Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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« L’EGLISE, HÔPITAL DE CAMPAGNE… »
Lectio divina pour le 25ème Dimanche Ordinaire
Sag.2, 12-20 Jac.3, 16-4,3 Mc.9, 30-37
Nous nous situons aux environs du mois d’août de l’année 29. Jésus termine Son ministère en Galilée et commence Sa montée vers Jérusalem pour y vivre les six derniers mois de Sa vie, et ceci, peu de temps après la multiplication des pains que l’évangéliste Jean nous rapporte dans son chapitre VI. Encore plus précisément, peu de temps après la Transfiguration au mont Thabor et la profession de foi de Pierre à Césarée de Philippe dont nous avons entendu le récit dimanche dernier.
L’homme de foi traduit la charité de Dieu vis-à-vis des hommes.
De fait, nous nous situons un petit peu dans la même ligne que l’Evangile que nous avons entendu il y a huit jours sur le lien entre la foi et la charité.
Nous nous souvenons que les lectures de dimanche dernier nous avaient interpellé sur cette liaison nécessaire, cette impossibilité de séparer la foi -l’écoute de la Parole de Dieu- du service ; et que nous étions convenus que l’homme de foi est celui qui est traducteur de la charité de Dieu vis-à-vis des hommes.
Et avec ce petit passage, à la fois drôle, mais qui questionne, sur les enfants, l’Evangile de Marc, (surtout si on le met en parallèle avec celui de Matthieu), nous rapporte le même thème sur ce lien entre la foi et la charité qui va prendre aujourd’hui la coloration de l’accueil.
Toute la loi consiste à aimer Dieu et son prochain.
C’est un petit peu le thème de la Collecte lorsque nous avons prié Dieu de nous faire comprendre, de nous faire vivre, cette réalité profonde : toute la loi consiste à aimer Dieu et son prochain.
La Loi c’est la Parole de Dieu ; donc c’est le message, la révélation, que Dieu a envoyé à Son peuple, à Moïse -le Décalogue- et puis à l’Eglise. C’est une Parole de Vie qui demande de notre part une confiance qui soit adhésion : la foi. Or cette grande loi de Yahvé, elle se résume finalement à la pratique de la charité. Comme l’écrivait Paul aux Romains : « L’accomplissement de la Loi, c’est l’amour. »
Porter sur nous un regard qui fait surgir et découvrir tous nos creux…
Le texte de Matthieu est un petit peu différent de celui de Marc. Matthieu nous dit : « Si vous ne redevenez comme des enfants vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu. » C’est nous dire que Jésus nous demande, nous supplie -je dirais même nous ordonne-, tout en nous laissant libres bien entendu, d’adhérer profondément à cette demande. Jésus nous demande de retrouver ce qui fait l’attitude intérieure et naturelle de l’enfant à savoir la confiance en son Père, l’adhésion, en un mot la foi.
Et cette foi, cette confiance de l’enfant, que l’enfant porte à son Père, elle est en définitive basée, fondée sur le regard que l’enfant porte sur lui-même et cette découverte qu’il fait de lui-même comme étant un petit qui a besoin… Besoin d’être vêtu, besoin d’être nourri, d’être protégé.
Donc le regard de l’enfant que Jésus nous demande de retrouver c’est un regard de petitesse, d’humilité. C’est connaître et reconnaître nos manques, notre dépendance ; c’est porter sur nous un regard qui fait surgir et découvrir tous nos creux, tous nos vides que nous mettons devant Dieu pour qu’Il les remplisse de Sa paternité.
« Si vous ne redevenez comme des enfants vous n’entrerez pas… »
Matthieu insiste sur cette nécessité de la foi, de ce regard, de cette attitude du petit vis-à-vis du Père, cette connaissance de son manque et le besoin qu’il a de se tourner vers son géniteur.
Matthieu nous dit que ce n’est pas seulement une question de perfection, de conseil évangélique réservé à une certaine classe : c’est la condition sine qua non pour entrer dans le Royaume de Dieu. « Si vous ne redevenez comme des enfants vous n’entrerez pas… »
Donc il ne s’agit pas de nous défendre seulement de postuler pour les premières places (comme le faisaient Jacques et Jean en discutant en chemin de savoir qui est le plus grand !) c’est la condition indispensable pour simplement appartenir au Royaume des Cieux !
Sommes-nous des humbles ?
Nous pouvons nous poser déjà cette question : sommes-nous ces petits dont parle Jésus ? Sommes-nous des humbles ? Quel est le regard que nous portons sur nous-mêmes, sur notre personne dans son aspect humain et surtout dans sa coloration spirituelle qui, finalement, fait le tour de notre intimité, de notre âme. C’est avec le regard spirituel et intérieur du chrétien que je porte sur mes qualités, sur mes défauts, sur mes misères, sur mes tendances, sur ce que Dieu m’a donné, sur mes talents et sur mes non-talents que je peux déterminer dans quelle mesure je suis un petit, un véritable enfant de Dieu, dans quelle mesure je connais, je reconnais et j’accepte cette dépendance, cette limitation.
L’Eglise est faite pour les petits.
« Si vous ne redevenez comme des enfants vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu… » Ce Royaume des Cieux c’est bien entendu l’Eglise qui en est le sacrement, la présence au milieu de nous, le commencement, la dynamique… L’Eglise va de commencement en commencement par des commencements qui n’ont jamais de fin et elle s’avance vers la Jérusalem céleste, vers la perfection pour retrouver la perfection de Marie.
Donc l’Eglise est faite pour les petits.
Pas forcément l’humble au sens où nous le caricaturons dans le regard un tant soit peu simpliste que nous portons sur les grands ténors de la vie de l’Eglise : une sorte d »humilité de confit en dévotion… Il ne s’agit pas de cela, c’est de la caricature ! Il ne s’agit que de ma petitesse, de ce regard que j’ai sur moi et qui fait que je m’accepte un petit peu ‘jobastre’ comme on dit dans le Midi…
« L’Eglise, hôpital de campagne »…
Alors l’Eglise est faite de ces petits. Et si l’Eglise est faite de ces petits, cela revient à dire que l’Eglise doit accueillir, doit recevoir celui qui est petit. C’est le message de Marc qui dit donc exactement la même chose que Matthieu mais dans l’autre sens.
Matthieu dit : « Si vous ne devenez comme des enfants vous n’entrerez pas dans l’Eglise », même si vous êtes ici dans l’église entrés bien au chaud et à l’abri de la pluie. Et Marc dit : « Si vous ne recevez pas cet enfant en mon nom vous ne me recevez pas donc vous ne faites pas partie du Royaume, vous ne recevez pas celui qui m’a envoyé », vous n’appartenez pas au Royaume de Dieu.
Nous arrivons à une exigence évangélique et ecclésiale très forte par ce petit passage apparemment anodin sur les enfants.
L’Eglise se doit, parce qu’elle est constituée par les petits comme nous le demande Jésus, elle se doit d’accueillir tous les petits, sinon il y a opposition, contradiction ! L’Eglise se doit d’accueillir tous les membres, la lie, le plus bas…
C’est pourquoi le Pape François appelle l’Eglise un « hôpital de campagne » ; car elle est faite pour accueillir, soigner, rendre la vie et réconforter…
L’Eglise, la Mère au grand cœur !
Mais l’Eglise c’est nous.
Nous sommes à la fois accueillis par l’Eglise, et, dans l’Eglise nous recevons d’autres membres de l’Eglise, d’autres postulants de l’Eglise.
Voilà le message de Marc : cette réception de tous les plus petits. L’Eglise ne peut pas dans ses statuts, telle qu’elle est constituée par le Christ, elle ne peut pas mettre des paragraphes de défense comme le font les associations, les sectes ou tout autre mouvement politique ou social qui veulent légitimement écarter un certain type d’individus incapables – a priori – de s’intégrer à l’association ou au mouvement.
L’Eglise doit préférer être taxée de compromission avec l’erreur, la bêtise, même le péché, plutôt que d’avoir honte d’un homme qui ne lui fait pas honneur.
Parce que l’Eglise c’est la mère, la mère au grand cœur, la véritable et l’unique Mère.
L’Eglise est catholique par son cœur, universel comme Celui de Jésus !
C’est là l’universalité de l’Eglise, le catholicos de l’Eglise, cette note mystérieuse que le Christ a donnée à Son Eglise parce que l’Eglise découle de Son Cœur et que Lui-même est universel.
Ce n’est pas seulement une universalité de dogme, une ouverture générale, une espèce de faux œcuménisme qui n’embrasse personne parce qu’il veut étreindre tout le monde… Cela ne sert à rien qu’à se faire plaisir entre intellectuels de bureaux… L’universalité de l’Eglise, elle se situe au niveau de la charité, au niveau de cette ouverture : parce que l’Eglise elle est faite pour les petits, tout ce qui est petit doit pouvoir entrer dans l’Eglise : le pauvre, le malade, le prisonnier, le clochard, le criminel, tous, absolument tous !
L’égalité signifie qu’il n’y a pas d’exclusion possible !
Et c’est sur cette vérité de l’universalité de l’Eglise construite par les petits et pour les petits donc accueillant et recevant les petits et se construisant ainsi, c’est sur cette vérité que se base l’égalité de l’homme devant Dieu.
C’est vrai que l’égalité signifie qu’il n’y a pas de passe-droit. Mais c’est vrai que l’égalité signifie aussi qu’il n’y a pas d’exclusion possible. Et peut être que dans nos mentalités de chrétiens et de gens d’Eglise nous avons des exclusions toutes prêtes contre certaines catégories de gens.
Comme je ne veux pas tomber dans du mauvais social je laisse donc de côté la pauvreté économique du clochard moyen. Je préfère parler des catégories spirituelles plus oubliées : tout simplement le pécheur, celui qui est en face de nous, qui appartient à la même Eglise et que nous excluons parce qu’il n’est pas net. Nous l’excluons, nous faisons de l’Eglise non pas la mère au grand cœur mais une Eglise de purs, de saints, de séparés. Cela a déjà existé, on les appelait les Albigeois ou les Cathares…
Nous sommes égaux parce que nous sommes tous pécheurs et tous sauvés…
Il ne s’agit pas d’une égalité bien entendu qui est provoquée par la jalousie et qui demande la suppression de tous les grades, hiérarchies, récompenses, et autres hochets qui nous font baver d’envie… Il ne s’agit pas de cet égalitarisme-là : il y a des différences chez les hommes puisque Dieu les a créés comme tels. L’Evangile les assume ces différences : la preuve : Jean a été le disciple bien-aimé parmi les Douze…
Il ne s’agit pas d’une égalité fondée sur les droits que les hommes ont face à Dieu, il s’agit d’une égalité fondée sur le tort, le péché, que tous les hommes ont contracté envers Dieu. Nous ne sommes pas égaux parce que nous sommes riches, nous sommes égaux parce que nous sommes tous pauvres, tous petits, tous pécheurs et tous sauvés par Jésus-Christ sur la Croix. Cela change, complètement, parce que là nous pouvons serrer la main à tout le monde ! Et je dirais que nous avons même à serrer la main à celui qui est le plus mauvais d’entre nous…
Accueillir tous les hommes avec la force de l’Esprit !
Voilà l’égalité dans l’Eglise, voilà l’accueil universel dans l’Eglise, cet accueil dont nous parle saint Jacques qui est fait d’indulgence, de bienveillance, de paix, de miséricorde, d’espérance du salut de l’âme de l’autre comme de la nôtre.
Cet accueil nous devons le faire non pas par philanthropie, laissons cela aux organisations de notre Nation qui sont des mouvements d’ailleurs très utiles. Nous le faisons par notre foi qui nous demande d’aimer nos frères pécheurs comme Jésus les a aimés et sauvés !
Jésus nous dit que nous devons faire comme Lui : « Si vous ne recevez cet enfant en mon nom », donc avec la force propre à Jésus, force qui Lui est donnée par l’Esprit Saint. Jésus a accueilli les prostituées, les publicains, collecteurs d’impôts, pécheurs, toute la lie de la société, pécheurs aux deux sens du mot ; et Il n’a pas réfléchi, Il l’a fait avec cette spontanéité divine, cette force qui a irrité les pharisiens, les scribes, les docteurs de la Loi c’est à dire les purs et les justes. C’est pour que nous ayons la même force et la même spontanéité dans l’accueil qu’il nous faut avoir le même Esprit !
Jésus, dans l’Eglise, est partout et en tous !
D’autant plus que Jésus nous précise que si nous recevons, nous devons recevoir en Son nom celui que nous recevons : nous devons recevoir comme Lui l’a fait, avec Sa générosité. Et nous devons comprendre qu’alors, si nous recevons en Son nom, c’est Lui que nous recevons à travers notre prochain !
Nous voyons bien que nous ne pouvons pas faire ça avec la philanthropie d’Organisations Non Gouvernementales contre le cancer, le sida ou la famine. Ce n’est plus une question de philanthropie, de sympathie, c’est une question de charité. Car comment voulez-vous recevoir Jésus avec une sympathie d’homme ?
Nous ne pouvons Le recevoir qu’avec l’Amour de Dieu : Si vous ne recevez cet enfant en mon nom comme moi vous ne me recevez pas. Si vous recevez cet enfant en mon nom c’est moi que vous recevez !
Comme disait le Père Olier fondateur des Sulpiciens, Jésus dans l’Eglise Il est partout : Il est à la fois dans le prêtre qui pardonne et dans le pénitent qui vient s’accuser de sa faute.
Le Christ est celui qui accueille et celui qui est accueilli…
Au niveau de cet accueil c’est la même chose. Jésus doit être partout. Et c’est en fonction de la réponse de mon âme que je mets effectivement Jésus partout dans l’Eglise c’est-à-dire que je sanctifie ma paroisse, que je fais que l’Eglise est vraiment l’Eglise comme le Christ la désire. Le Christ est Celui qui accueille et celui qui est accueilli.
Pour qu’il y ait effectivement dans nos églises, dans nos paroisses respectives, une multiplicité de Christ qui accueille et de Christ qui soit accueilli il faut que ça soit chacun de nous qui mettions le Christ en nous, comme accueillant et comme étant accueilli.
Parce que c’est souvent plus difficile de se laisser accueillir que d’accueillir. La pauvreté comme l’humilité est des deux côtés.
C’est la grâce que nous souhaitons recevoir dans notre eucharistie dominicale : revoir notre charité qui est liée à la foi, cette charité que l’on appelle l’accueil et qui doit être effectuée avec la spontanéité de Jésus sous la force de Son Esprit.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
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