Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés… »
Lectio divina pour le 23ème Dimanche ordinaire, le 10 septembre 2017
La lecture de Paul est là pour nous aider à comprendre cette fonction de l’éducation fraternelle en nous donnant deux critères. Le premier, qui est essentiel, on va le voir, est celui, positif, de la charité : « Nous ne devons avoir aucune dette envers notre prochain si ce n’est la dette de l’amour. » Le deuxième est contenu dans ces fameux commandements négatifs, ces interdictions dont Paul nous rappelle les plus importantes.
« L’homme est créé à l’image de Dieu pour L’aimer de Son amour »
Essayons de voir tout d’abord quelle est la place de la charité, et plus particulièrement, puisque Paul nous dit que l’accomplissement de la loi c’est la charité, posons-nous la question : pourquoi la charité est-elle nécessaire au Salut ?
Cela paraît une évidence : pour être chrétien, il faut avoir la foi, l’espérance et la charité. Mais en connaissons-nous la vraie raison ?
Tout simplement parce que l’homme a été créé à l’image de Dieu et à Sa ressemblance. Je suis donc appelé à l’existence dans l’acte d’aimer Dieu comme Dieu Lui-même S’aime. Cette petite phrase anodine de la Genèse contient en fait non seulement l’évocation de notre principe (Dieu est créateur), mais l’évocation de notre finalité et donc la description du principe de construction de notre personne. Puisque je suis créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, je suis appelé par vocation à être comme Dieu, à agir comme Lui, c’est-à-dire à aimer ! Mieux : je suis appelé à être l’instrument de Son amour, cet amour qu’Il Se porte et qui s’appelle la charité.
Mais je ne suis pas appelé à aimer Dieu du dehors, comme un étranger. Je suis appelé à servir de canal, d’instrument à Dieu pour qu’Il puisse S’aimer à travers moi et par moi et que Son amour emplisse ainsi la terre. Donc, je me réalise, je m’accomplis avec le même principe de Vie que Dieu. C’est pourquoi je dois, pour me construire en plénitude, rejoindre la définition de l’essence de Dieu qui est l’Amour comme le révèle Jean : « Dieu est Amour. »
« Celui qui aime le prochain accomplit la loi. »
Surgit alors une deuxième question : puisque c’est l’amour de Dieu qui va me réaliser dans ma vie d’homme, de créature à l’image de Dieu, pourquoi Jésus, et à Sa suite, Paul et l’Eglise insistent-t-ils tant sur l’amour du prochain qui, nous le savons bien, est plus difficile à pratiquer que l’amour de Dieu ?
La réponse est simple : parce que le prochain me donne de manifester visiblement l’amour intérieur, l’élan spirituel, la communion de cœur que j’essaie de vivre avec Dieu.
Ceci n’est pas réductible à une simple conséquence morale à laquelle nous réduisons souvent l’agir chrétien de manière infantile : si tu aimes le petit Jésus, tu dois être gentil avec maman…
Notre Père qui êtes aux cieux…
En fait, l’amour du prochain n’est pas une conséquence extrinsèque de notre amour de Dieu. C’est le même acte, parce que c’est la même faculté et c’est la même vertu qui s’appelle la charité. C’est l’amour que Dieu me donne qui descend de chez Lui dans mon âme pour remonter vers Lui, faisant de mon corps, de mon esprit, de mon cœur, ce canal que j’évoquais plus haut. Il doit remonter vers Dieu tel qu’Il est, c’est-à-dire Père de tous les hommes, L’aimant ainsi, non pas comme mon Dieu à moi seul, mais bien tel qu’Il est en vérité : notre Père qui êtes aux cieux, pour retomber donc avec une réelle fécondité divine sur tous ceux qui sont effectivement aimés de Lui.
Donc dans cet acte double de charité qui m’unit à Dieu et qui m’unit aux autres se résume toute ma vie chrétienne. D’où l’affirmation de Paul : « Celui qui aime le prochain accomplit la loi. » Et bien sûr celle de Jean, tout aussi radicale : « Celui qui dit aimer Dieu et n’aime pas son frère, dit Jean, est un menteur. »
« Voici quels sont les deux plus grands commandements… »
Alors, à quoi sert le décalogue?
Jésus nous donne la réponse dans un autre passage de l’Evangile, lorsqu’un scribe venu L’interroger Lui dit : « Maître, quel est le plus grand commandement ? » Jésus répond : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, de tout ton esprit » et, rajoutant un texte du Lévitique, il ajoute : « et ton prochain comme toi-même. Voici quels sont les deux plus grands commandements, en eux sont contenus toute la loi et les prophètes. »
Voilà la réponse que Jésus nous donne et qui est fondamentale. Le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain (mode d’emploi général pour rejoindre Dieu, pour devenir ce que je suis, fils et fille de Dieu) est le principe et la cause du Décalogue. C’est pour cela qu’il n’est pas inscrit dans le Décalogue, mais que le Décalogue est tout entier contenu en ces deux commandements.
Le Décalogue (tu honoreras ton Seigneur…tu honoreras ton père et ta mère…, tu ne commettras pas d’adultère…, tu ne commettras pas de faux témoignage…) n’est qu’une explicitation, qu’une description, qu’un développement précis et concret des deux commandements-source de la charité. Donc le Décalogue n’a pas ou plus de sens en dehors de ces deux commandements-source. Un peu comme un vitrail sans la lumière : un vitrail sans lumière ne donne rien, n’exprime rien, ne sert à rien. Les deux commandements de la charité envers Dieu et le prochain sont au Décalogue ce que la lumière est au vitrail : elle en donne le sens, la beauté, la vie…
Une dette d’amour que l’on n’a jamais fini de rembourser…
D’où, pour notre examen de conscience ou pour la correction fraternelle à laquelle le Christ nous appelle, l’importance de joindre ce que Saint Paul appelle la dette d’amour envers le prochain : la charité et le Décalogue, c’est-à-dire les précisions que Dieu me donne avec bonté, pour me dire précisément en quoi consiste l’amour de Dieu et de mon prochain.
Lorsque je m’analyse, face aux commandements, je ne dois pas considérer seulement l’acte tel qu’il est, visible et extérieur : je suis allé à la messe…, je n’ai pas tué… Il s’agit de considérer ma vie par rapport à l’esprit qui commande les Commandements : la charité et elle seule.
Aussi, ne dois-je pas dire, je suis allé à la messe dimanche, j’ai donc accompli le premier commandement. Mais je dois plutôt me poser cette question : ai-je sanctifié le jour du Seigneur avec toute la charité que je possède depuis ma dernière confession, ma dernière Eucharistie, c’est-à-dire avec la charité de Dieu ? Ai-je aimé Dieu dans ce jour qui Lui est réservé avec toutes les forces dont, par grâce, je dispose ?
Nous voyons que cela change totalement le point de vue et l’analyse de notre comportement par rapport au Décalogue. Est-ce que dimanche, toute ma journée a été imprégnée en totalité de la charité reçue à la communion ? En un mot, ai-je vécu en confirmant l’affirmation de Jésus : « Celui qui me mange vivra par Moi » ? Ou au contraire, ai-je restreint, vis à vis des autres et d’une quelconque manière, le flot d’Amour christique reçu précédemment à la messe ?
« Celui qui me mange vivra par Moi »
De même pour les commandements vis-à-vis du prochain. Le meurtre physique est, heureusement, relativement rare. Mais pour pouvoir affirmer que je vis parfaitement ce commandement, je dois me poser cette question : ai-je aimé mon prochain avec toute la charité du Christ en moi, l’ai-je aimé comme le Christ l’aime ?
Précisément, par exemple en respectant sa vie. Pas seulement son corps, mais son honneur, sa réputation ? Ou au contraire, me suis-je laissé aller à cette maudite faute que le Pape François veut nous aider à combattre de toutes ses forces : la médisance, la calomnie, les mauvaises pensées, la jalousie, l’envie ? Ai-je aimé mon prochain suffisamment, avec la charité du Christ en moi reçue lors de ma dernière confession ou communion, de manière par exemple, à respecter sa propriété, à la défendre dans la justice, à défendre son bien, même s’il me coûte quelquefois de me mettre en avant, de risquer de prendre un mauvais coup ? Ou ai-je été lâche, égoïste ? Essayons de bien faire ainsi notre examen de conscience personnel afin de pouvoir, vis-à-vis des autres, vivre dans la bienveillance, c’est-à-dire, dans le fait de vouloir le bien, donc de vouloir faire grandir l’autre dans la charité.
« Quand tu te compares, ne te compares pas aux autres, mais à Moi qui ai donné Ma vie pour toi… »
Afin de bien agir dans la correction fraternelle dont nous parle Jésus, remettons-nous en face d’un examen de conscience vrai, délicat, profond, qui ne consiste pas seulement à mesurer ma vie par rapport à une liste d’épicerie, mais à la comparer à celle du Christ, comme Jésus l’enseignait à Blaise Pascal : « Quand tu te compares, ne te compares pas aux autres, mais à Moi qui ai donné Ma vie pour toi… »
C’est là le meilleur moyen de prendre conscience de notre manque d’amour et d’y suppléer en demandant au Seigneur de nous combler de cette charité qui fut le seul moteur de Sa vie et qui est la seule dette que nous ayons vis-à-vis de Lui, vis-à-vis de nous-mêmes et vis-à-vis du prochain.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
Retrouvez la lectio divina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweet : @mgrjmlegall