Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« La patience de Dieu est la marque d’un amour infini qui ne se reprend pas… »
Lectio divina pour le 2ème Dimanche de l’Avent
Is 40, 1-5.9-11 2 P 3, 8-14 Mc 1, 1-8
Dimanche dernier, avec le début de l’Année Liturgique nous avons regardé de quelle manière le Christ, par Sa grâce, par Sa présence active en nous, vit dans notre âme, tout au long de ce cycle liturgique, les mystères qu’Il a vécus sur la terre lors de Son Incarnation, de quelle manière Il reproduit, dans l’humanité que nous Lui offrons, Sa vie de Fils, investissant notre cœur, notre intelligence, nos facultés, notre corps pour conformer progressivement notre vie à la Sienne. Ceci pour que, le jour où Il reviendra dans Son Royaume, nous puissions y entrer et vivre, en Lui, une communion parfaite avec le Père.
Avec le 2ème dimanche d’Avent, c’est véritablement le commencement de cette nouvelle démarche que nous entreprenons en Eglise.
« Commencement de la Bonne Nouvelle de l’évangile de Jésus-Christ… »
Commencement d’abord et surtout de la part de Dieu qui donne le top-départ ! Ce commencement est mis en valeur par le début de l’évangile de Marc qui résume parfaitement toute la foi de l’Eglise : « Commencement de la Bonne Nouvelle (‘l’évangile’ ou la Bonne Nouvelle du Salut) de Jésus-Christ… » Marc utilise ici le génitif pour préciser l’identification de cette Bonne Nouvelle avec la personne du Christ !
Par cette sobre introduction, Marc nous fait entrer dans cette nouvelle année de grâce, temps de grâce dont Jésus nous parlera lors de Sa visite à la synagogue de Nazareth, quand, lisant le chapitre d’Isaïe, Il dira : « Cette parole s’accomplit aujourd’hui, je suis venu, consacré par l’Esprit, pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres et pour inaugurer une année de grâce du Seigneur. »
Aujourd’hui donc, commencement de la Bonne Nouvelle de l’évangile de Jésus, Fils de Dieu, c’est-à-dire recommencement du cycle liturgique annuel pour progresser, par la grâce, dans la vie évangélique, pour s’approprier le Salut apporté…
« C’est pour vous que Dieu patiente… »
Et le temps pour Dieu, saint Pierre le rappelle dans la deuxième lecture, c’est Dieu qui mendie patiemment mon amour. Le temps exprime la patience de Dieu qui attend ma conversion, qui attend notre progression à chacun, personnellement et en communauté dans cette ecclesia qu’est la communauté des croyants.
Dieu met à profit ce temps, à travers les grâces reçues dans le cadre de l’année liturgique et des sacrements, pour nous permettre de poursuivre notre cheminement chrétien sur la route vers la sainteté qu’est l’union permanente à Dieu. Cette marche est en fait un retour vers Lui sans cesse recommencé et jamais fini qui s’appelle la conversion. Au final, Dieu attend de nous, encore une fois cette année, que nous Lui laissions toute Sa place dans notre vie.
Souvenons-nous de ce qu’écrivait saint Paul aux Galates : « Ma vie dans la chair, (donc la vie concrète de tous les jours avec les soucis, le poids du jour et de la chaleur) je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » c’est-à-dire : je la vis, consciemment, à chaque instant dans cette adhésion au Christ qui m’habite.
« Ma vie dans la chair, je la vis dans la foi… »
Non seulement, il n’y a pas d’impossibilité entre ma vie quotidienne et ma vie de fils de Dieu, mais il doit y avoir une osmose parfaite : « Ma vie dans la chair, je la vis dans la foi. »
Voilà ce qu’est la vie chrétienne. Trop souvent, nous mettons une opposition entre la vie spirituelle et la vie du monde. Nous décrétons impossible d’être chrétien dans le monde. Il ne s’agit pas d’avoir une vie chrétienne à côté, de vivre d’une certaine manière pendant la semaine et de réserver notre heure dominicale au Seigneur.
Dieu ne doit pas être à côté de ma vie ! Il doit être dans ma vie comme le levain est dans la pâte pour la faire lever, pour la transformer. Dieu va donner à ma vie une forme qui est au-delà de la forme naturelle. Il va faire lever ma vie par Sa Présence intérieure. Il va la transfigurer par Sa gloire cachée en mon cœur fait crèche.
Il faut donc que je L’accueille et c’est là tout le mystère de Noël ! Il faut que j’accueille Jésus, mon Dieu, mon Rédempteur, dans ma vie, et non pas à côté…
Pour cela, je dois me préparer à cet accueil profond, substantiel et qui doit devenir permanent. Cette préparation, c’est le temps de l’Avent comme nous l’entendons dans la prédication du Baptiste qui prêche un baptême de conversion, c’est-à-dire de mon besoin d’être purifié et guéri.
« Préparez à travers le désert le chemin pour le Seigneur… »
Se préparer à accueillir Jésus, c’est tout simplement reconnaître avec humilité qu’actuellement, Jésus n’a pas assez de place dans notre vie quotidienne. C’est reconnaître qu’une part de notre vie, qu’une part de nos facultés n’est pas christianisée. Nous faisons barrage à l’investissement par Jésus de nos activités les plus courantes : travail, détente, engagement politique, investissement dans le monde économique… Nous nous réservons ces activités en en excluant le Seigneur.
Or pour reconnaître qu’effectivement Jésus n’a pas assez de place dans ma vie, il faut être convaincu de deux choses.
Etre convaincu d’abord que Jésus peut venir dans le désert de ma pauvreté spirituelle, pour reprendre l’expression du prophète, si je n’y mets pas d’obstacle. Et non seulement, Il peut venir dans mon désert, mais Il le veut de toute la force de Son amour !
Car, en regardant notre vie, si nous sommes honnêtes et objectifs, nous verrons que nous sommes vraiment pauvres. Mais cette pauvreté ne désespère pas Jésus, elle ne Le décourage pas. Il veut venir dans ce désert pour le transformer et en faire un pays riche, abondant.
Regardons les saints de Dieu : quelles que soient les époques, quels que soient les pays, quelles que soient les mentalités, ce sont des personnes qui, par la vie du Christ qui les a investies, sont devenues abondantes : abondantes en intelligence, abondantes en œuvre, abondantes en activité, abondantes en conseils… Alors que nous sommes tout étriqués, mesquins, racornis, vieillis avant l’âge avec une bonne artériosclérose spirituelle… Nous sommes avares et ne donnons rien, au contraire des saints de l’Eglise qui sont comme des brûlots d’énergie, des feux de lumière, même et souvent la plupart du temps avec un terreau humain faible et pauvre…
« Vous voyez quels hommes vous devez être, quelle sainteté de vie vous devez avoir… »
Etre convaincu ensuite que l’homme chrétien n’est pas un homme incolore, inodore et sans saveur, asexué, tandis que l’homme du monde, de par ses nombreuses responsabilités, ne peut être chrétien. Dans notre mentalité, en effet, un homme du monde ne peut pas être chrétien parce qu’il lui faut agir dans le monde, avec lui et pour lui. Et qu’on ne peut être mêlé au monde en restant honnête.
Nous partons de ce principe qu’un grand chef d’entreprise, un homme politique, un tribun, un médecin, un chercheur ne peut pas être chrétien. On ne peut pas avoir la foi et avoir une morale si on est chercheur biologiste… Ce n’est pas vrai ! On ne peut pas avoir la foi si on est un grand scientifique… Ce n’est pas vrai ! On ne peut pas avoir la foi si on est un grand militaire… Ce n’est pas vrai ! On peut vivre, travailler, agir, être responsable en vivant concrètement sa foi.
Nous devons absolument revenir sur ce présupposé qu’un homme chrétien ne peut pas être un homme véritable. Ce ne peut être qu’un faible comme le pensait Nietzsche, un pauvre type tout juste bon à grenouiller dans les bénitiers d’église avec les vieilles bigotes ânonnant sans fin des chapelets incompréhensibles.
Mais Dieu n’est pas fou et s’Il nous a fait homme et femme avec le monde à diriger par les responsabilités les plus hautes, c’est qu’elles sont tout à fait compatibles avec notre foi. Ajoutons même qu’elles ne peuvent être assumées en plénitude qu’avec une rectitude morale que seul l’évangile vécu quotidiennement peut donner…
« Faites donc tout pour que le Christ vous trouve irréprochables… »
Si nous acceptons de nous préparer à accueillir le Christ, c’est-à-dire si nous acceptons de reconnaître le manquement de la christianisation de nos personnes, alors nous révèlerons la Gloire de Dieu, pour reprendre l’expression d’Isaïe : nous serons missionnaires, comme le veut ce temps liturgique de l’Avent.
Le prophète nous demande de proclamer que « la faute est expiée… Sion, voici ton Dieu ! » Comment allons-nous proclamer à nos amis, à nos familles, à nos enfants, à nos voisins, et à nos petits-enfants qui ne pratiquent plus, que la faute est expiée, et que Dieu vient dans l’Eglise ? Comment peuvent-ils croire en Dieu, ces pauvres gamins si en nous voyant, prêtres, parents, grands-parents et éducateurs, ils ne voient rien ? Cela ne sert à rien de se lamenter sur l’absence des gosses au catéchisme, sur les jeunes qui ne pratiquent plus et vivent en concubinage, si en nous voyant, ils ne voient rien, c’est à dire qu’ils ne voient pas la Vérité de Dieu en nous, l’Amour miséricordieux de Dieu en nous ?! De quoi nous plaignons-nous ? Nos églises désertées ne sont que le fruit du désert de nos cœurs !
Faisons notre examen de conscience. Non seulement, en tant qu’éducateur familial, sacerdotal, je dois dire : « Dieu, entre dans Sion ! Sion, réjouis-toi, Le voilà ! » mais il faut que l’enfant, le voisin, le compagnon que je croise et qui me voit puisse voir dans mon âme, parcelle de la nouvelle Sion qu’est l’Eglise, la présence de Dieu. Soyons cohérents !
« Son bras rassemble les agneaux et prend soin des brebis qui allaitent… »
Et s’il y a cette vision, la Gloire de Dieu se révèle ! Il n’y a que les saints qui convertissent ! Ce ne sont pas les beaux discours, c’est ma sainteté -c’est à dire la cohérence de mes actes avec mon engagement baptismal- qui convertira mon prochain.
C’est la force de l’Esprit Saint reçu au baptême dans mon cœur et entretenu par une vie de communion permanente avec Lui qui, mystérieusement, rassemblera les brebis dispersées…
Dieu nous récompense lorsque nous sommes bons missionnaires. Comme le souligne Isaïe Dieu est un pasteur. Il soigne particulièrement les brebis qui allaitent. Les brebis qui allaitent, c’est nous les chrétiens lorsque nous nous occupons de nos frères, lorsque nous les nourrissons de la Parole, non pas tant par des conférences ou des développements intellectuels que par le témoignage de cette Parole mise en pratique chaque jour, incarnée dans notre vie…
Nous nourrissons nos frères lorsque nous sommes véritablement témoins, lorsque nous prenons en charge, par la pensée, par le cœur et la prière, par notre sainteté personnelle nos frères, nos enfants, nos petits-enfants et tous ceux qui sont autour de nous. Alors, à ce moment-là, comme salaire, Dieu prend encore plus soin de nous et nous aide à nous conformer encore plus à l’image de Son Fils.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart
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