Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« VOUS AVEZ REÇU UN ESPRIT DE FILS ADOPTIFS… »
Lectio divina pour le 25ème Dimanche Ordinaire – Année B
Sg. 2, 12-20 Jc. 3,16 – 4,3 Mc. 9,30-37.
Nous sommes confrontés, pour ce 25ème Dimanche Ordinaire, à un passage évangélique très particulier, une parabole en acte. Jésus en effet ne se contente pas de nous demander d’être des enfants, mais Il s’empare physiquement d’un enfant et nous dit : « Celui qui accueille en mon Nom un enfant comme celui-ci… » Cas très rare dans l’évangile qui laisse donc supposer que le message que Jésus veut nous transmettre aujourd’hui est particulièrement important.
De fait, Jésus va décrire succinctement l’appel de Dieu, la réponse de l’homme et finalement le mystère de l’Eglise dans lequel se résout à la fois l’appel divin et la réponse de l’humanité.
« Si quelqu’un veut être le premier… »
Tout d’abord, l’appel de Dieu : « Si quelqu’un veut être le premier… »
Il nous faut relever immédiatement un point essentiel qui revient chaque fois que Jésus parle de la vocation de l’homme, de cet appel (vocare) que Dieu lance : « Si quelqu’un veut être mon disciple… » « Si quelqu’un veut me suivre… » « Si quelqu’un veut marcher derrière moi… » Autrement dit, Dieu n’impose jamais rien, Dieu propose. Il le fait à Son Fils comme à l’homme. Dieu laisse libre.
Dieu propose Son amour, un amour éternel, un amour infini. Et Il désire tout simplement une réponse à cet amour, une réponse libre. Il désire un engagement personnel. Nous savons tous par l’expérience de l’amitié ou de l’amour, ce que veut dire : « Je t’aime », ce que veut dire : « Tu es mon ami » !
De même que Dieu a choisi Israël et lui a proposé d’être son Dieu unique et véritable, de même Dieu choisit chaque homme, chacun, chacune d’entre nous, et désire de la part de cet homme une réponse amoureuse, un engagement personnel. Il lui propose d’être pour lui l’Unique Nécessaire. Dieu lui propose une relation si personnelle, si profonde qu’Il la comparera tantôt à la relation du père et de l’enfant, tantôt à la relation de l’époux et de l’épouse.
Dieu n’impose jamais, Dieu propose Son amour et désire en réponse à cet engagement amoureux, que chaque personne Lui réponde par un même oui, par un même engagement aussi total, aussi définitif, tout en acceptant par avance les fragilités de la condition de l’homme pécheur.
« C’est par grâce que vous êtes sauvés » !
Ce choix de Dieu est gratuit. Il est grâce. Non pas au sens où Thérèse, comme Bernanos, disait que « tout est grâce. » Mais au sens premier et effectif qu’il est la grâce. La grâce n’est pas quelque chose qui descend d’en haut de manière mystérieuse, lorsque nous en avons besoin. La grâce, c’est notre existence propre d’hommes et de femmes libres, créés à l’image de Dieu pour répondre à Son amour.
La grâce, c’est mon existence propre, c’est ma personne qui contient en moi dans une forme et une efficacité présente à tout moment, la force nécessaire pour répondre « oui » à l’amour de Dieu. Dès que l’enfant est né, il est grâce jusqu‘ à sa mort. C’est dire qu’il a la possibilité en lui-même (possibilité donnée par Dieu), par cette existence créée à l’image du Père, de répondre à Dieu dans un amour personnel et total.
« La mesure de l’amour est d’être sans mesure… »
Cette réponse que Dieu désire, c’est une réponse d’amour qui doit être sans ombre, sans retour. Nous n’imaginons pas une amitié mesurée. Vous n’imaginez pas, dans vos couples, un amour limité par une borne. Le propre de l’amour, la mesure de l’amour est d’être justement sans mesure.
Mais, en plus, de cette totalité, il y a autre chose. Dieu prendra une image à travers Son fils Jésus, cette image de l’enfant, qui est particulièrement chère au Christ. L’enfant, dans l’Evangile, c’est celui qui croit après avoir écouté et qui s’engage totalement en fonction de cette croyance. C’est cette disposition de disponibilité (on parlera également de virginité) aux actes de Dieu, c’est cette confiance (ces « fiançailles ») cette adhésion immédiate (comme vos enfants qui croient tout ce que vous leur dites) et elle seule qui permet à Dieu d’agir avec nous et en nous selon le désir et l’énergie de Son amour.
« Je te porte tout au long de la route comme un homme porte son fils ! »
Regardons le message sans cesse répété par Yahvé à Israël : « N’ayez pas la nuque raide… Ne vous rebellez pas… Donne-moi la main vermisseau de Jacob… N’ayez pas peur, venez et suivez-moi… »
Yahvé ne demande pas à Israël d’être riche, d’être intelligent, d’être beau, d’être peuplé, d’être fort. Il lui demande la confiance de l’enfant qui sera vécue en plénitude par cette fille d’Israël en laquelle se concentrent toutes les grâces du monde : Marie, la jeune fille, la Vierge de Nazareth : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ! » N’allons pas mélanger enfance et mièvrerie ! La voie de l’enfance que Thérèse a remise à l’honneur au début de notre siècle est une voie de la force, une voie du courageux don de soi, une voie digne de Moïse, d’Abraham, d’Elie, et qui s’accomplit en plénitude en Marie…
« Si vous ne redevenez pas comme un enfant… »
Finalement, ce que Jésus décrit, l’appel de Dieu et la réponse de l’homme confiant comme l’enfant, donne naissance à l’Eglise, ce Royaume de Dieu, dans lequel seulement les enfants peuvent entrer : « Si vous ne redevenez pas comme un enfant, vous n’aurez pas part au royaume de Dieu. »
Il faut renaître, redevenir enfant car l’Eglise est le Royaume de Dieu et donc le Royaume des enfants, de l’enfant, c’est-à-dire de celui qui croit, après avoir écouté, celui qui s’engage car il s’est fait disponible par sa confiance.
Ce qui nous sauve nous adultes, c’est justement la confiance que nous avons dans l’Eglise, dans ses pasteurs. Ce n’est pas le fait que le pasteur ait raison, (sinon il y aurait peu de salut !), c’est le fait que chacun dise oui à celui qui représente devant lui l’Eglise, le Royaume de Dieu, le Royaume des enfants !
« Celui qui accueille en mon nom un enfant… »
Le Christ veut encourager l’Eglise à entrer dans cette voie qui n’est pas facile, d’accueillir en son sein les petits, les pauvres, les pécheurs, nous…
Nous sommes tous confrontés chaque jour à cette tentation de faire de l’Eglise du Christ une Eglise de saints, une Eglise de l’élite, une Eglise des purs. Alors que l’Eglise est l’Eglise des pauvres qui marchent seulement vers un mieux, vers un plus… Ce ne sera jamais le triomphe (succès du nombre, de la force, de l’influence…) qui définira l’Eglise, mais bien son humilité à rassembler les pécheurs marchant en confiance vers le Dieu de la Miséricorde et avec Lui !
L’Eglise ne peut en aucun cas limiter l’universalité du salut créé de toutes pièces à la Croix, qui fonde l’égalité de tous les hommes devant Dieu, de tous les enfants de Dieu : non pas en fonction d’un droit qu’ils auraient sur Dieu, mais en fonction des torts que chacun a aux yeux de Dieu. C’est l’égalité des pécheurs établie sur l’égalité du péché.
« Le Christ est à la fois le prêtre et le pénitent »
L’Eglise est Mère. Elle ne peut et ne doit rejeter aucun de ses enfants, ni renier aucun de ses hommes et de ses femmes qui ont été potentiellement sauvés à la croix. Que ce soit les fidèles ou les prêtres, nous sommes tous, par notre misère, égaux devant Dieu et appartenant à l’Eglise.
Jésus tient tant à cette universalité de l’accueil et du salut dans Son Eglise qu’Il va être à la fois Celui qui accueille et Celui qui est reçu. Comme disait le Père Ollier, (fondateur de la Compagnie de Saint Sulpice) : « Le Christ dans l’Eglise est tout parce qu’il est à la fois le prêtre et le pénitent. »
Le Christ est celui qui accueille dans l’Eglise (comme dit l’évangile du jour : « Celui qui accueille en mon nom… » afin de nous aider, nous, dans notre timidité, dans nos complexes, dans notre misère, à nous livrer à l’amour de l’Eglise.
« Qui accueille cet enfant m’accueille… »
Et le Christ est celui qui est accueilli : « Qui accueille cet enfant m’accueille… » Le Christ dans l’Eglise est celui qui est accueilli afin de nous aider à accueillir chacun de nos frères, les plus misérables soient-ils.
Le Pape François insiste à juste titre sur cette dimension substantielle de l’Eglise.
Réfléchissons à cet appel de Dieu, à cette réponse de l’homme et à ce lieu géométrique dans lequel se résout et l’amour de Dieu et la réponse humaine, ce mystère de l’Eglise qui est notre milieu vital, le sein maternel, le ‘placenta’ dans lequel, nous, pauvres avortons, respirons, sommes nourris, grandissons cahin-caha, grâce à la force de l’économie sacramentelle qui continue de nous allaiter et marchons ainsi vers la Vie éternelle dans laquelle nous vivrons en plénitude en… enfants de Dieu !
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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