Soyons logiques ! Soyons honnêtes envers nous-mêmes !
Nous nous sommes engagés par notre baptême et nous renouvelons chaque année à Pâques les promesses de cet engagement. Nous savons ce qu’est un engagement : vous vous êtes engagés dans votre mariage, nous nous sommes engagés dans les ordres, nous nous engageons vis-à-vis d’un ami, vis-à-vis d’un enfant…
Nous nous sommes engagés, nous nous engageons chaque année à suivre Jésus sur Sa route pour entrer avec Lui en communion, petit à petit, avec Son Père. Est-ce cela qui dirige nos journées ? Soyons honnêtes, chers amis !
Soyons logiques avec notre engagement d’homme, de femme, soyons logiques avec notre espérance qui nous a engagés à suivre Jésus, cette espérance de la Vie éternelle, et du Bonheur, cette espérance de retrouver notre Père…
Si nous participons chaque dimanche à l’Eucharistie, c’est parce que nous croyons à cette Vie éternelle. Alors pourquoi ne vivons-nous pas en accord avec cette foi ? Pourquoi ne faisons-nous pas en sorte que nos journées soient l’expression concrète, profonde, substantielle de notre adhésion, de notre communion à Dieu ?
« Tous un dans le Christ » !
Le deuxième point est cette parabole du pauvre Lazare et du mauvais riche que Jésus nous raconte.
Le message de ce petit conte n’est pas, bien entendu, que les riches sont condamnés à l’enfer et que les pauvres vont tout droit au Ciel. La meilleure preuve en est que saint Paul nous dit qu’il n’y a plus ni riche, ni pauvre, ni Juif, ni Grec, ni homme, ni femme et que nous sommes « tous un dans le Christ. » Le riche n’est pas condamné par sa richesse en tant que telle non plus que le pauvre n’a droit d’entrée automatique au Ciel !
Le message que Jésus nous fait passer avec cette petite histoire est tout autre. Le message que Jésus nous donne concerne, non pas la richesse mais la Vie éternelle, cette Vie justement que je viens d’évoquer et qui est l’aboutissement de notre vie d’ici-bas.
Et justement, pourquoi le riche n’aboutit pas à la Vie éternelle ? Parce qu’il est fermé au prochain. Le prochain est à sa porte. C’est symbolique. C’est comme Jésus, à la porte de notre âme et Il frappe pour qu’on Lui ouvre. De même ce pauvre est à la porte, mais la porte est close : c’est la fermeture.
« Ils ne se préoccupent pas du tout du sort d’Israël. »
Ce riche n’est pas forcément un mauvais riche. Amos le prophète nous le dit dans la première Lecture : les riches qui mangent, qui festoient sont près de Jérusalem c’est à dire près du Temple, signe de la foi, (ou sur le mont de Samarie, c’est-à-dire pour les Juifs des idolâtres, mais religieux : les Samaritains ne sont pas des mécréants). Donc ces riches ne sont pas des agnostiques ; ce sont des gens comme vous et moi qui ont un certain confort et qui festoient, mais qui sont proches de l’Eglise, proches du curé…
Mais « ils ne se préoccupent pas du tout du sort d’Israël »… Israël représente le peuple, le peuple au sens fraternel, celui qui est de la même Alliance avec Dieu. Ces riches qui sont des « bons » riches car vivant au cœur de Jérusalem, « ils seront déportés » parce qu’ils ne se préoccupent pas du sort d’Israël.
Ne sommes-nous pas en effet un peu déportés dans notre culture actuellement, dans notre espérance politique, (je parle de politique au sens premier du mot, pas au sens de la politique politicienne) notre espérance de voir un pays digne de ce nom, une nation, une patrie, avec une solidarité qui ne consiste pas seulement en un ministère de la solidarité entre générations, mais une solidarité quotidienne ? Ne sommes-nous pas déçus, ne sommes-nous pas finalement nous aussi des déportés de nos espérances, de notre vie, de nos racines ? Et si nous le sommes, à qui la faute ? A nous !
« Dieu est amour » !
Donc ce riche est coupé de la Vie éternelle et c’est normal. C’est logique parce que nous l’avons vu dans la Collecte : « Dieu manifeste sa toute-puissance non pas par sa richesse mais par sa miséricorde et parce qu’Il prend pitié. » Voilà qui est Dieu. Voilà comment Il se définit au contraire de ce riche qui n’écoute pas les pleurs de son prochain ni ne voit ses larmes !
Remarquez que nous aussi nous devrions nous définir comme cela. Ce n’est pas la richesse qui définit un homme ! Pourtant régulièrement dans les hebdomadaires économiques ou financiers on vous décrit les 10, 20, 30 ou 100 premières fortunes du monde, en milliards de dollars…
Mais c’est vrai, et nous faisons tous partie de ce monde de l’idolâtrie de l’argent ! Parce que nous aussi à notre niveau on espère gagner au casino ou au Loto… On aimerait être aussi riche que le voisin, on aimerait pouvoir changer de voiture… Allons ! Il n’y a pas que les milliardaires qui sont en question ; il y a aussi tous ceux, dont nous sommes nous aussi pour une part certainement, tous ceux qui aspirent au bien-être donné par l’argent. Il y a tous ceux qui sans avoir le pouvoir, aspirent au pouvoir, font tout pour avoir le pouvoir…
« Mon fils, ils n’ont plus de vin. »
Dieu, Lui, ne se définit pas par Sa richesse ni par Sa Toute-Puissance. Il se définit par l’écoute, le regard qu’Il porte sur l’autre. D’abord sur Son Fils et sur l’Esprit, puis à l’extérieur de la Trinité sur toute la création, sur chacun de nous… Il regarde notre besoin profond et Il va venir avec Son Fils Jésus pour y répondre.
Marie à Cana sera la meilleure interprète du mystère de Jésus incarné : « Mon fils, ils n’ont plus de vin. » Le pape S. Jean Paul II relevait que Marie est vraiment là pour présenter au Christ Fils de Dieu, les besoins humains à travers ce besoin tout à fait quotidien de la noce : ils n’ont plus de vin, c’est-à-dire ils n’ont plus de foi, ils n’ont plus d’espérance, ils n’ont plus de solidarité, ils n’ont plus de justice, viens ! Aide-les !
Et le Christ dit : « Mon heure n’est pas encore venue. » Ce qui veut bien dire que l’heure de Jésus est l’heure pour répondre à ces besoins. Donc Dieu est véritablement Celui qui répond aux besoins parce qu’Il a vu, parce qu’Il « a entendu le pauvre qui crie » dit le psalmiste, parce que Dieu ne se regarde pas le nombril comme nous, mais Il regarde l’autre, Il écoute l’autre !
« Dieu est bouleversé dans ses entrailles. »
Passons au troisième point.
Dieu se présente donc à nous dans Son être et dans Son agir de pitié, de bienveillance et d’amour… L’Ecriture dit que « Dieu est bouleversé dans ses entrailles ». Il a mal aux tripes comme on dit vulgairement, mais c’est exactement le terme hébreu : « Il a mal aux tripes » ! Les entrailles de Dieu ce sont les viscères, mais le terme hébreu signifie aussi le sein de la femme et tout ce que cela représente : tout cet ensemble psychologique et physiologique de la femme qui craint pour son enfant dans sa maternité ou dans son éducation.
Mais Dieu ne se contente pas de dire ce qu’Il est et de se présenter comme un absolu inatteignable car Il nous appelle ! S’Il nous appelle, c’est qu’Il va nous donner ce qu’il faut pour entrer dans cette manière de vivre qui est la Sienne !
Je nous invite chacun à prendre aujourd’hui la résolution de changer de manière de vivre, je dirais même de train de vie. Justement le train de vie de Dieu ou du chrétien ce n’est pas le train de vie de l’impôt sur le revenu ou sur la fortune.
Prêtons attention au verset de l’Alléluia : « Dieu s’est dépouillé de sa richesse, Il s’est fait pauvre pour nous enrichir de cette pauvreté. » Le train de vie de Dieu c’est cette richesse intérieure qui s’appelle bienveillance, qui s’appelle miséricorde et gratuité, qui s’appelle générosité et don de soi, qui s’appelle amour…
« Donne-nous la grâce pour avoir la vie éternelle… »
Donc Il nous appelle et Il nous donne ce qu’il faut pour entrer petit à petit -parce que c’est très long d’éduquer un homme, vous le savez mieux que moi vous qui avez des enfants- dans Sa manière de vivre c’est-à-dire de voir l’autre, de penser l’autre, de voir et de traiter une misère, d’écouter véritablement le besoin, le manque, la souffrance, et d’y répondre au mieux avec Sa grâce.
Car cette force que nous donne Dieu elle s’appelle la grâce : « Donne-nous la grâce pour avoir la vie éternelle », c’est-à-dire pour pouvoir vivre comme Toi et pour entrer en communion avec Toi dans l’éternité.
C’est sûr que cette éternité parfaite, cette communion totale que j’aurai avec Dieu dans l’Au-delà, elle sera la conséquence logique de la communion que j’aurai ici-bas si j’ai vraiment partagé ce train de vie de Dieu, cette manière de vivre de Dieu, comme disait saint Pierre : « Consortes naturae divinae », être du même sort, participer à la nature divine, à cette manière d’être de Dieu, cette manière de se retourner vers l’homme.
Et cette grâce nous l’obtenons par les sacrements, mais pas seulement par les sacrements : par les sacrements en tant qu’ils sont l’aboutissement ou la conclusion de la Parole. La fin de l’Evangile de Lazare est significative : « Ils ont Moïse et les prophètes » c’est-à-dire la Parole.
« Mes paroles sont esprit et elles sont vie. »
Tout sacrement est l’aboutissement de la Parole transmise par notre parole : c’est l’ordre de l’évangélisation de l’Eglise dans le monde. On apporte la Parole pour aboutir à un sacrement. Ce sera le sacrement de Baptême, ce sera le sacrement de la Confession, ce sera le sacrement de l’Eucharistie…
Mais si nous recevons le sacrement sans la Parole, nous ne recevons rien du tout ! Nous devons comprendre que l’Eucharistie que nous recevons est offerte pour nous conformer à quelque aspect de Jésus, pour nous conformer à un état de Jésus, pour nous conformer à cette manière de vie de Dieu.
Et cette manière de vie de Dieu, elle est annoncée, décrite et présentée comme finalité de notre vie dans la Parole, tout particulièrement celle qui est proclamée à la Messe et commentée par le célébrant.
Si nous n’entendons pas la Parole, nous communions dans le vide. Nous communions pour rien, nous nous confessons pour rien !
Il faut revenir à la Parole de Dieu. Nous ne sommes pas la religion d’un Livre inerte, mais nous sommes la religion de la Parole vivante, la religion du Verbe qui, par la l’énergie de l’Esprit nous révèle Dieu, c’est-à-dire nous Le décrit dans Sa Vie la plus intime que nous sommes appelés à partager.
Je reçois la Parole : Moïse, les prophètes, la Loi, l’Evangile et ensuite je vais me confesser, ou je vais communier, ou je fais baptiser mon enfant, en fonction de cette Parole, pour être rempli, pour être conformé à cette Parole et donc pour être conformé à Dieu. C’est la grâce que nous vous souhaitons.