit merveilleux, les 40 000 filles de la Charité qui actuellement dans le monde œuvrent pour les plus malades, pour les plus fous, pour les handicapés, pour l’enseignement, pour les soins, pour tout ce dont les autres ne veulent pas, même dans le monde de l’Eglise.
Vincent a aussi donné comme fruit les prêtres de la Mission pour évangéliser les campagnes, évangéliser les colonies. Vincent a fait produire enfin un fruit plus récent et tout aussi magnifique : les conférences de Saint Vincent de Paul dont l’idée a surgi dans l’esprit d’un jeune homme de 20 ans, Frédéric Ozanam, en 1833, il y a un peu plus d’un siècle et demi. C’est déjà notre vie, c’est déjà notre siècle, c’est déjà notre monde et ses révolutions industrielles et techniques, avec ses mêmes pauvres… Voilà que ce jeune garçon (qui mourra à 40 ans) décide de créer ces Sociétés pour aider les chrétiens à reproduire en eux l’amour de Jésus, l’humilité de Jésus, le service des autres de Jésus, la préoccupation du salut des âmes de Jésus et ainsi servir les pauvres tant matériels que spirituels…
Lequel des deux fils serons-nous : celui du ‘oui’ ou celui du ‘non’?
Voici ce que disait Frédéric Ozanam : « La question qui divise les hommes de nos jours n’est plus une question de forme politique, c’est une question sociale. C’est de savoir qui l’emportera de l’esprit d’égoïsme ou de l’esprit de sacrifice : si la société ne sera qu’une grave exploitation au profit des plus forts ou une consécration de chacun pour le bien de tous et surtout pour la protection des faibles. »
Nous savons, pour le voir autour de nous, qu’il y a certains de nos frères qui, sans être chrétiens, ayant dit d’une certaine manière ‘non’ au Christ (comme le second fils) œuvrent pour le bien. Alors nous-mêmes qui avons la prétention de dire oui, faisons un effort ! Essayons d’être concrets et pro-actifs en consacrant quelques heures de notre vie, chaque semaine, au service des plus pauvres afin de ne pas être comparable au premier fils qui n’alla point à la vigne.
Faisons un effort de conversion, pour vivre vraiment notre baptême, c’est à dire notre identification au Christ.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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