« Ne jamais quitter la cellule de la connaissance de soi. »
Quels sont nos vices ? Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne cause pas, pour reprendre le titre d’un vieux film célèbre… Donc pas de vices ! Mais si ! J’ai des vices. Prenons ce vice de la méfiance, si courant en chacun de nous ! Quelqu’un sonne, quelqu’un m’appelle ; regardons notre réflexe immédiat, l’a priori négatif : qu’est-ce qu’il me veut ? C’est un vice.
Le vice de la langue contre lequel le Pape François nous a déjà mis en garde plusieurs fois. Juste un peu de critique, pensons-nous… Et que fait-on par la critique si ce n’est tuer ? La critique, en effet, c’est du meurtre. Et cela peut être malheureusement tellement instinctif qu’on ne s’en aperçoit plus : encore un vice !
Il faut donc que nous connaissions nos vices pour nous en délivrer avec l’aide de Dieu. Et c’est difficile car, si nous les pratiquons trop bien, nous les reconnaissons mal, tant ils nous collent à la peau. Il faut donc s’épier à travers les actes de la journée, comme à travers les omissions (ne pas répondre à une salutation est un vice par omission). Il faut s’épier pour voir, à travers tous ces actes, quelles sont les mauvaises tendances profondes de notre âme afin de demander à Dieu de déraciner ce chiendent. C’est à cet exercice de réflexion de conscience qu’appelle Catherine de Sienne en nous recommandant de « ne jamais quitter la cellule de la connaissance de soi. »
C’est généralement long, mais on y arrive, même s’il y a des vices que l’on ne déracine que par notre mort ! Et encore ! Saint François de Sales disait : « Mon orgueil se brisera un quart d’heure après ma mort… »
« Pour accomplir ta Volonté »
« Pour accomplir ta Volonté » Cela reste la finalité ultime à rechercher et vers laquelle le combat est orienté. Mais nous voilà face à une autre difficulté, et pas la moindre…
Car je quitte l’esclavage du péché, dit Saint Paul pour me mettre dans l’esclavage de la volonté divine qui est finalement assez incompréhensible et tout aussi mortifère que le péché. Il n’y a qu’à voir ces pauvres Juifs de la première lecture obligés de se faire couper les mains, la langue… Tout çà pour ne pas manger du porc !
Finalement, on ne sait plus trop où l’on en est : on essaie de se libérer de tendances mauvaises et profondes qui nous déshumanisent, qui nous détruisent -et avec nous la société familiale et nationale-, pour tomber dans une autre espèce d’esclavage de rites et de formalisme religieux…
Comment cela pourrait-il être la Volonté de Dieu? Nous serions en pleine contradiction si, demandant d’être libres pour accomplir la Volonté de Dieu, cette Volonté consistait à faire de nous des esclaves et non des fils… Car alors où serait la liberté ?!
« Si Dieu nous a libérés c’est pour que nous soyons vraiment libres… »
Non ! Nous ne passons pas d’un esclavage à un autre. La volonté c’est le désir, c’est la tendance dont l’acte, c’est-à-dire la réalisation, est l’amour. Accomplir la Volonté de Dieu, c’est laisser Dieu m’aimer, c’est m’offrir à l’Amour de Dieu.
Cela renverse complètement la vision des choses. Au lieu d’être négatif en analysant ses péchés par rapport à une loi, on est au contraire positif, « tourné vers », comme réceptif à une force extraordinaire qui est l’Amour du Dieu des Vivants. Car Il n’est pas le Dieu des morts, le Dieu du ritualisme, de la défense… Il est le Dieu de la Vie, Celui qui donne les paroles de la Vie !
Accomplir la volonté de Dieu, c’est s’offrir à l’Amour du Dieu des Vivants, le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob…
C’est accepter ce que Dieu me propose par amour pour moi. C’est accepter la Vie, Sa Vie qu’Il m’offre :
« Je suis le Dieu de la Vie… Je te donne les Paroles de la Vie… Si tu m’écoutes, tu auras la Vie… Heureux l’homme qui met en pratique ma Parole, il aura la Vie : il sera comme cet arbre dont le feuillage est toujours resplendissant et qui porte en toutes saisons des fruits parce qu’il est au bord du ruisseau, au bord des eaux vives… »
Voilà ce qu’est accomplir la volonté de Dieu. Ce n’est pas du tout être soumis comme nous l’entendons, nous, à une loi pesante, rétrécissante, contraignante. C’est au contraire s’offrir à Dieu comme une fleur s’offre aux rayons du soleil pour s’épanouir !
« Là où Je suis, là aussi sera mon serviteur… »
Or le désir implicite de l’homme, n’est-ce pas cela ? N’est-ce pas cette Vie avec un grand V ? Il n’y a qu’à voir d’ailleurs les recherches médicales qui tendent toujours plus à prolonger la vie, à redonner la vie, à guérir ce qui est malade, ce qui est mourant…
Le désir de l’homme c’est finalement l’immortalité, mais l’immortalité au sens vraiment humain du mot : pas au sens mythologique. Cela veut dire immortalité de mon intelligence, pleinement réalisée dans la vision du Vrai, cela veut dire l’immortalité de mon cœur complètement réalisé, complètement épanoui dans la contemplation du Bien et dans l’aimantation vers le Bon.
On fuit toujours la haine et l’on s’approche de la tendresse : on aime le bon. Imaginez, essayez de cerner dans votre âme, dans vos fibres les plus intimes, cette tendance naturelle que vous avez à reconnaître et à aimer jusqu’au bout, sans limites, sans arrière-pensée, sans ombre… Eh bien, cette tendance naturelle de l’homme vers la vie, voilà que Dieu nous la promet : « Là où Je suis, là aussi sera mon serviteur… »
« Je suis le Dieu des vivants » … Je suis ton Père, tu es Mon fils, tu es appelé à la Vie ! Le moteur de l’accomplissement de la Volonté de Dieu, c’est cela, ce n’est pas la crainte de l’esclave. Laissons cela à d’autres philosophies et d’autres religions. Pour nous, le moteur de l’accomplissement de la Volonté de Dieu, c’est notre propre moteur humain, personnel, propre à chacun et chacune d’entre nous qui est d’aller vers la Vie, un moteur qui est assuré, illuminé, éclairé par la promesse du Christ : « Je reviendrai vers vous, et je vous prendrai avec moi, là où Je vous ai préparé une place. »
« Je suis la Voie, la Vérité et la Vie… »
Il ne faut donc pas voir la Volonté divine comme un rétrécissement de ma liberté, mais au contraire, comme le chemin que Dieu jalonne petit à petit dans ma vie, lorsque je suis enfant, lorsque je suis adolescent, jeune homme, homme mûr, vieillard…
Dieu est toujours déjà là à travers les personnes, les signes, les évènements, si je sais Le voir et les écouter, si je sais m’épier. Il est toujours là pour me montrer par quels chemins ma personne doit se développer pour aller et atteindre la Vie.
De même, la lutte contre notre péché ne doit pas être vue comme une entrave, un rétrécissement, un ‘moins’, quelque chose qui m’embête. Au contraire, la lutte contre le péché, c’est la libération : « La Vérité vous rendra libres ! » C’est la rupture des entraves, c’est ce qui me permet d’être jour après jour un peu plus ce que j’ai été appelé à être de toute éternité dans le dessein de Dieu.
Ainsi nous voyons comment la foi dans la Résurrection est essentielle !
Transfigurer l’espoir de l’homme en espérance d’immortalité
C’est au principe même de ma personne humaine. Il ne peut pas y avoir de contradiction entre la nature et la surnature, entre ma raison et ma foi. Et Dieu ne vient là que pour aider cet espoir humain et le transformer en Espérance de l’eschatologie, de la fin des temps, où je serai pleinement homme, où chacun, chacune, sera pleinement homme, pleinement femme !
C’est pour cela que Saint Paul nous dit : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi, et nous sommes les plus malheureux des hommes, » parce que tout s’écroule, non seulement du message évangélique, mais même de cette force intime à l’âme humaine.
Voilà comment nous devons réfléchir à propos de la Résurrection, sans nous poser les faux problèmes de savoir si nous ressusciterons ou non avec nos déformations présentes…
L’essentiel est la confortation de mon espoir humain (déposé en mon cœur par Dieu qui m’a créé) par une espérance divine : la Vie de Dieu que je suis appelé à partager, non pas comme une récompense légale, mais par cet Amour de Dieu qui m’a créé pour, justement, partager Sa Vie !
C’est la promesse de la plénitude de l’être. Comme pour Jésus qui vient pour faire la Volonté du Père et qui, en ressuscitant, a atteint la plénitude en étant « fait Fils de Dieu par la puissance de la Résurrection. »
Voilà ce à quoi nous sommes appelés dans la Résurrection : à devenir fils et filles de Dieu !