Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
Sur twitter
Retrouvez la lectiodivina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweeter : @mgrjmlegall
« AVOIR LA FOI, C’EST SE LAISSER MENER… »
Lectio divina pour le 24ème Dimanche Ordinaire
Is.50, 5-9 Jac.2, 14-18 Mc.8, 27-35
Je propose de réfléchir sur ce passage si important de l’Evangile qui se situe juste à la moitié de la vie de Jésus, avant Sa montée sur Jérusalem et pourtant quelque peu paradoxal puisque Pierre, après avoir reconnu le premier la messianité du Christ, se voit durement rabroué par Jésus.
« Si c’est si difficile d’entrer dans le Royaume, qui pourra y arriver ? »
On pense bien que le Christ perçoit que dans ce cri de Pierre –« Tu es le Messie »– il y a encore beaucoup de ténèbres, beaucoup de scories ; que sous le nom de Messie, il y a cette espérance judaïque du roi vainqueur, du triomphateur qui va libérer le peuple de la domination romaine et rompre ainsi le long silence de Yahvé.
C’est pour cela que Jésus ensuite, « en parlant ouvertement » précise l’évangéliste, c’est à dire sans parabole, sans fard, de manière explicite, va annoncer Sa Passion pour essayer de réajuster la foi de Pierre.
Pierre est sincère mais sa foi est insuffisante. Aussi Jésus se doit-Il de préciser que le Fils de l’homme monte à Jérusalem pour être jugé, condamné et mis à mort. Mais le brave Pierre persiste et se révolte : « Il n’en sera rien Seigneur ! » Jésus le rabroue et lui dit, comme pour en finir : « Passe derrière ! »
Alors nous frémissons devant ce texte en nous disant : si Pierre lui-même, le Prince des apôtres, est rabroué par Notre Seigneur pour son manque de foi, que va-t-il en être de nous ? Les apôtres le diront d’ailleurs au Christ : « Si c’est si difficile d’entrer dans le Royaume, qui pourra y arriver ? »
« Passe derrière moi ! »
Jésus suggère l’élément de réponse lorsqu’Il dit : « Passe derrière moi ! », et qu’Il renouvelle peu après : « Il faut prendre sa croix et me suivre pour être mon disciple. »
Et saint Jacques l’écrivain oublié, celui dont on parle peu (ce n’est ni le grand Paul, ni le Prince Pierre, ni Jean le Théologien), Jacques est là pour développer humblement cette phrase de Jésus et cette explication de la foi. Dieu nous parle à travers lui et nous dit dans la deuxième Lecture : Si la foi n’est pas manifeste, n’est pas rendue visible, elle est morte. Il faut des actes.
Mais pas n’importe quels actes. Il faut des actes de charité. Jacques prend l’exemple de celui qui vient quémander du pain ou un manteau pour se protéger.
La charité c’est l’Amour de Dieu que Dieu se porte et porte aux hommes !
Mais qu’est-ce que la charité ? La charité, Jean nous le dit dans une épître, la charité vient de Dieu. La charité c’est l’Amour de Dieu : l’Amour que Dieu se porte, l’Amour que Dieu porte aux hommes.
C’est aussi l’Amour que Dieu nous donne, dans lequel Il nous immerge pour reprendre l’image de saint Paul lorsque le Saint-Esprit est diffusé dans notre âme par le Baptême. La charité c’est notre ‘milieu vivant’, c’est notre océan de vie. La charité est donc ce même Amour que Dieu porte aux hommes et que Dieu me donne pour que je sois en tant que chrétien, c’est-à-dire ‘autre Christ’, le représentant, celui qui manifeste de manière visible et humaine cet Amour que Dieu porte invisiblement aux hommes.
Voilà ce qu’est la charité et voilà ce qu’est un acte de charité.
La foi seule est une foi morte.
Nous sommes donc bien loin de la notion d’œuvre employée par Jacques comme par Paul et qui sera à l’origine de la querelle protestante, les uns disant que la foi suffit sans les œuvres -les protestants interprètent saint Paul et saint Augustin dans ce sens-là- et les catholiques arguant de saint Jacques pour dire : non il faut des œuvres. Saint Jacques nous dit que la foi seule est une foi morte.
Il n’y a pas de contradiction si nous savons ce qu’il faut mettre sous le terme d’œuvre : non pas les œuvres mortes, les œuvres légalistes de l’Ancien Testament, celles que Jésus reprochera aux pharisiens de faire, réduisant justement l’Amour de Dieu à cette pratique de la Loi.
Mais ce sont les œuvres, au sens développé par saint Jacques. C’est-à-dire la réalisation de l’œuvre de Dieu, celle-là même dont parle Jésus dans le Discours du Pain de Vie : « L’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez ! »
« L’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez ! »
On revient donc à cette foi et à ce lien entre charité et foi. Les œuvres ce ne sont pas les prescriptions légales que Dieu me donnerait ou que je m’inventerai. Les œuvres sont cette participation à l’Œuvre de Dieu le Père qui a envoyé Son Fils pour être le premier manifestant de cette Œuvre.
Et cette Œuvre, c’est l’Amour miséricordieux que le Père porte aux hommes, à chacun, à chacune d’entre nous, à chaque parcelle d’humanité. Mes petites œuvres, si modestes soient-elles, sont une vraie contribution à la réalisation de l’Œuvre, l’Opus Dei !
Car Dieu a besoin de nous, Dieu a besoin des hommes pour manifester Son Amour aux hommes !
« Des fleuves d’eau vive couleront de son sein… »
Nous sommes loin de la notion stérile d’acte… On pose un acte… Nos œuvres, comme le suggère saint Jacques, sont comme des gouttes d’eau que nous déversons sur notre prochain, oui, mais des gouttes d’amour.
Nous aurons remarqué comment sont belles les gouttes d’eau. Elles sont infiniment petites, transparentes, à peine visibles, translucides et pourtant elles sont pleines ! Une goutte d’eau c’est magnifique : c’est plein, mais totalement transparent ! C’est d’une densité unique, c’est parfait, discret, rafraîchissant, vivifiant… Cela nous rappelle l’eau du Déluge, l’eau de la Création, bien entendu l’eau de notre Baptême, l’eau de la purification…
Voilà comment doit être le chrétien qui a la foi.
L’homme de foi est serviteur…
L’homme de foi est en définitive un serviteur de Dieu, celui qui sert à rendre présent dans le monde la présence rafraîchissante, vivifiante de Dieu.
L’homme de foi c’est le serviteur, le serviteur étant l’homme qui écoute, ainsi que nous le rappelle la première Lecture : « Parole du serviteur. Dieu Yahvé m’a ouvert l’oreille et je ne me suis pas dérobé. »
L’homme de foi -la foi étant acte intellectuel d’adhésion à Dieu- est celui qui sert ! La foi et le service sont donc deux notions interchangeables qui expriment le sens vrai et profond du rapport que Dieu souhaite avoir avec l’homme.
Ce n’est pas un rapport de passivité. La foi n’est surtout pas un ensemble de vérités, une adhésion intellectuelle, philosophique, de même que la charité n’est surtout pas un ensemble de B.A., de bonnes actions puériles posées par un ‘moi’ tout à fait limitatif, limité et limitant.
Etre le traducteur du Cœur de Dieu auprès de l’humanité.
La foi fait de l’homme un homme de servitude. Mais oui ! La foi me rend esclave pour reprendre la formule de Grignion de Montfort… Nous sommes esclaves de Dieu dans ce sens là. Nous sommes comme le serviteur à la suite du Serviteur Souffrant qu’est le Christ. L’homme qui a la foi est un homme de servitude ; c’est celui qui met sa vie au service de Dieu pour être le proclamateur actif, mieux encore pour être le traducteur du Cœur de Dieu auprès des hommes.
Voilà l’homme de foi. Ce n’est pas celui qui ratiocine pendant toute une vie sur le dogme de la Trinité ou de la Présence Réelle… Il en faut certes, il faut des théologiens, il faut des docteurs ! Mais je parle pour nous, le petit troupeau des brebis ordinaires du peuple de Dieu. Il ne s’agit pas de se quereller sur un problème de langue ou de traduction, un problème de lutrin. Il s’agit d’être le traducteur du Cœur de Dieu auprès de l’humanité. Et Dieu sait que l’humanité actuellement en a besoin !
Etre un homme de foi ce n’est pas seulement voir. Il y a eu des abus dans ce parallélisme que nous sommes obligés de faire -pour tenter de décrire les réalités de Dieu- entre la vertu de foi, l’acte de foi et la vision.
Avoir la foi c’est voir Dieu comme LA Référence de sa vie !
Avoir la foi ce n’est pas seulement voir Dieu comme Quelqu’un de passif qu’on laisse tranquillement dans Son coin, derrière Son nuage et que nous critiquons comme étant Quelqu’un qui justement reste dans Son coin derrière Son nuage ! Non, cela ce n’est pas de la foi.
La foi ce n’est même pas non plus seulement voir Dieu comme un Etre de consolation ; c’est bien pratique vis-à-vis des pauvres et en ce sens cela ne serait pas complètement faux de décrire la religion comme l’opium du peuple… Ce n’est pas non plus cela.
Avoir la foi c’est voir Dieu comme une référence, comme La Référence de ma vie.
« Je ne crains pas parce que Dieu est avec moi, c’est lui qui me justifie. » Avoir la foi, c’est la première Lecture qui le dit, c’est voir Dieu comme référence : Celui qui me justifie, Celui qui rend ma vie juste, droite. Votre vie est-elle droite ? Qui peut dire que sa vie est droite, transparente ? Il n’y a pas dans nos vies un peu de contournements, de tours et de détours plus mensongers que réellement diplomatiques ? L’art de dire les choses tout en disant ou pensant le contraire…
Avoir la foi c’est, au contraire, voir Dieu comme cette référence, cet éclairage qui, comme une ligne droite, éclaire ma vie et trace la route de mes choix.
Attention cependant : l’éclairage divin ne trace pas ma route : je ne suis pas déterminé ! Je suis libre de dire oui ou non au bien ou au mal. Mais Dieu est là comme une ligne droite qui, jour après jour en fonction du quotidien, du présent, de l’aujourd’hui, trace la route qui donnera la direction à mes choix : je reste libre. Voilà ce que c’est que la foi. Voir Dieu comme cette lumière.
« Celui qui veut être mon disciple doit perdre sa vie et me suivre. »
Jésus termine le passage de Son évangile en disant : « Celui qui veut être mon disciple doit perdre sa vie et me suivre. »
C’est cela le sens de perdre sa vie. C’est suivre la direction que le Père, comme un divin GPS, m’éclaire et que le Fils a tracée avant moi et devant moi. C’est pour cela qu’il dit à Pierre : « Passe derrière moi ! »
Le Christ est cette ligne droite, cet éternel Compagnon d’Emmaüs qui est dans ma vie. Aussi faut-il que je Le voie ! Il faut apprendre à voir le Christ comme cette ligne qui rend juste. Comme disent les informaticiens, justifier un texte c’est le rendre droit. Nous, il faut justifier notre vie ! Il faut que ma vie soit droite. Et nous comprenons donc que nous ne pouvons rendre droite notre vie, seulement en payant notre denier du culte… C’est ce que ne saisissaient pas les pharisiens.
Il faut que je sois à la suite du Christ qui fut le Premier-né de la multitude à avoir cette vie droite parce qu’Il avait comme référence Son Père : « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père. »
Donc il me faut avoir cette référence de la ligne droite qu’est Dieu qui éclaire ma vie, comme un GPS, et marcher derrière le Christ qui avance devant moi sur cette ligne.
Avoir la foi c’est cela : c’est se laisser mener.
Ce n’est pas avoir un pouvoir. Beaucoup de gens admirent la foi des chrétiens comme si elle était un pouvoir de voir la vie en rose ! J’ai la foi alors je domine ! Ce n’est pas cela la foi. D’abord la foi c’est tout petit, c’est une graine de sénevé à l’opposé de la domination. Cela n’a rien de glorieux ni de monarchique.
La foi est une impulsion que Dieu me donne et qui fait éclater mon cœur et qui lui fait répondre oui à Son Amour pour l’humanité.
La foi c’est donc miser toute notre vie sur l’Amour de Dieu pour l’homme. C’est uniquement ça. C’est miser toute sa vie, comme au jeu lorsqu’on fait double au lieu de quitte… La foi c’est miser ma fortune, mes qualités, mon intelligence, mon corps, mon cœur, ce que j’ai reçu de ma famille, de mon pays, c’est miser tout ce que je suis sur l’Amour que Dieu porte à l’humanité. Pour être justement l’instrument de cet Amour, pour être le traducteur de cet Amour.
C’est la grâce que nous nous souhaitons les uns pour les autres en ce début d’année !
Mgr Jean-Marie Le Gall
Communauté Saint Martin
Retrouvez la lectio divina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweet : @mgrjmlegall